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Au Technocentre Renault Guyancourt : un mouvement de grève qui déménage !

mardi 17 mai 2022

(Crédit photos : Arlequin 9969)

Depuis lundi 25 avril, un important mouvement de grève des salariés de PEI [1], la société sous-traitante en charge du ménage, perturbe le fonctionnement du Technocentre Renault Guyancourt (TCR) dans les Yvelines. Principal centre de R&D en France et vaisseau-amiral de l’ingénierie Renault, le TCR accueillait plus de 10 000 personnes avant les restructurations massives et la généralisation du télétravail qui a suivi avec la crise du Covid.

C’est justement au nom de ces réorganisations que Renault, après avoir déjà imposé le chômage partiel aux salariés du ménage pendant les confinements, a annoncé la fermeture du Technocentre tous les vendredis pour une période illimitée. Une décision inacceptable pour des salariés du ménage qui perdraient alors une journée d’activité… et de salaire ! À l’heure où sont écrites ces lignes, le mouvement de grève pour la défense des salaires et des emplois se poursuit.

Des salaires de misère, des emplois menacés

Les salariés de PEI, dont beaucoup gagnent moins que le Smic en raison des temps partiels qui sont la norme dans ce secteur, ont déjà la « tête pleine parce qu’il faut réfléchir à comment faire les courses à la fin du mois » selon l’expression d’une gréviste sur le piquet. Alors pas question de perdre une journée de salaire pour que Renault fasse des économies supplémentaires sur leur dos. D’autant que de nouvelles menaces sont apparues. Ainsi, les grévistes apprenaient par la presse peu après le début de la grève que Renault prévoyait d’appliquer un « nouveau contrat » au sous-traitant PEI, à partir du 20 mai. Ce nouveau contrat s’inscrit dans la continuité de la cure d’austérité qu’impose Renault à ses salariés depuis maintenant deux ans, avec une diminution de 27,6 % du volume actuel d’heures de travail. Ce qui, pour les salariés du nettoyage, se traduirait par une trentaine de suppressions de postes pour un effectif de 130 salariés dans l’ensemble des secteurs du Technocentre, mais des suppressions supplémentaires sur d’autres sites franciliens de Renault comme Boulogne, Nanterre, l’Atelier Renault de Paris, etc. Au total, ce seraient entre 60 et 80 salariés de PEI qui risqueraient de perdre prochainement leur emploi. Belle récompense pour des salariés, principalement des femmes, souvent âgées, et qui pour beaucoup étaient « encore des bébés quand (elles ont) commencé à travailler au TCR ! »

Les « invisibles » du Technocentre

Le mépris de PEI et de Renault pour les travailleurs du ménage, c’est l’un des sujets de discussion qui revient souvent sur les piquets de grève qui se tiennent chaque jour devant les portes barricadées du TCR. On daube (beaucoup) sur le chef local cordialement détesté et (un peu) sur les « costards-cravates » (les cadres) auxquels la direction interdit de parler et dont certains peuvent se montrer franchement dégueulasses… à tous les sens du terme, comme « celui qui pose systématiquement son paquet sur le clapet de la cuvette, histoire de faire ch… ». Alors, cette grève, au-delà même de la question du travail et des salaires, c’est aussi une grève pour la dignité, pour faire voir enfin les « invisibles » du Technocentre, tous ceux qui assurent les fonctions subalternes, le ménage, mais pas seulement. [2] Beaucoup de travailleurs de la restauration, de la logistique, de la sécurité, etc. pourraient aussi se sentir concernés par ces baisses constantes des salaires et les menaces sur leur emploi. D’ailleurs, ces derniers ne s’y trompent pas. Des salariés de Vestalia (logistique) qui passent devant le piquet versent à la caisse de grève avec un mot d’encouragement. Des grévistes taquinent en toute décontraction un gars de la sécurité Samsic qu’on invite à partager une part de pizza. « Celui-là, on le connaît ! » Par contre, on n’est pas content de ses collègues qui la veille ont bousculé les grévistes aux portes pour les empêcher d’entrer. Heureusement, tout s’arrange : « Celui qui t’as bousculé hier, il était pas de chez nous, c’était pas un Samsic » assure l’amateur de pizza.

