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Pour le pétrole

dimanche 23 mars 2003

A la suite des attentats du 11 septembre 2001, Bush avait annoncé « une riposte dévastatrice », une guerre « de grande envergure et de longue durée ». Et en effet, guerre d’Afghanistan dès octobre 2001, contre l’Irak, aujourd’hui. Fini de jouer, a dit Bush. N’ayant pas réussi à entraîner une partie de ses alliés (dont la France) qui avaient pourtant suivi les USA dans la première guerre contre l’Irak en 1991, puis dans la guerre d’Afghanistan, le président américain a rappelé que les décisions des USA n’étaient soumises ni à l’accord d’alliés, ni à celui de l’Onu. Bush part même en guerre sans la bénédiction papale. Peu importe, il a promis de prier pour les GIs et même pour les civils irakiens qui y laisseront leur peau. Dieu bénisse l’Amérique !

Mais le pétrole a, dans cette affaire, plus d’odeur que l’eau bénite.

Une région clé

Le choix des Etats-Unis de se lancer aujourd’hui dans une nouvelle guerre qui se donne pour objectif non seulement de renverser Saddam Hussein mais d’installer si besoin un protectorat militaire sur le pays, n’est pas la toquade d’un président ou d’une demi-douzaine de gouvernants réactionnaires. C’est une affaire d’or noir, de contrôle des ressources d’une région. En deux mots, une agression impérialiste.

Le Moyen-Orient, avec ses ressources pétrolières, est une région clé pour le contrôle de l’économie mondiale. Aux lendemains de la première guerre mondiale, la Grande Bretagne y avait assis sa domination. Au lendemain de la seconde, les USA se sont efforcés de supplanter les vieilles puissances dont les empires coloniaux éclataient. Et au Moyen-Orient, de supplanter l’Angleterre.

Pour cela, les coups fourrés, opérations montées par la CIA, ou dumping sur les royalties concédées aux Etats producteurs, tout a été combiné. L’exemple le plus marquant fut le coup d’Etat orchestré par la CIA en 1953 en Iran. En renversant le régime nationaliste de Mossadegh, qui venait de nationaliser la compagnie britannique Anglo-Iranian Oil Company (AIOC), qui contrôlait le pétrole du pays, les Etats-Unis s’imposaient. Ils mettaient en place la dictature du Shah, qui fut pendant un quart de siècle leur principal pilier dans la région. Son armée, équipée et entraînée avec l’aide des USA, allait servir jusqu’à sa chute en 1979, de principal gendarme des USA dans la région. Nouveau règne surtout pour les compagnies pétrolières américaines.

Et pourtant, dans les années 1950-1960, l’enjeu pétrolier pouvait sembler de moindre importance, surtout pour les Etats-Unis, qu’en ce début de 21e siècle.

Car jusqu’en 1950, les Etats-Unis (exportateurs de pétrole avant guerre) satisfaisaient eux-mêmes à leurs besoins. Jusqu’en 1965, ils tenaient encore, de loin, le rang de premier producteur mondial, et produisaient à eux seuls davantage de pétrole que l’ensemble des pays du Moyen-Orient (427 millions de tonnes contre 418), près de 30 % de la production mondiale. Ils devaient néanmoins importer l’équivalent d’un cinquième de leur consommation. Et déjà les réserves des pays du Golfe étaient estimées à la moitié du total mondial.

Aujourd’hui, la manne est encore plus désirable.

64 % des réserves pétrolières de la planète

Les pays du Golfe représentent 30 % de la production mondiale. Et encore ils se limitent en fonction du marché et des accords avec les compagnies pétrolières. Les USA, eux, n’assurent plus que 10 % de la production mondiale alors qu’ils en consomment 25 %. Ils doivent importer 60 % de leurs besoins. Un quart des importations américaines viennent des pays du Golfe. Mais la moitié des importations de l’Europe et les trois quarts de celles du Japon.

Sur le plan des réserves, celles de l’ensemble des pays du Golfe représentent 64 % des réserves de la planète, contre 8 % pour l’Amérique du Nord et 9 % pour l’Amérique Latine. Cette région recèle également 36 % des réserves gazières répertoriées dans le monde, les pays de l’ex-Urss 36 % (dont près de 5 % dans les républiques du Caucase et d’Asie centrale).

Le Centre d’études stratégiques et internationales américain (CSIS), un organisme chargé officiellement d’éclairer les dirigeants américains sur les stratégies mondiales à mettre en œuvre, a publié en février 2001 ses estimations pour le futur proche. Il faudrait s’attendre à ce que, pour les 20 années à venir au moins, les hydrocarbures (pétrole et gaz) restent la principale source d’énergie. Et il estime que d’ici 2020, la consommation pétrolière des USA pourrait augmenter de quelque 40 %, alors que la production de pétrole sur le sol américain ne peut que rester stable.

Même avec une évolution semblable de la consommation des autres pays développés, et un accroissement plus rapide dans les pays du tiers-monde (comme l’envisage ce rapport), on n’en serait pas à une pénurie de pétrole. Mais c’est du Moyen-Orient que devrait essentiellement provenir l’augmentation de l’approvisionnement.

Et le rapport gouvernemental d’en tirer des conclusions et des conseils stratégiques : ce serait aux USA qu’incomberaient, « en tant que seule superpuissance », des « responsabilités particulières pour préserver l’approvisionnement énergétique mondial ».

L’occasion qui fait le larron

Jusqu’où cette prétendue guerre au terrorisme « de grande envergure et de longue durée » promise par Bush ? Depuis la guerre inachevée contre Saddam Hussein de 1991 bien des scénarios d’intervention ont certainement été élaborés. Ainsi le 18 septembre 2001, quelques jours après les attentats des Twin Towers, la radio britannique BBC citait les propos d’un ancien secrétaire des Affaires étrangères pakistanais affirmant avoir été mis au courant lors d’une réunion officielle deux mois plus tôt d’un projet d’action militaire en Afghanistan que les USA prévoyaient de faire parrainer par l’Onu. Cela explique sans doute la rumeur qui a couru y compris aux USA que certains dans l’administration étaient au courant des projets d’Al Qaïda… s’ils ne les avaient pas inspirés.

En tout cas les attentats du 11 septembre, semblent surtout avoir été pour les dirigeants américains une aubaine comme on en trouve peu (à moins de les fabriquer) pour faire accepter à la population américaine les risques et le coût d’une vraie guerre dont ils attendent qu’elle change en partie la carte politique et militaire du Moyen-Orient afin de mieux y asseoir leur domination. Une guerre aussi pour dissuader les dirigeants de la région, du Pakistan à la Syrie en passant par l’Iran et l’Arabie saoudite, de la moindre velléité d’opposition aux exigences américaines. Une guerre enfin pour montrer à la face du monde, et en premier lieu aux peuples des régions prolétaires dont ils peuvent craindre les révoltes, la puissance des Etats-Unis.

Olivier BELIN

Mots-clés Impérialisme , Monde , Pétrole