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Un futur or ou noir ?

vendredi 22 novembre 2002

Quels problèmes attendent notre société dont l’activité est essentiellement basée sur le pétrole, une ressource qui ne peut être effectivement inépuisable. Les efforts considérables de prospection des trusts aux quatre coins de la planète (41 champs pétrolifères géants auraient ainsi été découverts depuis 1980, dont les gisements sur les côtes d’Afrique, au Kazakhstan et en Iran) n’arrivent pas en effet à enrayer le déclin continu des réserves mondiales puisqu’un baril seulement serait découvert pour 2 barils consommés. L’Agence d’information de l’énergie du Département américain à l’énergie estime que le pic de la courbe de production de pétrole conventionnel (correspondant à la moitié des réserves récupépables mondiales) sera atteint en 2040, date après laquelle la production commencerait à décroître. D’autres experts le situent même en 2020. Et les réserves connues, exploitées avec les technologies actuelles, devraient être épuisées dans cent ans.

Ces chiffres sont certes à prendre avec des pincettes. D’abord ils proviennent forcément des milieux pétroliers qui les distillent à l’intention du public en fonction de leurs politiques (en vue de favoriser une hausse des prix ou de pousser des Etats occidentaux à les aider à prendre le contrôle de nouveaux champs pétrolifères). Ensuite ils sont basés sur les données actuelles des connaissances, géologiques comme technologiques. Ainsi, le pétrole « non conventionnel » (sables bitumeux, huiles lourdes, offshore profond, huile de schiste) ne représente actuellement que 3,5% de la production mondiale. Ses techniques de forage et de raffinage sont effectivement beaucoup plus coûteuses (le coût de revient d’un baril est 12 fois plus important que pour du pétrole conventionnel saoudien). Mais ce sont plus de 200 bassins qui ont été découverts dans le monde, et les réserves potentielles d’huile lourde au Canada et au Venezuela représentent le double des réserves de pétrole conventionnel de l’Arabie Saoudite.

Le monde n’est donc pas près de manquer de pétrole, à condition de faire les efforts d’investissement et de recherche nécessaires. Mais ce qui est vrai c’est que la prévision à long terme n’est pas la préoccupation des trusts qui se soucient comme d’une guigne des problèmes de l’épuisement à 20 ou 30 ans (alors vous pensez à 100 ans !) pour piller tout de suite et au maximum ce qui leur coûtera le moins cher et qu’ils pourront revendre au plus haut prix.

Le vrai problème

Mais cette imprévoyance (peut-être tragique pour des générations futures) n’est presque qu’un péché véniel en comparaison des conséquences que ce pillage a aujourd’hui même sur l’environnement de toute la planète. Simples exemples : au Tchad, le tracé de l’oléoduc jusqu’au port de Kribi au Cameroun conduira à la déforestation de la forêt équatoriale sur des dizaines de km, à la pollution quasi-certaine des nappes phréatiques, et pour finir au déplacement de population de Pygmées ; aux Etats-Unis les fermes américaines, du fait de l’utilisation d’engrais dérivés du pétrole, alliée à l’emploi de pesticides, conduisant à l’épuisement et l’érosion des sols, perdraient chaque année plus de 4 milliards de tonnes de couches arables. Mais les conséquences de ce pillage sont surtout dramatiques pour les populations comme nous le montrons dans ce dossier.

Tout cela ne veut évidemment pas dire que le seul avenir de l’humanité serait dans le bouchage des puits et la fermeture des oléoducs et le retour au feu de bois et à la charrette. Les hommes, s’ils veulent sortir de la misère ont besoin de produire non pas moins mais beaucoup plus d’énergie qu’aujourd’hui où un tiers de la population mondiale n’a pas du tout accès à l’électricité et la moitié de manière très limitée, quelques centaines de kWh par personne et par an. Si les deux pays les plus peuplés, la Chine et l’Inde, devaient accroître leur production d’énergie par habitant seulement au niveau de la Corée du Sud, leurs besoins excéderaient déjà de 50 % la demande mondiale de l’année 2000.

Quant au remplacement du pétrole par les autres sources d’énergie capables de fournir celle-ci en quantité suffisante, il suffit de les énumérer pour savoir qu’elles peuvent faire tout autant sinon plus de dégâts. Ainsi les grands barrages hydroélectriques en Chine ou en Inde qui noient des régions entières et déplacent des dizaines de millions de pauvres. Et elles représentent une menace aussi grande pour l’avenir de l’humanité (les nombreux Tchernobyl potentiels dispersés aujourd’hui sur la planète) que le pétrole.

C’est bien là que nous touchons aux vrais problèmes. Le pétrole, l’hydroelectricité, le nucléaire ou n’importe quelle autre source d’énergie ne sont des calamités que parce que les décisions de les exploiter et de bouleverser la nature reviennent à des intérêts privés en vue de leur profit et non à la collectivité qui pourrait les prendre en toute connaissance des tenants et des aboutissants et pour le mieux-être de tous. Autrement dit c’est du capitalisme dont il faut se débarrasser, pas du pétrole.

Simone CANETTI

Mots-clés Capitalisme , Écologie , Pétrole , Société