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Accueil > Éditos de bulletins > 2015 > janvier > 12

Et maintenant, « nous sommes tous Charlie » pour défendre nos droits et nos vies de travailleurs contre l’union nationale !

Nul doute qu’une immense vague d’indignation et d’émotion a soulevé le pays, face à l’attaque à l’arme lourde contre Charlie Hebdo, à quoi s’est ajoutée la prise d’otages sanglante dans le supermarché kasher. Les attentats visaient les journalistes pour ce qu’ils ont écrit et dessiné et les clients de la supérette pour leur appartenance religieuse supposée. Face à l’obscurantisme, en quelques jours, des millions de personnes sont descendues dans la rue. Pour signifier que leur émotion était la même, beaucoup ont dit « Je suis Charlie », même si c’était loin de représenter la diversité des sentiments exprimés.

Charlie est « mort de rire », mais le ridicule ne tue pas les chefs d’Etat !

Dimanche dernier, Hollande et son gouvernement ont pris la tête d’une immense marée humaine… et d’une non moins énorme opération de récupération politicienne. Car ils en seraient morts de rage, une seconde fois, ceux de Charlie, de se retrouver en compagnie de cette brochette de politiciens français et chefs d’État de cinquante pays. Un bal des vampires.

Il est « Charlie », Ali-Omar Bongo héritier de son dictateur de père qui a servi pendant 40 ans au Gabon les intérêts des capitalistes français, dont Total qui contrôle près du tiers de la production pétrolière du pays ?

Ils sont « Charlie », le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov (allez dire ça à la journaliste russe assassinée pour avoir dénoncé la guerre de Tchétchénie !), le premier ministre hongrois Victor Orban qui s’appuie sur des groupes fascistes pour étouffer la presse et faire passer ses plans d’austérité, le président du gouvernement espagnol Mariano Rajoy qui vient de faire voter la loi dite « du bâillon » pour empêcher les manifestations, ou encore le représentant du gouvernement turc qui emprisonne et assassine des opposants et des journalistes ?

Il est « Charlie » le 1er ministre israélien Benyamin Netanyahu dont le dernier fait d’armes est le massacre organisé de plus de 2 000 Palestiniens cet été ?

Il est « Charlie », le 1er ministre grec Antonis Samaras, qui a immédiatement réagi à l’attentat en mettant en cause les immigrés et en appelant à la fermeture des frontières ?

Comme le dit Willem, un dessinateur rescapé : « Nous vomissons sur tous ces gens qui, subitement, disent être nos amis  » . Son collègue Luz ajoute : « Cet unanimisme est utile à Hollande pour ressouder la nation. Il est utile à Marine Le Pen pour demander la peine de mort. Charb, Tignous, Cabu, Honoré, Wolinski auraient conchié ce genre d’attitude ».

Le mythe de l’union nationale, pour faire oublier la guerre de classe à l’intérieur...

Car c’est bien Hollande qui a invité cette « internationale des affreux » et espère ainsi dénaturer les aspirations de millions de manifestants. Une opération d’autant plus hypocrite qu’elle est menée par un gouvernement qui n’a pas lésiné, récemment, sur les entorses à la « liberté d’expression », comme les interdictions des manifestations pour Gaza cet été ou l’assassinat du jeune manifestant Rémi Fraisse par les flics en octobre. Mais tous les partis ont, de plus ou moins bon gré, rejoint cette « unité nationale ». Seule l’extrême-gauche - le Nouveau parti anticapitaliste, Lutte ouvrière et quelques autres groupes - l’a clairement dénoncée.

Mais plus c’est gros, plus ça passe ? Macron, le ministre-banquier, qui conseillait récemment aux jeunes Français « d’avoir envie de devenir milliardaires » tout en peaufinant une nouvelle loi de détricotage du code du travail, pleure Charlie en direct à la télé. Il est pourtant le symbole de cette politique anti-ouvrière menée depuis plusieurs décennies et dont le résultat est l’état indigne des banlieues populaires, terreau de recrutement des fous de l’Islam.

Hollande avec le renfort de la bande à Sarkozy − et Marine Le Pen en embuscade −, va tenter de profiter de la crédibilité nouvelle dont il croit pouvoir se targuer pour amplifier les attaques contre les travailleurs et étouffer les oppositions.

Dans les milieux d’origine immigrée, on craint que ces attentats n’accentuent le climat raciste. Une crainte malheureusement fondée, en témoigne la dizaine d’attaques de mosquées depuis les événements. Mais qu’on ne compte pas sur les ténors de « l’unité nationale » pour s’opposer à ces divisions. De Sarkozy à Valls, ils en sont au contraire les principaux artisans, à coups de démagogie permanente contre les travailleurs d’origine immigrée, qu’ils soient Roms, Africains ou Maghrébins.

Les amalgames ont commencé et l’exemple vient d’en haut : lors d’une réunion tenue ce dimanche, le gouvernement a annoncé que la première mesure serait le renforcement de « frontex », la police européenne des frontières , chargée de repousser les boat-people de Méditerranée… Comme si des terroristes peuplaient les embarcations de fortune des candidats à l’émigration qui meurent par milliers chaque année ! Comme si c’était l’immigration le problème alors que les trois djihadistes sont nés en France !

... et poursuivre les guerres à l’extérieur

Bush avait tiré prétexte des attentats du 11 septembre pour envahir l’Afghanistan puis l’Irak. Hollande l’imite et dès le 7 janvier a annoncé sa détermination à renforcer la prétendue « guerre contre le terrorisme ». En réalité, ces guerres incessantes ne visent qu’à maintenir la domination des multinationales, leur droit à piller les ressources naturelles. Le chaos créé par l’occupation de l’Afghanistan depuis 2001, de l’Irak depuis 2003 ou par le bombardement de la Lybie en 2011, bien loin d’affaiblir les islamistes, a créé un terreau sur lequel ils prospèrent.

De ce fait, les populations des pays musulmans sont les doubles victimes des interventions militaires occidentales et des terroristes islamistes. Les attentats que ceux-ci organisent, y compris les rares qui ont lieu en Europe ou aux États-Unis, visent avant tout à renforcer leur dictature obscurantiste sur les territoires qu’ils contrôlent au Moyen-Orient et en Afrique. Les Algériens qui directement ou par leurs familles ont vécu la guerre civile des années 1990, en gardent le douloureux souvenir.

Et les groupes armés qui parviennent par ces méthodes à contrôler durablement une région et ses habitants, peuvent parfois être reconnus par les grandes puissances, comme le Libyen Kadhafi avant sa chute, ou les ayatollahs iraniens aujourd’hui. Parmi eux, qui sait quels seront les prochains invités de Hollande pour battre le pavé parisien ?

Et maintenant ?

Le piège ne s’est pas encore refermé. Hollande et son équipe au service du patronat compte bien se servir de cette nouvelle popularité tombée du ciel pour raffermir sa politique anti-ouvrière : moins de carotte encore et plus de bâton ! Beaucoup de ceux qui ont manifesté ce dernier week-end espèrent au contraire que demain ne devrait plus être comme hier. Mais il n’y a jamais eu de bon dieu pour les travailleurs ! Ils ont toujours dû se défendre eux-mêmes. Trouver les solutions eux-mêmes, dans leur nombre − on a vu ce week-end qu’il existe ! −, dans leur organisation, mais surtout pas dans des marches silencieuses − aussi massives soient-elles − derrière les chefs d’États de ce système qui appauvrit les pauvres, enrichit les riches, discrimine et bombarde.

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