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Subventions... et licenciements : le merci de STMicroelectronics

vendredi 14 mai 2004

En août 2003, la direction de STMicroelectronics annonçait la fermeture de son usine rennaise. Comportant 465 CDI et 135 intérimaires, l’usine fabrique des semi-conducteurs, dont STM est le quatrième producteur mondial. Le groupe a réalisé 429 millions de dollars de profit en 2002 (+67 % en un an) et 160 millions sur le premier semestre 2003. Il posséderait 3 milliards de réserve. Pourtant le site de Rennes s’est arrêté pour délocaliser à Singapour dans le but de faire des millions de dollars d’économie en exploitant de la main d’œuvre bon marché. Une opération qui bénéficie de la complicité des pouvoirs publics : en effet possédant 17 % chacun, l’Etat français et l’Etat italien refusent de faire le moindre geste pour empêcher la fermeture.

Des capitalistes chouchoutés... mais sans gratitude

STM fait partie de ces groupes arrosés régulièrement avec de l’argent public. 542 millions d’euros ont été donné par l’Etat et les collectivités publics au partenariat STM, Philips, Motorola pour la construction de l’usine de Crolles dans l’Isère : « la plus grosse subvention publique accordée à un programme de recherche depuis 10 ans » selon les salariés. Début 2003, Chirac lui-même s’était déplacé pour inaugurer le site. Les pouvoirs publics bretons ont eux aussi bien rempli les caisses de STM : il y a 3 ans, des millions ont été avancés au site rennais notamment pour sa rénovation.

Déjà un an et demi auparavant, l’usine Mitsubishi fabriquant des téléphones portables, à 30 km de Rennes, avait fermé en mettant plus de 1 000 travailleurs à la porte. Pour cette entreprise aussi, installée depuis 10 ans seulement, les collectivités avaient déroulé le tapis rouge (bâtiment de l’usine appartenant à la communauté urbaine, millions de subvention, exonération de charge...).

Ces millions n’empêchèrent évidemment pas, en 2003 et 2004, la crise du secteur de l’électronique de s’amplifier. Dans la région rennaise Thomson annonça 60 licenciements puis l’externalisation de 350 salariés et Philips décida la fermeture de son site local de 69 salariés.

Neuf mois de lutte

Pour les salariés difficile de retrouver un emploi localement dans le secteur électronique. Le dégoût et la colère dominent donc. Mais au départ, la CFDT, seul syndicat du site STM de Rennes, a joué la carte de la négociation et de l’apaisement. Les intérimaires de STM ont même été obligés d’aller voir la CGT-intérim pour défendre leur droit et un syndicat CGT-STM s’est formé dans la foulée des événements.

Depuis août 2003, la lutte des STM a dominé l’actualité sociale et politique locale. Les salariés de Thomson, où des militants de LO sont présents, ont joué un rôle essentiel pour l’organisation des luttes avec pour but l’extension du mouvement et sa popularisation. Un comité de soutien aux STM s’est aussi monté avec des militants de la LCR. Pendant des mois se succédèrent grèves, occupation permanente de la cour de l’usine, blocage des sorties des camions, organisation de concert pour sensibiliser la population. Pas en vain puisque plusieurs manifestations réunissant plus de 2 000 personnes ont eu lieu, organisées par les salariés et les syndicats de Thomson, STM et Philips mais avec la présence de salariés de différents secteurs (hôpitaux, Education Nationale, intermittents, SNCF, automobiles, Thalès...) ainsi que d’habitants de la ZUP-sud de Rennes venus défendre la dernière usine de leur quartier. Les STM, les salariés de l’électronique et les étudiants se retrouvèrent au coude à coude dans des manifestations lors de la grève à l’université de Rennes 2 en décembre dernier. Une visite des STM de Rennes à ceux de Crolles fut même organisée déclenchant là-bas des débrayages de solidarité.

Dans la nuit du 19 janvier, excédés par son mépris et son arrogance, une centaine de salariés ont séquestré le directeur de site. Le lendemain, il a fallu l’intervention des CRS pour l’aider à sortir. Quittant « son » usine après une nuit agitée, protégé par deux rangées de CRS, il faisait un peu moins le fier... En réponse l’usine, gardée par des vigiles et des chiens, fut lockoutée pendant plusieurs jours.

Plus de 300 salariés de STM et de Thomson sont aussi allés brocarder Philippe Douste-Blazy, lors du meeting électoral de l’UMP à Rennes. Avec des pétards, des fusées de détresse, des feux de palettes et des jets d’œufs, les travailleurs ont réclamé l’arrêt des licenciements. Il a fallu l’intervention encore une fois des CRS pour chasser la « France d’en bas ».

Enfin des dizaines d’intérimaires de STM ont porté plainte devant le conseil des prud’hommes pour « usage abusif de l’intérim », certains d’entre eux ayant plusieurs années d’entreprise. Ils demandent une requalification de leurs contrats en CDI. Cela leur permettrait de bénéficier de la prime de licenciement, forcerait le CE à reprendre à zéro l’application du plan social et donc à retarder la fermeture. Le procès a été repoussé en juin.

L’interdiction des licenciements

Beaucoup de pièges ont été tendus aux salariés de STM. D’abord les hypocrites discours indignés des politiciens locaux et de certains syndicalistes expliquant que seule la réorientation vers la production de puces pour la Nasa pourraient sauver l’entreprise. Au cour d’interminables négociations et avec comme seul outil de combat des rapports d’expert, ils voulaient convaincre le patron que son intérêt était de rester à Rennes... Ces réflexes régionalistes et corporatistes pour la défense de l’électronique bretonne, ainsi que cette tactiques d’éviter l’affrontement avec la direction n’ont évidemment abouti à rien.

Il y a eu ensuite des tentatives de diviser les travailleurs. La direction proposa un vague plan de reclassement de 150 d’entre eux sur le site qui serait repris par un sous-traitant de PSA. Les salaires n’étaient même pas maintenus et les promesses d’emploi n’allaient pas au delà de 2 ans. Le sous-traitant repreneur lui aussi semblait surtout intéressé par les subventions à la clé.

Aujourd’hui la direction de Thomson a renoncé aux 60 licenciements. Mais Philips a fermé et finalement STM aussi.

Le 15 mars LO et la LCR offraient une tribune à un représentant des salariés de STM à la fin du meeting commun d’Arlette Laguiller et Olivier Besancenot. Devant 1 800 personnes, il appela à la solidarité et dénonça violemment le cynisme des patrons de STM. Son intervention concluait parfaitement un meeting où il fut essentiellement question de l’interdiction des licenciements ainsi que du contrôle des comptes des entreprises.

Le cas de STM rend ces objectifs plus actuels que jamais. Il souligne aussi les limites des luttes, même longues et dures, quand elles restent circonscrites à une entreprise ou même une agglomération. Et la nécessité de trouver le moyen de briser leur isolement pour aboutir au mouvement d’ensemble.

Hersch RAY

Mots-clés Entreprises , Licenciements