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Lagardère, le marchand de mort très chéri de la République

samedi 17 mai 2003

Le monde politique unanime lui a rendu un vibrant hommage. De Chirac, qu’il tutoyait paraît-il en privé, à Fabius, Mauroy, Delanoé, jusqu’au directeur de L’Humanité qui a écrit : « La France perd un entrepreneur attaché à son développement et à l’intérêt national ». La presse a relaté l’histoire édifiante de ce « capitaine d’industrie », au départ modeste ingénieur sans fortune personnelle, qui a su bâtir de ses mains un empire. Le Monde, qui ne tarit pas d’éloges sur l’industriel, reconnaît toutefois au détour d’une phrase que Lagardère « ne serait pas devenu ce qu’il est sans les commandes publiques ».

La première spécialité de Lagardère : le commerce des armes. Après des débuts chez Dassault (qui lui-même doit son empire aux commandes d’Etat), il rejoint Matra, fabriquant de missiles, dont il prend la tête en 1963. Les années 1970 et 1980 constituent un véritable âge d’or pour les autres industriels du secteur (Dassault, Thomson). L’Etat français multiplie les contrats avec les dictatures du Moyen-Orient, comme l’Arabie saoudite ou l’Irak de Saddam Hussein. Les commandes affluent, Matra engrange des profits somptueux.

Lagardère a dès lors ses entrées dans tous les gouvernements qui vont se succéder, de droite comme de gauche. Selon un ancien directeur de cabinet, «  il y avait toujours un homme de Lagardère pour expliquer la position de Matra dans les cabinets ministériels, que ce soit à la Défense, à Bercy ou auprès du Premier Ministre ».

En 1974, Giscard d’Estaing le propulse à la tête d’Europe 1 et lui fait quasiment cadeau en 1980 d’Hachette, lui permettant de racheter la société pour un prix défiant toute concurrence.

En 1981, la nouvelle majorité le courtise à son tour. La gauche remise ses promesses de nationalisations, limite la part de l’Etat dans Matra (comme pour Dassault) à 51 % et Lagardère conserve la présidence de la société. Mauroy, premier ministre et maire de Lille, lui cède la construction du métro de Lille.

Au début des années 1990 il s’empare de La Cinq, chaîne de télévision dont il veut faire la grande concurrente de TF1. C’est un échec commercial qui fait perdre au groupe près de 3 milliards de francs. Grâce à François Mitterrand et au Crédit Lyonnais (encore banque publique) qui accepte généreusement d’effacer la dette, il échappe à la faillite. Les personnels licenciés auront moins de chance !

En 2002, 22 ans après l’acquisition d’Hachette, il rachète au groupe de Jean-Marie Messier sa branche édition, VUP... grâce au soutien de Chirac et de son ministre de la culture Aillagon. Ce dernier « coup », propulse Lagardère au cinquième rang mondial de l’édition et au premier rang français.

Il n’oublie pas pour autant « son premier amour », l’industrie d’armement. En 1999, le gouvernement Jospin qui privatise à tour de bras, décide de vendre Aérospatiale à Lagardère. Les conditions de cette fusion stupéfient tout le monde : Jospin et Strauss-Kahn lui cèdent cette entreprise de 30 000 personnes, à la valeur estimée entre 80 et 160 milliards de francs, pour 2 milliards de francs… payables en 2 ans, avec un premier versement de 0,85 milliard de francs si la rentabilité de l’ensemble n’atteint pas 8 %. Deux mois plus tard, la société fusionne avec l’allemand DaimlerChrysler Aerospace (Dasa) et l’espagnol Casa pour former EADS, le leader européen de l’aéronautique et de la défense. Actionnaire principal avec Dasa, Lagardère en obtient la co-présidence. C’est ainsi qu’il s’est retrouvé à la tête du numéro 1 européen de l’armement pour une bouchée de pain.

Lagardère « soldat de la République » comme le titrait Le Monde ? Ou la République « cantinière » de Lagardère ?

Agathe MALET

Mots-clés Armement , Société