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Technocentre Renault Guyancourt : Viré pour un mail !

jeudi 21 avril 2016

Un salarié d’une société de prestation de services, qui travaillait depuis dix ans au Technocentre, vient d’en être viré pour un simple mail envoyé aux syndicats de Renault. Il est depuis menacé de licenciement par son entreprise. Bienvenue dans le Groupe Renault, cette entreprise qui « s’engage à n’opérer aucune discrimination fondée sur les activités syndicales et les opinions politiques », « à traiter son personnel dans le respect de leur vie privée », « à respecter la protection des données à caractère personnel des salariés ». C’est évident : c’est écrit sur le site Internet de Renault !

Merci Renault

C’est pourtant depuis chez lui, avec son ordinateur personnel et depuis sa boîte mail privée que cet ingénieur, employé par la société EuroDécision et qui travaille sur l’optimisation des crash-test, envoie ce mail dans la soirée du 15 mars.

Ce mail, il l’adresse aux syndicats CFDT, CGT, FO et SUD du Technocentre Renault, ainsi qu’à deux élus CFE-CGC. L’ingénieur se présente comme « bénévole du journal Fakir » et fait la promotion de Merci Patron !, ce film qui dénonce les licenciements du groupe LVMH et tourne en ridicule son PDG, Bernard Arnault, et un responsable de la sécurité. Il invite aussi à « occuper la place la soirée, la nuit et plus si on est nombreux » après la manifestation du 31 mars contre la loi Travail. Une initiative plus connue désormais sous le nom de Nuit Debout.

Il est alors loin de se douter que, dès le lendemain matin, il recevrait un appel de son patron qui le convoque dans les locaux d’EuroDécision à Versailles. Là, son patron lui explique qu’il vient d’être alerté par le chargé des contrats de prestations de Renault déjà en possession du mail et qui lui demande d’en retirer immédiatement l’auteur du Technocentre. Il le sermonne pour avoir fait « une grosse bêtise » alors qu’il n’est « pas censé discuter avec les syndicats de Renault ». Il lui reprend son badge d’accès au Technocentre. Et il le met à pied à titre conservatoire (c’est-à-dire sans être payé), en attendant un entretien de licenciement !

Des mouchards

Comment ce mail est-il parvenu à la direction de Renault ? Lors de cet entretien, le patron d’EuroDécision affirme que les dirigeants de Renault « surveillent les mails des syndicalistes ». C’est probable. Mais la direction du Technocentre a aussi ses propres « lanceurs d’alerte » ! C’est le patron d’EuroDécision qui l’écrit dans une lettre : « Un des destinataires de votre courriel s’en est également plaint à sa hiérarchie ». Et les soupçons convergent…

Le site d’information Médiapart raconte qu’une de ses journalistes a essayé en vain de joindre au téléphone et par mail les deux élus CFE-CGC du Technocentre qui faisaient partie des destinataires du fameux mail. Vingt minutes plus tard, elle a la surprise de recevoir un appel de l’attachée de presse de la direction de Renault, Alejandra Kaufman : « Je vous appelle au sujet de votre e-mail envoyé à deux personnes de Renault au sujet de cette affaire liée à Merci patron ! et à un ancien prestataire » s’est-elle expliquée, ne cachant pas non plus que la direction de Renault « avait été alertée par l’un des destinataires du mail [envoyé par le prestataire] qui trouvait son contenu fort de café ».

Conclusion : si vous voulez joindre la direction de Renault, contactez la CGC ! C’est plus rapide.

Un licenciement sous-traité

Ces procédés ont choqué les salariés du Technocentre où travaillent environ 3 000 prestataires et 9 000 salariés Renault. Des prestataires dont la direction de Renault use et abuse, et qu’elle voudrait sans droits, ni liberté d’expression.

Face aux remous suscités par cette répression pour délit d’opinion, la direction de Renault nie maintenant avoir demandé au patron d’EuroDécision de mettre dehors le prestataire.

Dans le même temps, le patron d’EuroDécision est aussi revenu en arrière : il a décidé de donner un simple avertissement au prestataire pour son mail envoyé aux syndicats de Renault. Mais il a engagé une autre procédure de licenciement pour une vidéo postée sur le site du journal Fakir, où le prestataire explique sa situation, et où l’on entend un enregistrement audio de son étonnant entretien du 16 mars.

« Dans la vidéo qui circule sur Internet, l’employeur du jeune homme tient des propos mensongers, en disant qu’il a agi sur ordre de Renault », selon les propos de l’attachée de presse de Renault rapportés par Médiapart. « Nous lui avons seulement signalé que son employé contrevenait à la charte d’utilisation informatique du groupe ».

La direction de Renault, prise la main dans le sac, veut faire porter le chapeau à EuroDécision. Au nom de cette charte de bonne conduite sûrement !

La direction de Renault est sûrement jalouse de celle de LVMH. Elle veut aussi son film : après Merci Patron, Merci Renault !

15 avril 2016, Gilles SEGUIN

Mots-clés Entreprises , Nuit debout , Renault
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