Le Technocentre assiégé

C’est que depuis que la grève a démarré pour de bon, mardi 3 mai, le TCR s’est peu à peu transformé en véritable forteresse assiégée. Les badges de l’ensemble des salariés PEI ont été désactivés, histoire d’éviter une nouvelle manifestation au sein des bureaux comme au début de la grève (les 25 et 26 avril), ainsi que ceux des représentants syndicaux. Mieux encore, Renault, de crainte de les voir tout de même pénétrer dans les lieux, a ceinturé la porte d’entrée de barrières métalliques version XXL et réclame la présence de la police, qui passe désormais quotidiennement en voiture pour « contrôler que tout se passe bien ». Pour défendre ce nouveau château-fort, il a aussi fallu recruter une armée de nouveaux vigiles, qui barricadent les portes contre des salariés pourtant très paisibles. Et n’hésitent pas à jouer les cow-boys quand il s’agit d’empêcher les grévistes de vouloir entrer sur leur lieu de travail. Conséquence de ces fermetures, les salariés Renault doivent faire des tours et détours pour trouver une porte ouverte, tandis que d’autres se sont retrouvés enfermés dans le Gradient (un bâtiment en dehors des « murs ») lorsque les grévistes se sont amusés à faire courir les vigiles derrière eux en organisant une nouvelle manifestation autour du TCR !

En attendant, en dépit des menaces de faire appel aux CRS pour déloger les piquets de grève qui bloquent à l’entrée les camions de livraison, le temps comme le moral des grévistes restent au beau fixe. La grève est votée chaque matin en assemblée générale avant de se répartir les tâches de la journée : tenir les piquets, aller négocier, faire les courses, etc. Un comité d’organisation de la grève a même été élu pour préparer en amont le travail.

Renault-PEI : alliance des menteurs

Pour l’instant, les directions de Renault et de PEI cherchent à fatiguer les grévistes en gagnant du temps et se renvoient mutuellement la balle pour ne pas assumer leurs responsabilités. Ainsi, après que PEI eut d’abord exigé des grévistes un « service minimum », en prétextant que Renault pourrait faire appel à une autre société pour remplacer PEI si le service n’était pas fait, les grévistes ont accepté que certains salariés puissent effectuer quelques tâches d’urgence pour les sanitaires et les poubelles à condition de les désigner eux-mêmes par roulement journalier. Un arrangement auquel Renault et PEI ont finalement renoncé… au prétexte que des délégués syndicaux feraient partie de l’équipe désignée parmi les grévistes ! Après l’échec de cette manœuvre pour faire reprendre le travail tout en écartant les militants syndicaux, la grève se poursuit de plus belle… pendant qu’une poignée de non-grévistes s’échine à suppléer les absents.

C’est que Renault et PEI – cette dernière étant également en grosses difficultés financières – cherchent coûte que coûte à mettre fin à une grève qui pourrait donner des idées à de nombreux salariés sur le TCR comme dans les autres sites franciliens de Renault… Comment baisser les salaires ? À ce jeu-là, c’est évidemment la multinationale qui va s’imposer aux dépens de sa sous-traitante.

Des manœuvres dont les grévistes ne sont d’ailleurs pas dupes. Pendant que les travailleurs du ménage réclament de quoi travailler et vivre décemment, Renault dépense sans compter pour barricader le TCR et octroie des primes astronomiques à ses cadres dirigeants !

15 mai 2022, Hermann Kruz


[1PEI (Propreté environnement industriel)

[2La généralisation continue de la sous-traitance dans le secteur fait que de nombreux services sont assurés par des sociétés prestataires comme PEI (ménage), Vestalia (logistique), Samsic (sécurité), Elior (restauration). Leurs salariés considérés comme extérieurs à Renault, même s’ils travaillent parfois depuis des dizaines d’années sur le site, sont très mal payés et constamment soumis au chantage qui accompagne les renouvellements de contrat de leur employeur avec Renault.

Mots-clés Entreprises , nettoyage , Renault
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