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Loi Aubry : les travailleurs ne lui disent pas merci !

dimanche 1er août 1999

A l’automne, le Parlement doit débattre de la deuxième loi sur les 35 h.

La première loi Aubry : un formidable levier pour le développement de la flexibilité et pour l’augmentation de l’exploitation des salariés

Le gouvernement parle sans cesse d’accords « gagnants-gagnants » dans lesquels salariés et patrons trouveraient leur compte. C’est oublier évidemment que depuis 82, les patrons ont déjà réussi à porter la durée hebdomadaire d’utilisation des équipements industriels de 46 h à 52,4 h ; que de 1982 à 1997, la part des profits dans la valeur ajoutée (selon les critères INSEE) est passée de 22,3 % à 28,8 %, faisant encore reculer la part des salaires.

50 % des accords d’entreprise et la totalité des accords de branche contiennent le passage à l’annualisation des horaires. Cette modulation permet une augmentation des profits réalisés sur les travailleurs par une intensification du travail, l’extension des horaires fractionnés, du travail de nuit, du travail de week-end, notamment du travail le samedi là où il n’existait pas. Ainsi, loin d’améliorer les conditions de travail, le passage aux 35 h va se traduire par une nouvelle dégradation des conditions de vie et de travail.

Malgré la légalisation de la flexibilité -qui fait sauter le calcul du temps de travail sur la semaine et donc le déclenchement hebdomadaire des heures supplémentaires- depuis 1982, en 95 seuls 7 % des établissements du privé et 10 % des salariés étaient soumis à ce système. La loi Aubry fait exploser le recours à la flexibilité, et le patronat, malgré ses cris d’orfraie, n’a pas tardé à s’engouffrer dans cette aubaine !

Après le refus d’étendre l’accord métallurgie, Aubry a accepté de le faire pour tous les autres accords qui contiennent pourtant des attaques identiques. En fait, après presque un an d’application, la loi Aubry apparaît bien comme une machine de guerre du patronat qui d’un côté donne un œuf aux salariés pour mieux leur voler un bœuf ! Certains, comme le PCF ou la CGT s’attachent à dénoncer le sabotage du MEDEF. Sacré cadeau au gouvernement, car dans toutes les entreprises publiques où des accords ont été signés (EDF, SNCF, Air France,...) les orientations des directions sont les mêmes : flexibilité, blocage des salaires, grignotage de la réduction du temps de travail.

Plus étonnant est l’appel lancé conjointement par des militants syndicaux de la CGT, de la défunte gauche CFDT, de FO et du groupe des 10 (parmi lesquels des militants de la gauche socialiste du PS et de la LCR) qui lui aussi feint de croire que la loi Aubry aurait « relancé la négociation sociale et amorcé la création d’emplois » (voir Rouge n°1826). Comment des militants révolutionnaires et des syndicalistes combatifs peuvent-ils accepter de cosigner de telles contrevérités ? Et aux côtés de dirigeants syndicaux comme ceux de la CFDT cheminots et de FO PTT qui entérinent des accords pourris ? De plus cet appel, comme la direction CGT n’accuse que le « détournement » de la loi par le MEDEF, épargne le gouvernement en s’en remettant au « gouvernement de gauche » pour améliorer les choses. Ce n’est sûrement pas la voie à prendre pour développer la contre-offensive face à l’action du gouvernement et du patronat.

La préparation de la deuxième loi confirme la volonté des dirigeants de la CGT comme de la CFDT de se soumettre à la politique gouvernementale.

La semaine d’action CGT-CFDT fin mai a été un non-événement et pour cause. La CFDT semble plus soucieuse de préserver les intérêts patronaux pour « atténuer » le passage aux 35 h.

Nicole Notat propose de repousser jusqu’en 2001 le passage aux 35 h en ne taxant pas les heures supplémentaires. Pire encore, elle propose de bloquer le SMIC, ce qui aurait pour effet une perte de 10 % de salaire des smicards passant aux 35 h.

La CGT, à sa manière se résigne à ces nouvelles attaques patronales. A l’issue de ses rencontres avec le cabinet Aubry, Maryse Dumas et B.Thibault se sont certes prononcés contre la période de transition et pour la réévaluation du SMIC. Mais ils entérinent, comme ils l’avaient fait lors du 46e congrès la flexibilité et l’annualisation en prétendant « l’encadrer ». Si la CGT dit s’inquiéter des conséquences de la première loi, elle n’en a pas moins, notamment à l’EDF-GDF et à la SNCF accepté des accords qui contiennent les mêmes attaques que dans le privé. Et la CGT non seulement n’organise pas la mobilisation, mais s’est elle-même portée aux avant-postes en cassant la grève des cheminots au mois de mai. Après avoir applaudi à la première loi, elle s’en remet encore au gouvernement pour « améliorer » les choses.

Nouvelles attaques... et nouveaux cadeaux !

En ce qui concerne la deuxième loi, Aubry ne compte en rien remettre en cause toutes les attaques incluses dans les accords. Le plus probable même est que la loi permette d’étendre ces reculs sociaux aux travailleurs du public, au nom de l’équité. Le rapport Roché avançait les mêmes objectifs de flexibilité, de blocage des salaires, de grignotage de la réduction du temps de travail. Et si le gouvernement tarde à commencer les négociations dans ce secteur, c’est bien pour l’aligner sur ce que la seconde loi aura entériné de remises en causes des acquis.

La deuxième loi devrait compléter la première sur divers points importants :

La rémunération du SMIC et du temps partiel

En ce qui concerne le SMIC, elle refuse d’envisager une augmentation de 11,43 % du SMIC horaire, et elle compte bloquer les augmentations du SMIC pour les heures comprises entre 36 et 39h.

Le quota autorisé d’heures supplémentaires et le taux de paiement de ces heures

Aubry s’était déjà oralement engagée à ce que les heures de 35 à 39 soient payées à un taux inférieur à 25 %. Aubry a annoncé début juin qu’elle comptait baisser la majoration à 13 ou 15 %. Quant au quota, même s’il n’y a pas de proposition précise, Aubry s’est déjà engagée auprès du patronat à ne pas vraiment baisser le quota actuel, alors que de nombreux accords de branches déjà étendu par le Ministère font exploser le quota antérieur (175 h pour le textile et l’habillement, 180 pour le BTP).

Les modalités concernant l’encadrement

Malgré les luttes menées contre le paiement au forfait qui permet aux patrons de ne pas compter les nombreuses heures supplémentaires effectuées par les cadres, Aubry compte au contraire entériner le forfait en décomptant en journées le temps de travail.

Le calcul de la durée effective du temps de travail

Sur ce point, le ministère ne compte en rien revenir sur le hold-up généralisé du patronat et la déduction du temps de travail du maximum de temps de pause.

Les nouvelles « aides » d’incitation pour les entreprises

Le gouvernement compte bien offrir de nouveaux cadeaux au patronat, puisque au-delà des aides existantes (la « ristourne Juppé » de 43 milliards, consistant en un allègement des cotisations sociales pour les salaires jusqu’à 1,3 fois le SMIC), Aubry prévoit 65 milliards d’aides supplémentaires pour les salaires jusqu’à 1,8 fois le SMIC, consistant toujours en des allègements de cotisations sociales.

A n’en pas douter, dans de nombreux secteurs les salariés cherchent à combattre les effets pervers du passage aux 35h. La première manche a été gagnée par le gouvernement et le patronat, avec l’appui des organisations syndicales, pour la seconde, il faut se mobiliser en centralisant les ripostes.

Laurent CARASSO

Mots-clés 35 heures , Politique