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DOSSIER : La crise de l’école : le mirage de la démocratisation scolaire

www.education.com : De nouveaux marchés s’ouvrent au privé

Mis en ligne le 1er décembre 2000 Convergences Société

Mille milliards de dollars... C’est la somme que dépenseraient annuellement les pays de l’OCDE pour l’enseignement. Ce montant est assumé pour une très grosse partie par le secteur public ; mais le secteur privé occupe lui aussi une place importante : il y a bien sûr les écoles privées (souvent confessionnelles) plus ou moins subventionnées selon les Etats, et tous les organismes chargés d’assurer une formation permanente qui ont largement prospéré. Avec le développement des technologies multimédia et d’Internet, de nouveaux horizons semblent s’ouvrir. Un « marché mondial de l’éducation » s’est même tenu pour la première fois au mois de mai à Vancouver (Canada), réunissant plusieurs milliers de professionnels en provenance de 77 pays.

En fait, depuis la fin des années 80, on assiste à une multiplication des associations patronales déclarant vouloir profiter des nouvelles technologies pour « rapprocher l’école des entreprises ». L’une des plus importantes de ces associations patronales est l’ERT (European Round Table, crée en 1983), qui regroupe les patrons des plus grosses firmes d’Europe, comme Suez, Renault, Rhône-Poulenc, Petrofina... ainsi que plusieurs constructeurs informatiques. L’un des objectifs poursuivis est d’encourager l’informatisation de la formation interne des entreprises pour réaliser des économies de formation. Il s’agit aussi d’influer sur les programmes de formation publique, par le biais du développement de la pédagogie « en ligne » ou par logiciel. Le but est ici d’obtenir les profils correspondant au mieux aux désirs patronaux, tout en limitant au passage les coûts de l’éducation publique. Le résultat sera bien sûr d’ouvrir un vaste marché pour le secteur informatique, et les associations patronales en question sont aussi investies par des industriels de l’informatique qui cherchent à se placer pour pouvoir vendre matériel et services de formation.

Tout le monde est sur le pont

Au sein des entreprises, ces projets ont reçu quelques débuts d’applications, comme chez Bosch GmbH qui employait 95 000 personnes en Allemagne en 1994 et dépensait l’équivalent de 880 millions de francs pour la formation. Pour réduire ces coûts, il a utilisé dès 1996 un programme d’auto-formation pour 20 % de son personnel, à domicile et en dehors du temps de travail...

Au sein du système éducatif, les entreprises intéressées tentent souvent de s’appuyer sur une coopération avec des universités, privées ou pas, alléchées en tout cas par les retombées financières (ne serait-ce que celles provenant de la capitalisation sur les « nouveaux marchés boursiers ») : aux Etats-Unis, IBM et Lotus se sont alliés avec l’université du Wisconsin, des entreprises comme onelinelearning.net et America Online avec l’université de Californie ; un programme nommé « Virtual-U »(University) a été lancé au Canada...

En France, les ministères de l’éducation nationale et de la recherche ont lancé un appel d’offre en juin 2000, doté de 18 millions de francs, pour la constitution de « campus numériques ». Le projet EduFrance mis en place par Allègre est désormais présenté comme « une agence sur le marché mondial de l’éducation » [1].

Au niveau de l’enseignement primaire et secondaire, on peut citer comme expérience allant dans cette direction le projet « Ecoles de demain » mis en place par Pétrofina et IBM-Belgique/Luxembourg, impliquant un millier d’élèves servant de cobayes pour les « didacticiels » ou logiciels d’apprentissage ; ou encore, à un stade plus avancé, le cas d’Educinvest (du groupe Vivendi), entreprise gérant 250 écoles privées en France, réalisant 850 millions de francs de chiffre d’affaires.

Les pouvoirs publics sont partie prenante de ces projets d’OPA sur l’éducation : sans parler des instances européennes, en pointe sur la question, Tony Blair a lancé en 1997 un projet d’un milliard de francs pour mettre en réseau les 32 000 écoles britanniques, sous le patronage de Bill Gates ; en 1998, Strauss-Kahn invitait lui aussi à « une collaboration très étroite » le PDG de Microsoft, qui investit par ailleurs beaucoup dans son association « Graines de multimédia », présentée comme « un laboratoire pour étudier les blocages structurels qui freinent l’équipement des écoles ».

Mais les perspectives sont encore virtuelles

Pour l’heure, la « marchandisation de l’enseignement par Internet » semble tout de même encore à l’état de projet ; et il est trop tôt pour dire avec quelle ampleur elle se fera. Après tout, la création d’écoles ou de filières répondant à des besoins précis du patronat est vieille comme les Etats bourgeois. Et l’enseignement à distance privé a déjà connu des heures de gloire au début du siècle (en 1924, aux Etats-Unis, il « instruisait » quatre fois plus de personnes que l’enseignement supérieur classique), avant de s’effondrer. A chaque évolution des technologies de la communication (téléphone, film, cassette audio et vidéo...), on a imprudemment prédit une explosion du secteur. Mais il est vrai aussi qu’Internet offre des outils d’une souplesse extraordinaire, qui pourraient permettre aux capitalistes de transformer en immenses aires d’investissements des secteurs de l’activité sociale qui jusqu’à présent ne leur étaient pas directement accessibles.

Benoît MARCHAND


[1XXI° siècle n°7, revue publiée par le ministère de l’éducation nationale On peut aussi y lire : « Le développement des échanges répond à un enjeu culturel, puisqu’il s’agit de la formation des élites des pays étrangers, et économiques, dans la mesure où ce secteur représente, par exemple, aux Etats-Unis le quatrième poste d’exportation rapportant chaque année plus de 7 milliards de dollars ». On est très loin d’une logique de service public comme cela était affirmé initialement…

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