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Abbas, nouveau chef de la police palestinienne… mais pas encore de l’Etat palestinien

mardi 11 janvier 2005

Mahmoud Abbas qui a fait campagne pour la fin des violences et s’est prononcé contre l’Intifada armée, est élu avec quelques 66 % des voix et avec 70% de participation, selon la commission électorale. Bush s’en est réjoui et l’a invité à Washington. De son côté, le Premier ministre israélien Sharon a affirmé qu’« avec cette élection, les Palestiniens s’engagent sur la voie du compromis et du dialogue » et s’est déclaré prêt à rencontrer Abbas. Sharon affirme toujours vouloir se retirer du territoire de Gaza en y démantelant les colonies israéliennes et c’est pour y parvenir qu’il fait rentrer les Travaillistes dans son gouvernement.

Certains optimistes interprètent tout cela comme des circonstances favorables pour la paix et la résolution des problèmes du peuple palestinien. Mais jusqu’à présent, Sharon avait surtout démontré qu’en quittant Gaza, il comptait y laisser une situation sociale et politique ingérable. En même temps, il s’autorisait à y continuer les incursions militaires de représailles tels les raids israéliens « ciblés » qui ont précédé l’élection, faisant de nombreuses victimes civiles, en particulier des enfants. Ce n’est certainement pas là le plus sûr moyen d’ôter aux groupes armés comme le Hamas leur soutien populaire.

Que ce soit avec Arafat ou avec Abbas, Sharon ne s’engage nullement à démanteler le mur qui découpe des régions palestiniennes, isole des villages de leurs terres agricoles et des villes voisines ou de leurs sources d’eau. Il s’engage encore moins sur la reconnaissance d’un Etat palestinien sur autre chose qu’un territoire en peau de chagrin, constitué de pièces et de morceaux séparés. Et pas question de reconnaître Jérusalem comme capitale de l’Etat israélien et en même temps d’un Etat palestinien. La paix selon Sharon, tout le monde la connaît. C’est lui qui a lancé la meurtrière guerre du Liban, planifié les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila et organisé la provocation sur l’esplanade des Mosquées de Jérusalem, à l’origine de la dernière Intifada.

Les Travaillistes qui ont choisi de sauver le gouvernement Sharon, en entrant dans une coalition avec lui, ne sont pas plus pacifiques que la droite et ils l’ont bien montré quand ils gouvernaient. Pour eux comme pour Sharon, c’est à l’Autorité palestinienne de démontrer qu’elle est capable de faire la police dans son camp, de désarmer les groupes terroristes palestiniens.

L’élection à une large majorité de Abbas et l’importante participation aux élections, alors que le Hamas et le Djihad Islamique appelaient à l’abstention, signifie-il que les Palestiniens sont suffisamment épuisés et découragés pour accepter la paix aux conditions de Sharon ? Sont-ils prêts à accepter un territoire encore restreint par rapport aux conditions du traité d’Oslo ? Ce résultat signifie-t-il que l’audience des groupes armés n’est plus en mesure de tout remettre en question ? C’est loin d’être évident. Si Abbas est élu largement, on ne peut pas dire que son élection ait déclenché une explosion de joie côté palestinien. Abbas aura fort à faire pour convaincre les Palestiniens qu’il suffit de négocier pour que leurs conditions d’existence s’améliorent. Aucune des questions de fond n’est réglée.

Les Palestiniens n’auraient-ils pour réaliser leurs aspirations légitimes que le choix entre Abbas ou l’extrême-droite intégriste ? Force est de constater que la politique des organisations palestiniennes a conduit une nouvelle fois la lutte des Palestiniens dans une impasse. La révolte des pierres, un soulèvement populaire spontané de la population que les troupes israéliennes peinaient à réprimer, aurait pourtant pu être porteuse de toutes autres perspectives. Mais à condition que les organisations palestiniennes aient cherché à tisser des liens avec la population pauvre israélienne, victime elle aussi d’une situation sociale et économique de plus en plus catastrophique en raison des conséquences de la provocation de Sharon et de la politique du gouvernement israélien.

Les groupes armés palestiniens, et principalement le Hamas, faisant de tous les Israéliens des ennemis à terroriser, en ont décidé autrement. Ils mènent la guerre non seulement à l’Etat israélien mais à toute la population israélienne, la poussant dans les bras de Sharon et de l’extrême-droite. Et par ailleurs, pas plus le Hamas que le Fatah ou l’OLP ne cherchent à s’associer réellement les masses arabes dans une lutte d’ensemble contre toutes les dictatures de la région, toutes aussi liées à l’impérialisme américain. C’est pourtant en développant une telle perspective que le peuple palestinien aurait la force de faire reculer ses adversaires et d’obtenir le droit à son Etat national, droit qui lui est toujours refusé.

La nouvelle Autorité palestinienne sera prise entre deux feux : entre sa volonté de négocier avec Israël en arrêtant les attentats et la pression des groupes armés, et particulièrement du Hamas. Sharon imposera à Abbas de mettre au pas ces groupes sans pour autant lui donner les moyens politiques (la satisfaction des revendications des Palestiniens). L’espoir d’une paix au Moyen-Orient ne peut venir ni de l’abandon de la lutte prônée par Abbas ni de la politique du Hamas qui fait des Israéliens des otages de leurs dirigeants les plus bellicistes.

Robert PARIS