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Derrière les chiffres officiels, une réalité de 3,9 millions de sans emplois

dimanche 23 mars 2003

Les deux indicateurs qui sont répercutés par les médias (« les baromètres officiels ») sont, d’une part, « le nombre de demandeurs d’emplois » recensés par le Ministère du travail (2,323 millions de personnes en janvier) et, d’autre part, « le taux de chômage » calculé par l’Insee (9,1% en janvier).

En fait, ces deux indicateurs ne sont pas calculés avec les mêmes critères. Le premier émane de l’ANPE à chaque fin de mois : il est très restrictif puisqu’il correspond uniquement aux personnes inscrites à l’ANPE, déclarant être à la recherche d’un emploi à temps plein et à durée indéterminée et ayant éventuellement travaillé au maximum 78 heures dans le mois (ce que l’ANPE appelle dans son jargon « les catégories 1 »). Le second est calculé par l’Insee, selon les normes du BIT (Bureau international du travail), grâce à une enquête statistique réalisée chaque année au mois de mars auprès de 150 000 personnes et ensuite corrigée chaque mois (avec une formule mathématique très compliquée… la brochure de l’Insee qui l’explique fait 53 pages !) : pour être recensé il faut être « sans travail, disponible pour en commencer un dans les deux semaines à venir et en avoir activement recherché pendant les quatre semaines précédentes ». Un intérimaire en mission de 15 jours pendant l’enquête n’est ainsi pas recensé comme chômeur, même si le reste de l’année, il n’a pas travaillé !

Les chômeurs qui « disparaissent »

Le nombre de gens « sortis » des listes parce qu’ils ont retrouvé un véritable emploi a baissé de 7,6% en 2002. Par contre, le nombre de personnes « entrées en stage », donc retirées des demandeurs d’emploi, a progressé de 21,7% sur l’année 2002, année électorale durant laquelle les pressions exercées sur les chômeurs pour effectuer des stages « re-qualifiant » ou « de perfectionnement » ont été multipliées… afin de dégraisser les listings de l’ANPE.

Surtout 2002 peut être considérée comme une année record pour les radiations administratives : effets du Pare, « plan d’aide au retour à l’emploi »… en fait énorme machine à dégraisser les statistiques et à contraindre les chômeurs à accepter n’importe quel emploi. Dénoncée par les associations de défense des chômeurs et des précaires, mais aussi par les syndicats des salariés de l’ANPE, la mise en place du Pare s’est traduite par une augmentation des courriers et des convocations adressés aux chômeurs : ne pas répondre à ceux-ci, ne pas se rendre à celles-là suffit pour être rayé des listes par l’ANPE qui remet à jour ses fichiers de manière expéditive. Et cela entraîne, au minimum pendant deux mois, la suspension de l’allocation versée par l’Assedic. Plus de 370 000 radiations administratives ont été effectuées en 2002 (140 000 de plus qu’en 2001). On estime que seulement la moitié de ces radiations correspond à des reprises d’emploi non signalées. Les autres ? Il y a ceux qui tombent malades, ceux qui n’ont pas de boîte aux lettres, ceux qui se découragent, ceux qui refusent un emploi qui ne leur convient pas… En janvier 2003, il y a eu 33 027 radiations : chiffre en hausse de 39,8 % par rapport à janvier 2002 !

Et ceux qui « n’existent pas »

D’abord, tous ceux qui ne s’inscrivent pas à l’ANPE : les jeunes sont ainsi de moins en moins nombreux à la faire (81% des chômeurs de 15 à 24 ans étaient inscrits en 2001 contre 88% en 1996). Mais surtout ceux que les différents gouvernements, de gauche comme de droite, ont écartés des statistiques depuis dix ans, en restreignant la définition du chômeur.

Ainsi depuis 1995, avoir travaillé plus de 78 heures dans le mois précédent vous écarte du chiffre « officiel » des demandeurs d’emploi (c’est le cas de bon nombre d’intérimaires). En janvier 2003, ces personnes étaient plus de 520 000. De même, il existe une catégorie de « dispensés de recherche d’emploi » : depuis 1999, il s’agit de toutes les personnes sans emploi de plus de 55 ans, alors qu’avant seules celles dépassant 57,5 ans y figuraient (11 400 personnes en janvier ). Les demandeurs d’emploi en maladie ou en congé maternité sortent eux aussi des statistiques (plus de 15 000 personnes en janvier). Enfin, toutes les personnes déclarant rechercher un emploi en temps partiel, en CDD ou en intérim, parce que pour la plupart d’entre elles n’espérant pas trouver autre chose, ne figurent pas dans la catégorie 1 : elles sont 877000 en janvier !

Rien qu’en additionnant aux chômeurs comptabilisés tous ceux que l’ANPE écarte par un moyen ou un autre de son indicateur « officiel » , on arrive à un total de 3,9 millions de personnes sans emploi.

M. D.

Mots-clés Chômage , Politique , Statistiques