Notre santé n’est pas une marchandise !
1er décembre 2003 Éditorial des bulletins L’Étincelle
Après l’épisode dramatique de la canicule cet été, voilà l’hôpital public à nouveau débordé avec les épidémies hivernales, telles que les bronchiolites des nourrissons, grippes et autres gastro-entérites. Face à la panique des parents, obligés d’attendre des heures aux urgences avec leurs enfants malades, le discours officiel tente de nous culpabiliser : nous devrions nous adresser aux médecins généralistes, être raisonnables et ne pas aller à l’hôpital pour un simple rhume…
Les mêmes ont pourtant jugé bon d’envisager de déployer le plan Blanc, qui permet de rappeler les personnels de santé en repos, voire d’avoir recours à des personnels libéraux. Ces épidémies ne sont quand même pas une surprise ! Si pour chaque épidémie de grippe, il faut des moyens d’urgence, les hôpitaux publics n’en ont pas fini de leur calvaire…
Les lits sont d’ores et déjà saturés et en région parisienne il a fallu envoyer des enfants vers les hôpitaux de Beauvais, Lille ou Arras. Le personnel n’est pas assez nombreux pour faire face. Conséquences : des cadences infernales et l’impossibilité de s’occuper correctement des malades. De nombreux hospitaliers dénoncent cette « déshumanisation » de leur travail, avec un temps toujours plus réduit consacré à chaque patient. C’est ce constat démoralisant qui conduit nombre d’infirmières ou d’autres professions à quitter l’hôpital public. Avec le bilan de la canicule, le constat d’échec est là : deux tiers de personnes décédées étaient soit hospitalisées, soit hébergées dans une institution, maison de retraite ou centre de long séjour. En chiffre, cela fait sur 15 000 décès, 3000 en maisons de retraite et plus de 6000 à l’hôpital ou en clinique !
Le gouvernement ne prévoit pourtant que 4,2 % d’augmentation du budget hospitalier pour l’année 2004, contre 5,6 % l’année dernière. En pleine catastrophe sanitaire, il ne trouve rien de mieux que de rogner encore sur les dépenses de santé !
Et ce ne sont pas les mesures de Mattéi qui vont inverser la tendance : tout ce qu’il propose avec son plan Hôpital 2007, c’est quelques saupoudrages en moyens bien insuffisants et surtout une extension de l’autonomie et du pouvoir des directeurs hospitaliers. Ils pourraient fixer librement leurs propres activités et leurs objectifs financiers… En clair, la rentabilité avant tout, au détriment de la qualité et de l’éventail des soins. Quant à l’accessibilité aux traitements pour tous, déjà bien mal en point, elle est menacée par le projet de tarification à l’activité, avec un tarif hospitalier variant selon les maladies traitées.
Mattéi s’inspire de rapports tels que celui de l’institut Montaigne, proche de Claude Bébéar, le patron du groupe d’assurances Axa. La santé vue avec la logique des patrons… Ce rapport pompeusement baptisé « Ré-inventer l’hôpital », affirme que la crise des hôpitaux ne serait qu’un « malaise d’ordre managérial ». Les personnels ne seraient plus assez dévoués, depuis la réforme des 35 heures, ils auraient une fâcheuse tendance à compter leurs heures de travail. Quand on sait que la soi-disant RTT en milieu hospitalier s’est faite sans embauches compensatrices, avec l’augmentation de la charge de travail et des cadences pour les personnels concernés… C’est sûr que ces messieurs du gouvernement ont été tellement dévoués cet été pour faire face à la canicule, qu’ils peuvent se permettre de faire courir ces rumeurs !
Ce gouvernement s’attaque tour à tour à tous les salariés. Il voudrait augmenter leur « productivité » jusque dans les hôpitaux, en assurant des soins au rabais avec un minimum de personnel mis sous pression.
Notre santé n’est pas une marchandise, on ne peut lui appliquer les critères de la rentabilité et de la recherche du profit sans danger pour toute la population, comme on l’a vu cet été, comme on le voit aujourd’hui. Il faudrait au contraire embaucher dans tous les services publics, ce ne sont pas les millions de chômeurs qui diront le contraire !