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Vivre à temps partiel ?

dimanche 1er août 1999

Il ne suffit plus d’avoir un emploi pour avoir le droit au travail.

Les femmes en font massivement l’expérience. Temps partiel, flexibilité, précarité sous toutes ses formes, elles sont particulièrement menacées par le sous-emploi. 85 % des temps partiel, 62 % des CES, 52 % des CDD et 60 % des emplois aidés ou des stages sont effectués par des femmes. En France le travail à temps partiel concerne 31 % des femmes actives contre 5 % des hommes actifs.

Le temps partiel est une des modalités les plus utilisées par les patrons pour intensifier le travail et précariser les conditions de travail. Il est le plus souvent imposé à l’embauche : plus de la moitié des femmes concernées étaient précédemment au chômage ou sortaient du système scolaire, ou encore à la suite d’un chantage au licenciement. Ces contrats à temps partiel imposé de quinze ou vingt heures qui obligent les salariées à s’adapter à la demande se développent dans de nombreux secteurs.

Ces salariées à temps partiel ne sont admises sur le marché du travail qu’avec des rémunérations moindres, de faibles possibilités de promotion, des horaires flexibles. Quel poids ont les lois et les directives européennes ou autres déclarations sur l’égalité entre les hommes et les femmes face à cette réalité ?

Salaires partiels et flexibles

Le temps partiel ce sont des centaines de milliers de femmes qui travaillent pour un revenu mensuel en dessous du SMIC. 77 % des emplois à bas salaire, soit moins de 4 800 F par mois, sont des emplois à temps partiel.

L’idée du salaire d’appoint pour les femmes a la vie dure. On voit les difficultés pour imposer le maintien des salaires lors des négociations sur la réduction du temps de travail. Le rapport de forces est encore plus déséquilibré pour les salariées à temps partiel renvoyées à des négociations individuelles. D’autant que la loi Aubry laisse à la négociation le soin de traiter la situation des temps partiels. Très peu d’accords augmentent le taux de base horaire des salaires. Ce qui revient à une diminution relative des salaires des temps partiels.

La reconnaissance des qualifications, la fixation des salaires et les perspectives de promotion ne sont pas semblables pour les mêmes fonctions mais sur des contrats différents. Ainsi dans telle grande surface une caissière est classée en catégorie 8 quand elle est à temps complet, en catégorie 6 quand elle est à temps partiel, en catégorie 4 si en plus du temps partiel elle est en contrat à durée déterminée.

Une vie morcelée et épuisante

Derrière les emplois à temps partiel se cache une réalité faite de difficultés, de conditions de vie de plus en plus déplorables. A la pénibilité au travail qui est loin d’avoir disparu s’est ajoutée une souffrance liée aux conditions de l’emploi, à sa précarité, son instabilité.

Certaines femmes ne sont avisées de leurs horaires de travail de la journée que sur un simple coup de fil. Elles ne savent pas la veille leurs horaires du lendemain. Elles sont souvent contraintes au travail le week-end. Des contrats de vingt heures hebdomadaires n’empêchent pas des journées de travail très longues. Chez Quick on peut travailler 10/11h par jour souvent sans pause. On peut être de fermeture à 0h30 et reprendre le lendemain à 7h. Pour avoir de quoi vivre les manutentionnaires d’hypermarchés acceptent toutes les heures proposées par le patron. Ainsi certaines cumulent 2 contrats à temps partiel de 15 et 20h. Résultat, elles finissent à 23h à Casino pour reprendre à 4h du matin chez Auchan. On trouve le même type de situation dans le gardiennage.

Le travail à temps partiel, promu au nom de la souplesse est en fait d’une redoutable rigidité : il a transformé ces salariés en journaliers des temps modernes.

Concilier vie professionnelle et familiale

Les patrons, les gouvernements successifs et parfois même certaines organisations syndicales ont promu le travail à temps partiel au nom de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle : une flexibilité rêvée, la soi-disant rencontre entre une offre et une demande de flexibilité faite par les femmes elles-mêmes.

La flexibilité réelle, c’est une vie sociale et familiale démantelée. La sociologue N. Cattanéo qui a étudié le cas des caissières d’hypermarchés dénonce « la logique de corvéabilité » : « Toute vie en dehors du travail devient elle-même ingérable car complètement aléatoire ». Elle parle également « d’un fort sentiment d’insécurité et de culpabilité vis à vis des enfants ».

La seule réponse au niveau du gouvernement est la mise en place de politiques qui visent à renvoyer les femmes au foyer en vantant des congés parentaux et autres formes d’interruption de carrière. Ainsi l’APE (Allocation Parentale d’Education) se révèle un véritable piège pour les femmes. Tiraillées entre des emplois épuisants et mal payés et des équipements collectifs insuffisants, chers et inadaptés, de plus en plus de femmes -plus de 100 000- ont recours à ce dispositif qui s’avère concurrentiel par rapport aux bas salaires et au temps partiel (allocation de 2900f par mois pour l’aide à taux plein). Ces salariées étant les moins qualifiées, les plus touchées par la précarité, leurs perspectives de retour au travail sont extrêmement faibles.

Agnès MARDETALAII

Mots-clés Politique , Précarité