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Dialogue social : le piège

lundi 12 janvier 2004

L’Assemblée nationale a entériné à la mi-décembre la loi Fillon sur « la formation professionnelle et le dialogue social ». Le premier volet est constitué de l’accord sur la formation professionnelle signé le 20 septembre dernier par l’ensemble des confédérations patronales et syndicales. Si Fillon avait qualifié en septembre cette signature d’ « historique », c’est bien sûr parce que le contenu anti-social de l’accord ne pouvait que le satisfaire. Celui-ci s’inscrit dans les relations patronat-syndicats qu’il souhaite favoriser au nom de la « modernisation des règles de la négociation collective ».

Une signature lucide...

Un projet patronal imposant des reculs importants aux salariés a ainsi été unanimement approuvé par les cinq confédérations syndicales, CGT comprise.

Le « droit individuel à la formation » (DIF) est proclamé par la loi Fillon comme un « nouveau droit du salarié ». La belle « avancée sociale » que voilà ! Le DIF est entièrement soumis aux choix de l’employeur. D’après le texte, ce droit - 20 heures par an, cumulables sur 6 ans - est transférable pour le salarié d’une entreprise à une autre, mais seulement en cas de licenciement (licenciement économique, fermeture d’entreprise ou restructuration), pas en cas de démission.

La loi introduit une nouveauté : la possibilité de faire sortir les heures de formation du temps de travail, avec de surcroît, une rémunération inférieure ! En effet, seules les formations considérées comme une « adaptation au poste de travail » sont effectuées intégralement pendant le temps de travail. Celles qui concernent une « adaptation à l’évolution ou au maintien de l’emploi » peuvent être effectuées au-delà de l’horaire de référence (dans la limite de 50 heures par an), sans que ce dépassement ne soit imputé sur le contingent d’heures supplémentaires, et ne donne donc lieu ni à repos compensateur, ni à majoration. Enfin, les formations relatives au « développement de compétences des salariés », peuvent se dérouler en dehors du temps de travail, dans la limite de 80 heures par an, et sont rémunérées à hauteur de 50 % du salaire net, sous forme d’une « allocation formation » exonérée de charge sociales !

Quant à se former intégralement en dehors du temps de travail, l’accord en ouvre la possibilité avec le CIF (congé individuel de formation), mais à condition que le salarié en auto-finance une partie, en mettant à contribution son « compte-épargne-temps » (CET) issu des congés payés, des RTT et des heures supplémentaires accumulés ou encore du treizième mois et des primes, y compris les primes de précarité ou de fin de mission pour les salariés en CDD.

En septembre, la CGT prétendait avoir procédé à une signature « lucide, dynamique et offensive », approuvée au CCN de la CGT par 77 voix, face à 16 abstentions et 20 votes contre, parmi lesquelles 4 Fédérations (agro-alimentaire, chimie, métallurgie, PTT). A la différence des 4 autres confédérations syndicales représentatives - CFDT, CFTC, FO, CGC - la CGT n’avait pas, en juillet 2001, signé avec le patronat la « position commune sur les voies et moyens de la négociation collective », sur laquelle Fillon allait par la suite s’appuyer pour élaborer sa loi. En paraphant l’accord sur la formation professionnelle, la CGT a fait savoir qu’elle prenait le train en marche.

« Dialogue social » et « principe de faveur… au Medef »

Le deuxième volet de la loi Fillon adoptée par le Parlement à la mi-décembre est consacré au « dialogue social ». Il permet que l’accord d’entreprise puisse déroger sans condition à l’accord de branche ou à l’accord interprofessionnel. La dérogation au Code du Travail et aux conventions collectives n’est d’ailleurs pas l’exception mais la règle, cela signifie donc que les accords d’entreprises deviennent totalement autonomes par rapport aux accords de branche.

Devant une loi aussi désastreuse, ouvrant la voie à la remise en cause de tous les accords collectifs, on entend maintenant les organisations syndicales émettre des protestations, dénoncer la « dérégulation de l’ordre public social », qui « fait voler en éclat le principe de faveur ». Il est bien temps de s’indigner ! Car les revendications du patronat sont connues de tous depuis longue date. Comme il est de notoriété publique que le patronat a l’intention de s’attaquer au Code du Travail, avec la bénédiction de Fillon, lequel a chargé une commission ad hoc sous la direction d’un patron - le secrétaire général de Renault, De Virville - de faire des propositions de « refonte ».

Face aux exigences du Medef, les revendications des centrales syndicales ont été dérisoires, et surtout totalement étrangères à la défense des intérêts de la classe ouvrière. La CGT, ainsi que la CFDT, avaient fait leur cheval de bataille du principe de « l’accord majoritaire ». Le gouvernement prétend avoir fait un geste en leur direction. Un accord ne peut désormais plus être validé par la signature d’un seul syndicat. Pour qu’un accord soit valable, il doit recueillir l’agrément ou la non-opposition d’une majorité de syndicats. Mais les syndicats dont l’avis peut être pris en compte, sont uniquement ceux reconnus représentatifs. Et peu importe que la majorité des travailleurs se sentent représentés ou pas par eux. Fillon n’aura même pas daigné accéder à l’une des revendications de la CGT et de la CFDT, à savoir des élections de représentativité dans les branches.

Le « dialogue social », lancé sous le gouvernement de gauche, repris par Fillon, apparaît donc pour ce qu’il est : un monologue patronal.

Simone CANETTI

Mots-clés Politique , Syndicats
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