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Corse : la paix des notables

11 août 2000

Coup de baguette magique de Jospin en Corse ? Le plan proposé par le gouvernement a réussi à mettre d’accord des forces politiques aux positions diamétralement opposées ou, pire encore, aux positions proches mais aux organisations férocement concurrentes. Une unanimité d’autant plus étonnante qu’entre les clans de l’île, de droite, de gauche et les divers partis nationalistes, ce n’était pas seulement la discorde mais parfois les meurtres entre militants.

Ce succès proviendrait du fait que Jospin aurait donné une réponse politique à un problème qui n’avait été posé jusque là qu’en termes de rapport de forces. En fait de projet politique, c’est le flou artistique : ce ne serait ni l’indépendance, ni vraiment l’autonomie, mais pas non plus un département ou une région ! Et cela se ferait d’ici quatre ans, si le gouvernement à ce moment là le veut bien, à condition que la constitution le permette...

Cela convient pourtant aux nationalistes comme à la majorité des élus RPR, centristes, socialistes, et en particulier au président de l’assemblée régionale, le « démocrate libéral » et ami de Madelin José Rossi ? Bizarre ? Non, il suffit d’examiner le plan dans son volet... pécuniaire.

En résumé, pour les riches corses, plus trop question d’avoir des impôts à payer. Il suffira, pour échapper aux taxes, d’invoquer un quelconque effort d’investissement local. Les cadeaux précédents sont confirmés, comme les avantages type « zone franche ». D’autres, qui avaient été abolis sont rétablis comme « les arrêtés Miot ». De nouvelles enveloppes sont prévues pour les aides directes ou indirectes aux « investisseurs », en particulier pour les grands propriétaires fonciers.

Un pactole est offert aux spéculateurs par la réforme de l’aménagement du territoire. Les zones protégées jusque-là de la coulée de béton et des spéculateurs immobiliers par la « loi littorale » ne le seront plus, car ce n’est plus l’Etat mais les nantis locaux qui vont décider eux-mêmes de cet « aménagement ». Et cela au nom de la décentralisation des compétences et des décisions. Bien entendu tout cela vient s’ajouter aux distributions des fonds européens d’aide qui, comme depuis des décennies, iront d’abord à ceux qui n’en ont pas besoin. Même l’enseignement de la langue corse (en soi légitime et justifié) risque bien d’être un moyen de distribuer des fonds et des postes aux nationalistes, sous couvert d’aménagement des classes.

Il est en tout cas bien significatif que personne, ni dans le personnel de l’Etat, ni à gauche, ni à droite, ni chez les nationalistes, ne parle de consulter la population vivant dans l’île !

Car la population, elle, a été tenue complètement à l’écart des tractations entre les notables de tous poils et le gouvernement. Voilà qui ne laisse guère de doute : elle sera de même tenue à l’écart des avantages financiers.

Les travailleurs qui vivent dans « l’île de beauté », devront se contenter, peut-être, de la beauté, et pour certains de la misère au soleil. Tout au plus, les Corses peuvent-ils espérer que ces clans, en se gobergeant, oublieront momentanément de s’entretuer et de prendre la population en otage. Mais rien ne garantit que certains de ces clans soient satisfaits de ce partage des prébendes. Et alors, qu’ils ne recommenceront pas à vouloir se constituer leur trésor de guerre à coups d’exactions, voire d’assassinats, comme précédemment.

Quant aux hommes politiques qui dénoncent cet accord comme la voie ouverte vers l’indépendance, que ce soit Chevènement ou Pasqua, ce n’est nullement l’intérêt des populations qui les motive. L’un, ministre de l’intérieur, l’autre qui l’a été, ont toujours été complices, sous couleur de défense de la « souveraineté nationale » ou de la « République française », des détournements de fonds par des clans de droite comme de gauche liés à leurs partis.

Comme quoi ce n’est ni sur les politiciens bourgeois français ni sur les politiciens bourgeois corses que les travailleurs comme la population corses doivent compter pour faire aboutir leurs revendications légitimes, spécifiques ou non.

Editorial des bulletins d’entreprise L’Etincelle du 7 août 2000 publiés par la Fraction

et la guerre des clans ?

L’éditorial des bulletins L’Etincelle était à peine publié que la Corse était le théâtre de nouveaux assassinats, en particulier celui de Jean-Michel Rossi, ex-dirigeant du FNLC. Ces attentats confirment malheureusement le texte ci-dessus, auquel il n’y a pas une ligne à changer. Tout au plus faut-il reconnaître que nous étions encore trop optimistes en employant le futur à propos des possibilités d’une continuation de la guerre des clans. C’est au présent qu’il convenait de s’exprimer. Hélas pour la population corse !

Les nationalistes laissent entendre que l’assassinat de Rossi serait une provocation « barbouzarde » des opposants aux accords de Matignon. C’est possible. Comme il est tout aussi possible que ce soit le fait d’un groupe nationaliste concurrent. Le propre du genre de guerre qu’ils ont eux-mêmes engagée, sans se soucier le moins du monde de la population de l’île et évidemment totalement hors du contrôle de celle-ci, permet toutes les provocations. Les relations avec les gangsters, les politiciens mafieux, l’extrême droite, les services de police officiels ou officieux ou le gouvernement lui-même (ce que racontait Rossi dans un livre qu’il venait de publier) permettent tous les coups tordus des adversaires d’aujourd’hui... qui sont le plus souvent les amis d’hier ou ceux de demain.

Et les gouvernements français, de gauche ou de droite, soi-disant en lutte avec les clandestins, mais qui dans le même temps négociaient avec eux, leur fournissaient des couvertures, fermaient les yeux sur leurs entreprises mafieuses, voire leur procuraient des subsides (tout cela également confirmé par Rossi lui-même), ne sont pas moins responsables. Et des gouvernements récents, ceux auxquels ont participé Pasqua ou Chevènement comme Chirac ou Jospin.

Dans cet imbroglio personne ne peut y retrouver ses petits. Et pas plus la population de l’île. Il faudrait vraiment être fou pour croire que ce sont ces gens-là qui lui ouvrent un avenir.

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