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Après la catastrophe d’AZF-Toulouse : travailleurs des usines et des quartiers, mêmes intérêts, même combat !

5 octobre 2001

Samedi 29 septembre, près de 20 000 personnes ont manifesté à Toulouse qu’ils ne voulaient « Plus jamais ça », tandis que nombre de Toulousains souhaitent le départ des usines de chimie. Dans les usines du « pôle chimique » du sud de Toulouse, c’est-à-dire la Société Nationale des Poudres et Explosifs (SNPE), Tolochimie et AZF, l’inquiétude pour les emplois menacés fait que bien des travailleurs se refusent à évoquer les manquements à la sécurité dans leur usine par crainte de donner des arguments à tous ceux qui veulent le départ de ces usines.

Le risque existe donc d’une coupure entre les travailleurs des usines considérées comme dangereuses et le reste de la population ouvrière des cités qui enserrent ces usines. Et c’est sur cette base, en faisant mine de répondre aux préoccupations des uns et des autres, que les hommes politiques de tout bord d’une part, la direction d’AZF d’autre part, ont entamé une opération de pure démagogie.

Le premier, Douste-Blazy, le maire UDF de Toulouse, a exigé le déménagement du pôle chimique de Toulouse-Sud. La solution paraît radicale, exprime ce que ressent la population et n’est pas dénuée d’un certain bon sens. Autour de ce thème, simple, on tente de réaliser une véritable union sacrée. A AZF, c’est aussi l’union sacrée qui prévaut. A la télé, le directeur de l’usine a pris position pour la reconstruction d’AZF sur le site toulousain, tout en rappelant que la décision ne lui appartenait pas, et veut ainsi apparaître comme un défenseur des emplois des travailleurs d’AZF.

Qu’ils se soient donnés le mot ou non, les différents représentants de la bourgeoisie - hommes politiques ou directeurs d’usine - cherchent, chacun pour ce qui le concerne, à apparaître comme défendant les intérêts de « leurs » électeurs ou de « leurs » travailleurs.

Mais qui sont donc les responsables ?

Qu’est devenue la responsabilité de Total dans cette catastrophe ? Si Douste-Blazy a bien eu quelques paroles amères à propos de l’aumône de 10 millions de francs accordée par le PDG de Total, il se garde de réclamer que cette entreprise richissime paye tous les dégâts. Et ce ne sont évidemment pas les directeurs d’AZF qui vont mettre en cause leur patron !

Quant à la responsabilité des hommes politiques qui se partagent le pouvoir depuis toujours dans l’extension anarchique des agglomérations - avec en particulier la construction de cités ouvrières proches des usines - il n’en est évidemment pas question. On cherche donc à dédouaner les véritables responsables de la catastrophe, en entraînant si possible les travailleurs, ceux des quartiers comme ceux des usines menacées, dans des impasses en les dressant les uns contre les autres.

Mais, même si les usines étaient reconstruites loin des villes, qu’est-ce qui protégerait les riverains des nouvelles usines et ceux qui y travailleraient ? Et qu’est-ce qui garantirait que les Douste-Blazy et leurs descendants ne laisseraient pas les agglomérations rattraper les usines ?

Quant au directeur de l’usine AZF de Toulouse, il peut tenter de se tailler une popularité à bon compte auprès des ouvriers de l’usine en se prononçant pour la reconstruction sur le site. Il sait bien que la décision ne dépend pas de lui, mais, entre autres, du PDG de Total. Or celui- ci, d’après Le Monde daté du 27 septembre, « mettrait purement et simplement fin aux activités d’AZF » s’il est question de « transfert et de reconstruction ailleurs ». La reconstruction d’AZF sur le site toulousain est donc hautement improbable et, de toute façon, il semble bien que Total souhaite se débarrasser des productions d’engrais depuis un moment !

Pour le contrôle de la sécurité par les travailleurs et la population

On peut toujours parler de déplacer les usines qu’on aura déclarées « dangereuses ». Cela ne fera que déplacer le problème. Et, de toute façon, il restera les autres qui, elles aussi, le sont ! Toutes les usines stockent, manipulent des produits dangereux. Le vrai problème est dans les conditions de sécurité qui prévalent dans les usines et obéissent avant tout à des questions de rentabilité. Le vrai problème, c’est que ce sont les patrons et pratiquement eux seuls qui sont en charge de la sécurité. C’est cela qui est intolérable. Les travailleurs des usines, la population des quartiers doivent pouvoir contrôler eux-mêmes, en se faisant assister, si besoin est, d’experts de leur choix, la façon dont la production est réalisée dans toutes les usines.

Pour aujourd’hui, il faut obtenir l’indemnisation totale et le relogement correct, dans des délais rapides, de tous les sinistrés des quartiers populaires. Mais il faut également faire payer à Total non seulement tous les dégâts, mais aussi les salaires de tous les travailleurs, ceux d’AZF mais aussi de toutes les entreprises dont l’activité a été interrompue, tant qu’ils n’ont pas récupéré leur emploi ou un emploi équivalent. Et pour qu’il n’y ait « plus jamais ça », il faut que les travailleurs des usines et la population des quartiers puissent contrôler dans quelles conditions se fait la production.

Voilà sur quelles bases les travailleurs des usines, à commencer par ceux d’AZF, pourraient s’adresser à la population des quartiers. Pour les travailleurs d’AZF, ce serait même vital, eux qui, maintenant que leur usine est partie en fumée, n’ont plus aucun moyen de pression sur la direction du groupe Total en dehors de l’appui de tous les travailleurs contre leur patron.

La présence dans la manifestation du 29 septembre de quelques travailleurs d’AZF derrière leur banderole « Des travailleurs du site AZF-Travailler pour vivre, pas pour mourir » a été remarquée par tout le monde. Même s’il est petit, c’est un premier pas pour que les travailleurs des usines montrées du doigt s’adressent à toute la population.

Ceux qui veulent que la jonction se fasse entre les travailleurs des usines et des quartiers ne sont pas encore organisés à cette fin. Mais c’est dans cette direction qu’il faut s’efforcer d’aller.

Jean-Jacques FRANQUIER

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