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Un printemps turc !

Après les printemps arabes de Tunis et du Caire, après les explosions sociales de Grèce ou d’Espagne, c’est en Turquie, ce pays chéri de Renault, Bosch ou Siemens pour sa main d’œuvre bon marché, que la colère fait rage. La place Taksim, au centre d’Istanbul a été envahie depuis vendredi dernier par des dizaines de milliers de manifestants. Ils y expriment un ras-le-bol généralisé face au gouvernement et à la situation sociale.

La répression de la police turque ne s’est pas faite attendre faisant plus de 1000 blessés du côté des manifestants. La mobilisation n’a pas désarmé pour autant, et s’est étendue comme une traînée de poudre dans tout le pays, contraignant les forces de l’ordre à se mettre provisoirement en retrait. Un printemps turc est-il en train de naître à Istanbul ?

Au départ de cette mobilisation, il y a la décision de la municipalité AKP (parti conservateur du premier ministre Erdogan dit « islamiste modéré ») de raser un parc du centre-ville au profit d’un centre commercial. Contre cette décision, quelques centaines de personnes ont installé leur campement pour empêcher la progression des travaux. Vendredi, une violente tentative de les déloger a déclenché une formidable vague de mobilisation. Les manifestants ont alors mis toutes leurs revendications sur le tapis. La goutte d’eau a fait déborder le vase. Et le vase commençait déjà à être bien rempli.

De nombreuses grèves ces derniers mois

Car si on présente souvent la Turquie comme un pays à la croissance modèle, là comme ailleurs, les problèmes sociaux sont explosifs. Le salaire minimum s’établit à 410 euros, tandis que la durée légale de travail s’élève à 45h/semaine pour monter à plus de 60h dans la pratique. Dans ce contexte, alors que la bourgeoisie au pouvoir ne cesse d’afficher une arrogante prospérité, de nombreuses grèves ont éclaté ces derniers mois. Bien souvent, d’abord pour obtenir la création de syndicats dans un pays où la plupart des patrons interdisent de fait leur existence. Autre motif de mécontentement, l’inflation qui s’est élevée à 40% pour le gaz ou le pétrole sur l’année écoulée. Les augmentations de salaire n’en sont que plus cruciales. A Renault Bursa, en novembre dernier, 1500 salariés ont fait grève pour contester les augmentations ridicules accordées et le syndicat qui les avait acceptées derrière leur dos. Ce type de grève s’est multiplié récemment, touchant des entreprises dans le textile, la métallurgie (Bosch...) ou encore la compagnie aérienne Türkish Airlines.

Face à cette contestation sociale, le gouvernement AKP manie la matraque. Après avoir arrêté 126 syndicalistes en février dernier, il a fait interdire la manifestation du 1er mai à Istanbul. Craignant la convergence des mécontentements, 22 000 policiers avaient été déployés pour empêcher tout rassemblement.

Aujourd’hui, ces mesures policières sont insuffisantes pour contenir la montée de la colère populaire. Une cinquantaine de villes ont vu des manifestations monstres parcourir leurs rues. Et la contestation va bien au-delà de la question du parc : la vie chère, les loyers, les salaires et le renversement d’un régime autoritaire sont mis sur le devant de la scène.

Ce printemps turc sera-t-il suivi d’un été prometteur ? En tout cas, il a déjà pris au dépourvu non seulement le régime turc, mais tous les régimes de la région et les grandes puissances.

La classe ouvrière en Turquie est nombreuse et forte de nombreuses luttes courageuses. Si elle devenait le fer de lance de la mobilisation populaire, elle redonnerait espoir aux révolutions d’Egypte et de Tunisie, tout en nous donnant l’exemple des luttes contre les patrons de Turquie, qui sont aussi les nôtres. Nous sommes tous concernés.

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