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Argentine

Brutale offensive patronale, après l’élection de Mauricio Macri

jeudi 11 février 2016

Le 22 novembre 2015, Mauricio Macri, candidat du rassemblement de la droite libérale (le Pro, « proposition républicaine »), était élu président de la république d’Argentine contre Daniel Scioli du Front pour la victoire (FPV, péroniste) avec 51,3 % des voix. Tous deux appartiennent à de grandes familles de milliardaires et mènent le même genre de vie dorée, au point que certains médias parlaient d’un combat entre deux jumeaux.

Cette élection mettait fin au règne de Cristina Kirchner, présidente depuis 2007 qui avait succédé à son époux et fut réélue au premier tour en 2011 avec 45 % des voix. Kirchner avait bénéficié pendant plusieurs années d’une certaine popularité grâce à une amélioration de la situation économique et à son image d’opposante à la dictature refusant d’accorder l’amnistie aux assassins et aux tortionnaires. Mais cette situation s’était beaucoup dégradée, l’inflation rognait les salaires et les scandales se multipliaient dans l’entourage de la présidente. De plus, un candidat péroniste dissident, Sergio Massa, qui cherchait à surfer sur ce discrédit, a contribué à affaiblir la position de Scioli. Il est clair que Macri est parvenu à attirer des mécontents, y compris au sein des classes populaires. Il a d’ailleurs été aidé pour cela par Hugo Moyano, le dirigeant de l’une des confédérations syndicales CGT concurrentes, qui s’est vu promettre de récupérer la gestion de fonds sociaux.

Ici, Macron s’y prépare ; là-bas, Macri l’a fait

Ceux qui auraient pu se faire des illusions auront très vite déchanté. La composition du premier gouvernement de Macri est à elle seule significative. C’est un ministère de patrons au sens propre du terme. Le ministre des Finances, Prat-Gay, est un ancien dirigeant de la banque Morgan et de la banque centrale d’Argentine, celui de l’Énergie et des Mines est l’ex-directeur de Shell-Argentine. Sont, entre autres, représentés dans ce ministère General Motors, Coca-Cola, Citibank, Deutsche Bank, Telefónica et Clarín (le plus grand monopole de médias du pays).

Dès le mois de décembre, ce gouvernement annonçait toute une série de mesures catastrophiques pour les classes populaires et, pour éviter toute contestation, décidait de mettre le Parlement en congé jusqu’en mars et de gouverner par décrets. La plus brutale de ces mesures est l’abolition du contrôle des changes, qui protégeait la monnaie argentine. Il en résulte une dévaluation de l’ordre de 30 % à 40 % par rapport au dollar, qui vient s’ajouter à l’inflation galopante qui atteignait déjà 30 % par an. Même le docile Hugo Moyano s’est senti obligé de protester et de demander des hausses de salaires de 28 %, qui ne suffiraient pourtant pas à combler la perte du pouvoir d’achat. L’autre mesure phare de Macri consiste à supprimer ou réduire radicalement les taxes sur les importations et exportations, ce qui va sans doute doper les grandes entreprises exportatrices, les producteurs de matière premières comme le soja, dont l’Argentine est désormais l’un des premiers producteurs du monde, mais ruiner nombre de PME qui ne pourront pas supporter la concurrence des produits importés. Macri supprime aussi les subventions à divers produits et services de première nécessité comme l’électricité. Une politique ultralibérale qui n’est pas sans rappeler celle des Chicago Boys, ces économistes qui conseillaient Pinochet.

Accessoirement, Macri suspend la communication des statistiques de l’Indec (équivalent de l’Insee) au cas où elles seraient défavorables et diminue les taxes sur les voitures de luxe et les bateaux de plaisance. Et, pour prévenir toute contestation sociale, il a décrété « l’urgence de sécurité », qui donne des pouvoirs renforcés à la police. Un premier exemple vient d’en être donné avec le licenciement brutal des fonctionnaires de l’Afsca, organisme de régulation des médias qui vient d’être supprimé. Ceux-ci ont été convoqués devant l’immeuble où ils travaillaient, sous forte surveillance policière, et on leur a lu la liste de ceux qui conservaient leurs postes et de ceux qui étaient virés. 700 autres postes de fonctionnaires du ministère des Relations extérieures devraient suivre.

Plus de 800 000 électeurs ont résisté à la pression pour le « vote utile »

Il est encore trop tôt pour savoir quelles seront les réactions ouvrières et populaires à cette offensive. Bien entendu, Kirchner et les péronistes s’empressent de dénoncer ces mesures pour redorer leur blason et tentent de prendre la tête de la contestation. Il serait vain d’attendre que la bureaucratie syndicale corrompue de la CGT, y compris la fraction hostile à Moyano, prenne l’initiative d’une véritable riposte. La classe ouvrière argentine a montré plus d’une fois sa combativité. Si elle ne dispose pas d’un véritable parti d’envergure nationale, le regroupement de trois organisations trotskistes au sein du FIT (Front de gauche et des travailleurs), dont le candidat Nicolás del Caño a obtenu 3,23 % des voix au premier tour de la Présidentielle, est porteur d’espoir. Ce score a été obtenu dans un contexte de forte polarisation électorale, car 40 % des voix suffisent pour être élu au premier tour. Nombre de travailleurs ont sans doute préféré se prononcer pour ce qu’ils pensaient être le moindre mal.

Le FIT n’a ainsi recueilli que 812 000 voix contre 1,2 million aux législatives de 2013 (soit 5,32 %), où cette formation avait obtenu des députés nationaux et provinciaux. Cette baisse s’expliquant sans doute par la tendance au « vote utile ». Cela dit, les militants du FIT obtiennent des résultats plus élevés dans plusieurs secteurs où ils jouent un rôle. La lutte contre cette violente attaque patronale va sans doute être rude, mais l’unité réalisée par les révolutionnaires et le maintien d’un électorat populaire qui a résisté à la démagogie électorale sont encourageants !

27 janvier 2016, Georges RIVIERE

Mots-clés Argentine , Monde