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Mettre la retraite à la retraite !

dimanche 19 janvier 2003

Dans la société actuelle, prendre sa retraite est pour un prolétaire un moment attendu avec impatience tant l’usure physique et le stress sont inséparables du travail. Pourtant, pour la plupart, et paradoxalement, la joie exprimée ouvertement cache aussi un gros serrement de cœur.

Car le travail c’est l’exploitation mais ce n’est pas que cela. Ce sont aussi des relations collectives, un rôle social, une activité entraînant une certaine reconnaissance. La retraite est trop souvent au contraire synonyme de repli, d’isolement et de désoeuvrement. C’est une rupture brusque avec tout son milieu de travail, l’essentiel de son milieu social. Cela peut aller jusqu’à entraîner une dépression de celle ou plus généralement de celui (car, triste à dire, la double journée de travail de la femme fait que la retraitée ne voit pas tout son univers s’écrouler mais… une moitié seulement) qui a l’impression d’être mis au rencart. Et comme les plus exploités sont les plus défavorisés, dans la retraite comme dans tout le reste, plus le travail était rude, plus il était donc alors difficile d’avoir d’autres activités et centres d’intérêts, et plus il sera difficile à l’ancien salarié de trouver d’autres activités sociales. D’autant plus que pour profiter pleinement du temps disponible, encore faudrait-il en avoir les moyens matériels, ce qui au niveau actuel des retraites n’est souvent le cas que des hauts salaires.

Vive le travail, donc ?

Aujourd’hui, l’exploitation cache ou annule le rôle social du travail, son apport à l’individu, son rôle dans l’épanouissement de celui-ci. C’est pourtant le travail qui a fait de l’homme un être humain, capable techniquement mais aussi capable de la pensée ou de l’art, et c’est lui qui a bâti la vie sociale. Certes aujourd’hui pour concevoir et voir quel enrichissement personnel apporte le travail, on en est réduit à se tourner vers des professions qui ont conservé un peu de leur ancien caractère comme l’artisanat, l’art ou certaines activités associatives et d’entraide. Le salariat a transformé toujours plus toutes les tâches productives comme la plupart des professions ou métiers en boulots et en corvées.

Le salariat, c’est-à-dire la société capitaliste sans laquelle la notion de retraite, telle que nous la connaissons, n’aurait pas de sens. Pour l’essentiel, les sociétés passées n’ont pas connu la retraite. Il ne s’agit pas, bien sûr, de dire que c’était en soi un progrès puisque la vie du plus grand nombre était très dure et que la plupart des gens n’atteignaient certainement pas ce que nous appelons l’âge de la retraite. Cependant, dans la société majoritairement rurale, centrée autour de la famille regroupée dans une même maison, si la vie était effectivement rude, on n’imaginait pas d’y licencier un des membres s’il y avait moins de travail, ni de laisser inactifs jeunes et vieux. Et cela n’était pas forcément plus mal. En tout cas, cela montre que changer la société est non seulement possible mais a déjà eu lieu de nombreuses fois. Et qu’à chaque fois, la place du travail et du travailleur a changé.

Une autre société est possible

Dans une société qui aurait non seulement supprimé la propriété privée des moyens de production mais aussi l’oppression de la femme, la division entre travailleurs manuels et intellectuels, entre pays riches et pays pauvres, les frontières, l’argent et bien d’autres barbaries que nous connaissons aujourd’hui comme l’Etat, dans une telle société rien ne dit que les hommes souhaiteraient quitter l’activité sociale le plus tôt possible. La question de la retraite se poserait d’une tout autre manière et, en tout cas plus sur le seul terrain de la rentabilité économique mais sur celui du travail conçu comme la satisfaction d’un besoin aussi important que d’écouter de la musique, peindre ou dialoguer avec les autres.

Partager le travail entre tous, travailler en fonction des capacités de chacun, travailler en fonction des seuls besoins humains à satisfaire, travailler surtout sans avoir à enrichir des patrons, des banquiers, des investisseurs, des boursicoteurs, des militaires, des policiers, des maffias de toutes sortes, permettrait de travailler beaucoup moins pour produire, probablement quelques heures en moyenne par semaine au plus, bien loin des 35 heures présentées aujourd’hui comme le fin du fin. Dans ces conditions, on pourrait très bien rester actif sans que ce soit un poids trop lourd et sans jamais prendre sa retraite ni même en avoir l’idée ni le désir. Il suffit d’ailleurs pour s’en convaincre de constater comment les chercheurs, les médecins, les responsables économiques et sociaux sont peu pressés de quitter leur activité. Et pas essentiellement pour des raisons financières. Leur exemple nous est même hypocritement avancé aujourd’hui pour justifier de retarder la retraite… pour tous les autres.

Il ne s’agit évidemment pas de marcher dans cet argument. Les travailleurs doivent se battre dans l’immédiat pour la défense et même l’amélioration du système de retraite actuel… mais sans oublier qu’à long terme pour changer la vie, y compris des anciens, c’est le capitalisme qu’il faudra mettre à la retraite.

Robert PARIS

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Mots-clés Retraites , Société
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