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De la fracture... à l’explosion sociale

dimanche 1er août 1999

Loin d’être le produit d’une diminution globale de la richesse, la précarisation de la classe ouvrière se produit dans un contexte de croissance économique. En vingt ans, le PIB des pays industriels s’est accru, de 55 % en Allemagne, de 56 % en France, de 40 % en Angleterre, de 58 % aux USA. Bilan ? 10 millions de pauvres dont 5 millions de chômeurs réels et presque autant de travailleurs précaires en France ; 4,1 millions de chômeurs et 5,5 millions de petits boulots en Allemagne ; 1,8 million de chômeurs et 12 millions de précaires en Angleterre. Aux Etats-Unis, le pays le plus riche du monde, plus de 40 millions de personnes vivent dans des familles ayant moins de 10 000 dollars de revenu annuel et le même nombre n’ont pas accès aux soins ; 90 millions sont illettrées, un enfant sur quatre vit dans la pauvreté. Les 10 % d’Américains les plus pauvres ont vu leurs ressources baisser de 21 % tandis que les 10 % les plus riches ont vu leurs revenus s’accroître de 22 %, selon l’International Herald Tribune de mars 1996.

Dans tous les pays riches, non seulement les pauvres (en activité ou au chômage) sont plus nombreux, mais ils sont de plus en plus pauvres. Leur part du total des revenus s’est effondrée.

En réalité, on assiste depuis vingt ans à la reconstitution d’une vaste « armée industrielle de réserve » oscillant entre le chômage, l’exclusion et la précarité permettant à la classe capitaliste de mettre sous pression l’ensemble de la classe ouvrière. Cette surexploitation, cette précarisation de la classe salariée fait l’objet d’une politique délibérée de la bourgeoisie, institutionnalisée et légalisée par tous les gouvernements des pays impérialistes.

Cette politique vise bien sûr à briser les capacités de défense des travailleurs, à atomiser leur cohésion économique, à isoler les précaires, les chômeurs, les exclus, du reste de la population salariée. Mais à un certain stade, l’accumulation des facteurs d’injustice et de précarité sociale peut aussi aboutir à un sentiment général d’indignation sociale. On en a eu un avant goût en France en janvier 1998 avec le mouvement des chômeurs et des exclus qui, pour être minoritaire, s’est révélé très populaire chez l’ensemble des travailleurs.

Pour l’heure, même si toute une série d’organisations syndicales et associatives visant à défendre et représenter les chômeurs et les précaires se sont créées, la division entre chômeurs, précaires et salariés n’est pas pour autant réglée au sein du mouvement ouvrier. C’est en réalité une question de rapport des forces global, donc politique, entre la classe ouvrière et la bourgeoisie. La bourgeoisie peut s’accommoder d’une politique d’assistance envers les plus pauvres, qui au bout du compte n’aboutit qu’à gérer l’injustice sociale et à la pérenniser (en se déchargeant d’ailleurs de cette tâche sur les organisations ouvrières).

Il faudra que le mouvement ouvrier engage des combats d’envergure, en un mot mène une politique de mobilisation qui puisse redonner espoir et perspectives y compris aux plus démunis et aux « exclus », pour que la classe ouvrière regagne en solidarité politique ce qu’elle a perdu en émiettement économique. La véritable solidarité de classe ne se construit que dans la lutte de classe, sous ses formes les plus déterminées. C’est alors que la « fracture sociale » dont parlait Chirac, loin d’engendrer résignation et passivité ouvrière, deviendra le plus fort facteur de cristallisation de la colère sociale.

Robert PARIS

Mots-clés Précarité , Société