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Italie : guerre aux pauvres

samedi 6 novembre 2021

(Illustration : en 2019, le Mouvement 5 étoiles affirmait avoir « éliminé la pauvreté ».)

Le 3 novembre, la gendarmerie italienne a convoqué une conférence de presse pour présenter les résultats des contrôles effectués concernant les bénéficiaires du « revenu de citoyenneté ». Présenté comme une aide à la population la plus pauvre, ce revenu instauré en janvier 2019 était la mesure phare mise en avant par le Mouvement 5 étoiles, qui lui avait valu un succès aux élections de 2018, particulièrement dans le Sud, où le taux de chômage est le plus élevé.

Depuis le début de l’année, sur les près de 6 millions de personnes vivant dans un état de « pauvreté absolue », selon les statistiques officielles, 3,8 millions (soit 1,7 million de familles) ont bénéficié d’un revenu de citoyenneté, d’en moyenne 577 euros mensuels (le montant maximum étant fixé à 780 euros). Les contrôles de la gendarmerie ont concerné 156 822 personnes, parmi lesquelles 9 247 ont été considérées comme « fraudeurs » et devront rendre des comptes à la justice. Quelques cas d’abus flagrants ont, bien sûr, été montés en épingle par la presse : untel a perçu le revenu de citoyenneté alors qu’il roule en Ferrari, un autre est un mafieux notoire… Mais souvent ceux que l’on n’hésite pas à qualifier de fraudeurs, voire de délinquants, sont des miséreux qui ne remplissaient pas complètement les règles imposées.

Un parcours du combattant pour un revenu de survie

Pouvoir toucher ce minimum de survie oblige à des démarches compliquées et nécessite de remplir des conditions draconiennes.

Ce revenu est accordé pour une période maximum de 18 mois renouvelables… avec toutefois une suspension d’un mois entre deux demandes. Pour en bénéficier, il faut avoir un ISEE (Indicateur de la situation économique) inférieur à 9 360 euros par an. Cet indicateur prend en compte le revenu, et le patrimoine immobilier et financier. (Il ne faut pas avoir plus de 6 000 euros d’économies pour une personne seule, augmentées de 2 000 euros par personne à charge). Outre qu’il faut présenter un tas de justificatifs (livret de famille, relevé de compte bancaire, contrat de location…), il ne faut pas avoir acheté une voiture neuve lors des six mois précédant la demande, ne pas être au chômage à la suite d’une démission survenue au cours des douze derniers mois, ni avoir eu de condamnation pénale. Les étrangers extracommunautaires doivent résider en Italie depuis dix ans, ou avoir au minimum deux ans de présence continue.

Enfin les bénéficiaires du revenu de citoyenneté doivent être demandeurs d’emploi et disponibles pour effectuer des travaux d’intérêt public dans leur commune.

Des nouvelles règles encore plus strictes

Hasard du calendrier ? Cette dénonciation des prétendus fraudeurs arrive au moment où la nouvelle loi de finances durcit encore les critères pour pouvoir toucher ce bien maigre revenu.

Un tiers des bénéficiaires étant considéré comme « occupable », il est prévu qu’il ne sera pas possible de refuser plus de deux offres d’emplois « acceptables », au lieu de trois actuellement. La première offre étant considérée « acceptable » si le travail proposé se trouve à moins de 80 kilomètres de sa résidence, et pour la deuxième sur tout le territoire italien. À partir du premier refus, le revenu versé sera diminué de cinq euros par mois.

Pendant ce temps, les riches, eux, peuvent dormir tranquille, leurs fortunes sont bien à l’abri, personne ne vient enquêter sur les 100 milliards, sans doute sous-estimés, par an d’évasion fiscale.

« Gare à la revanche, quand tous les pauvres s’y mettront »

Côté démagogie, la palme revient, sans surprise, à l’extrême droite. Salvini, leader de la Ligue, a déclaré que le revenu de citoyenneté finissait « dans la poche des délinquants » et qu’il s’opposerait à son refinancement, avant de faire marche arrière… Peut-être convaincu par la déclaration de Stefano Patuanelli, ministre de l’Agriculture, qui a dit, lors du débat parlementaire : « Sans le revenu de citoyenneté, la tension sociale aurait explosé, et elle aurait été ingérable. Mais ici, il y en a ici qui font semblant de ne pas le comprendre. » Les petites phrases n’ont pas manqué non plus contre les méridionaux qui seraient des assistés (… question d’ADN sans doute !) puisque la plus grande partie du revenu est versée dans le sud du pays et les îles. Et bien sûr pour dire que ce revenu devrait être réservé aux seuls Italiens.

Accorder aux plus pauvres tout juste de quoi survivre, comme s’ils leur faisaient l’aumône, n’empêche même pas les bourgeois et les politiciens à leur botte de faire preuve de la démagogie la plus crasse. Tout ce qu’on peut souhaiter c’est que cela ne les mette pas à l’abri de l’explosion sociale.

Thierry Flamand

Mots-clés Italie , Monde
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