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Les chicanes de la Sécu

mardi 22 juin 2004

En gros, l’accident du travail présente « l’avantage » d’une couverture du risque immédiate, même en cas de travail illégal ou clandestin. Les prestations sont complètes. La victime n’a pas à avancer les frais ni à payer un ticket modérateur. Il n’y a pas de limitation dans le temps de la prise en charge. L’indemnité journalière est versée dès le lendemain, soit 60 % du salaire de base durant les 28 premiers jours et 80 % au-delà. Bref, une indemnisation meilleure que celle attachée à l’arrêt pour maladie ordinaire mais pas de 100 % ! L’accidenté ou malade est théoriquement protégé contre le licenciement durant son absence et garanti d’un effort de reclassement (à ceci près que dans de nombreuses petites entreprises à mono activité, comme le nettoyage, il n’y a quasiment pas de reclassement possible si l’accidenté ne peut assumer son ancienne fonction).

Autant dire qu’il y a la théorie... et la pratique !

Et les caisses primaires d’assurance maladie renâclent sur la qualification de l’accident, la reconnaissance de la maladie, sans compter la tarification des dégâts...

Risques chichement tarifés...

Selon la nature et la gravité des blessures, le travailleur peut garder des séquelles durables. Cette incapacité permanente partielle (IPP) est évaluée « d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle compte tenu d’un barème d’invalidité » (article L.434-2 du code de la Sécu). Si le taux d’incapacité est inférieur à 10 %, la victime perçoit une indemnité en capital, une fois pour toute. S’il est supérieur à 10 %, la victime touche une rente, de 70 % maximum de son salaire de base pour les plus gravement touchés. D’où l’importance de la barre des 10 % !

Puis vient la tarification, complexe et tatillonne. Des pages et des pages de barèmes, à la phalange ou demi-phalange près...

Exemple de litige : la globalisation des taux en cas d’accidents successifs. Chaque accident entraînant un taux d’IPP inférieur à 10 % doit-il donner lieu à une indemnisation forfaitaire séparée, ou ces taux sont-ils cumulables (plus avantageux pour la victime) ? La cour d’appel de Paris, s’est prononcée contre la mesquinerie d’une caisse de sécu, en argumentant ainsi :

« La perte, un par un, de tous les doigts d’une main serait indemnisée par des sommes forfaitaires successives, alors que la perte en une seule fois des mêmes doigts de cette main serait indemnisée par une rente prenant en compte le handicap global, avec en sus le bénéfice d’avantages secondaires accordés par telle ou telle disposition à partir d’un certain pourcentage d’incapacité permanente partielle ».

Nous vivons vraiment une époque formidable !

Ombres aux tableaux des maladies professionnelles...

Encore un parcours du combattant, pour élargir le champ des maladies professionnelles reconnues. En 1919, deux l’étaient. En 1996, c’étaient 13 658 (et 96 morts). En 2001, 34 517 (et 318 morts). La liste s’allonge essentiellement de divers types de cancers, dont ceux liés à l’amiante ou aux poussières de bois, mais l’entrée aux tableaux est toujours arrachée par des combats tenaces et interminables de victimes, familles, associations, militants syndicaux, voire inspecteurs du travail et médecins.

Et restent les maladies encore à faire reconnaître.

Dont des troubles musculo-squelettiques (affectations péri-articulaires, affections liées aux vibrations, lésions chroniques du ménisque et lombalgies) qui sont aujourd’hui les plus répandus. Dont des troubles psychiques, au point que le « harcèlement moral » est passé dans la loi (à moins qu’il ne s’agisse du harcèlement patronal qu’on n’ose pas appeler par son nom ?).

Pour la victime et ses proches qui ont l’idée et les moyens de se battre, la lutte est dure. Pour les autres, gravement touchés et livrés à eux-mêmes, ce sont des vies ruinées. Car si l’accès aux soins est facilité, les tarifs de remboursement sont ceux applicables en matière d’assurance maladie. Et certains accidentés ou malades du travail n’ont pas les moyens de se procurer les appareillages adaptés à leurs besoins.

M.V.

Mots-clés Accidents du travail , Sécurité sociale , Société