Convergences révolutionnaires

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Oise : la volonté d’une minorité et du Snuipp n’a pas suffi

vendredi 11 juillet 2003

A l’issue de la manifestation départementale du 13 mai à Beauvais, un noyau de plus de 100 grévistes s’est aussitôt constitué à partir des réseaux syndicaux. Des équipes « mixtes » de profs du secondaire, d’instituteurs, de surveillants, ont fait la tournée des bahuts et des écoles, quartier par quartier. L’idée était d’entraîner les autres dans la grève, et de ne laisser aucun gréviste isolé dans son coin. Sur tout le secteur de l’ouest du département, ce sont sans doute 200 à 300 personnes qui ont constitué le noyau militant très actif de la grève, bien au delà du milieu syndical (et politique) proprement dit. Parmi eux, un grand nombre de jeunes et de non-syndiqués.

Dès le 15 mai, le mouvement avait une caractéristique qui lui est restée : un fort noyau de grévistes dans le primaire, beaucoup de grévistes dans les collèges, et de très faibles minorités dans les lycées, où la plupart des enseignants mettaient en avant l’approche des examens pour expliquer leur volonté de ne suivre que les journées d’action appelées nationalement par les syndicats.

Un moral d’éclaireurs

Du coup, les grévistes réunis en AG se concevaient comme une sorte de locomotive : en reconductible pour rallier les autres salariés de l’éducation nationale aux temps forts, maintenir une agitation permanente contre les attaques du gouvernement, s’adresser aux parents d’élèves, à la population et aux autres catégories de salariés, ce qui était vraiment une attitude inédite. Ils acceptaient donc d’être relativement minoritaires… et patients. Dès le 21 mai, des enseignants sont allés aux portes des usines de la ville, et devant la poste et l’hôpital. Ils ont aussi tenu beaucoup à mettre en avant la solidarité des personnels enseignants avec les non-enseignants, les 110 000 atoss.

Le jeu des syndicats

Du début à la fin, c’est sous l’égide de l’intersyndicale qu’ont été tenues les AG départementales. La réalité était pourtant plus complexe. A Creil, par exemple, des grévistes qui ont poussé au mouvement de grève reconductible, ont visité les différents collèges et lycées de la région, et organisé des réunions inter-établissements, contre l’avis de responsables syndicaux locaux, qui ne voulaient pas entendre parler d’AG qu’ils ne contrôleraient pas mais ne prenaient eux-mêmes aucune initiative ! Le 6 mai, au cours d’une AG départementale un peu houleuse, l’intersyndicale du département acceptait finalement d’appeler à la grève reconductible « avant le 13 mai si possible ». Encore fallait-il l’organiser concrètement, en réunissant les gens les plus motivés. A Beauvais, une AG de ville a été convoquée grâce surtout au réseau Snes et surtout Snuipp. Mais alors que les responsables du Snuipp ont fait des appels nets à la reconduction, les responsables du Snes ne firent que des apparitions sporadiques aux réunions et aux manifs, et s’abstinrent de prendre part au travail concret d’organisation !

Aux bonnes volontés de se lancer dans l’aventure de la grève… Assez vite, c’est un noyau assez réduit de syndiqués et de non syndiqués qui se débrouilla pour assurer une permanence quotidienne et relancer au jour le jour les initiatives, actions, diffusions de tracts, nécessaires pour faire vivre la grève et la populariser.

Comme partout, les grévistes espéraient une entrée dans la grève d’autres salariés. Mais 13 mai, 25 mai, 10 juin… la perspective s’amenuisait. Le 10 juin aurait pu être l’occasion d’un rebond, car la manifestation interprofessionnelle à Beauvais regroupa 4000 à 5000 personnes, moins d’enseignants mais plus de salariés du privé. La première AG « interprofessionnelle » qui suivit, fut une douche froide. Les responsables syndicaux Snuipp, contrairement à leur habitude, ne proposèrent rien, ni initiative ni perspective de reconduction, laissant les grévistes dans le vide. Et dans une très longue intervention, le secrétaire de l’UD CGT, un cheminot, provoqua carrément en appelant la majorité d’enseignants présente dans la salle à revenir aux réalités, et répétant plusieurs fois : « Moi, je suis en stand-by… »  ! De nombreuses personnes en colère l’invitèrent à quitter la salle s’il n’avait pas envie de faire grève. L’AG finit dans les insultes, les responsables CGT sortirent, contents de pouvoir affirmer qu’ils ne se réuniraient plus avec les profs, et beaucoup rentrèrent chez eux démoralisés.

Vers l’avenir

Localement on peut dire sans doute que le mouvement est allé au bout de ses possibilités. La généralisation n’ayant pas eu lieu, une AG a finalement décidé la fin de la grève le 19 juin. Le soir même, 300 personnes se sont encore retrouvées pour une grande fête au centre-ville : une dernière occasion avant les vacances de se retrouver tous ensemble et de se rappeler les aspects positifs de l’expérience, le dépassement des barrières corporatistes, la fierté d’avoir tenu longtemps la dragée haute au gouvernement et d’avoir contribué à un climat de contestation dans le pays. Et à défaut d’avoir réussi la généralisation de la grève, d’avoir sans doute convaincu une partie des travailleurs que la réforme Fillon était injuste.

Bernard RUDELLI

Mots-clés Mouvement du printemps 2003 , Politique