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Après les élections : Quelle politique pour l’alliance LO-LCR ?

dimanche 1er août 1999

Jugée éphémère, conjoncturelle, opportuniste, voire contre-nature, au gré des humeurs et des opinions, l’alliance conclue par LO et la LCR à l’occasion des élections européennes ne se voyait pas prédire un grand avenir. Son terme était donné d’avance : au soir du 13 juin chacune des deux organisations révolutionnaires irait de nouveau son chemin. Peu croyaient en la possibilité d’un prolongement. Encore moins militaient réellement pour.

Il est vrai qu’elle venait après une décennie durant laquelle LO et la LCR s’étaient mutuellement ignorées. Il est vrai que sa nécessité s’est d’abord imposée à cause du système de scrutin des européennes et l’obligation de passer la barre des 5 % pour avoir des élus et obtenir un remboursement. Il est vrai surtout que les différences de stratégie, de tactique ou de style d’intervention rendent l’idée d’une fusion dans un même parti impensable sans changements d’envergure, que les élections avaient peu de chance d’amener... et qu’elles n’ont pas amenés.

L’alliance LO-LCR confirmée

Au lendemain des élections les militants des deux courants qui publient Convergences Révolutionnaires, minorités de la LCR et de LO qui ont milité depuis longtemps pour le rapprochement et la collaboration, peuvent enregistrer avec satisfaction la volonté nouvelle manifestée par leurs deux organisations de le poursuivre.

Nous n’avons pas plus que d’autres de garanties sur l’avenir de l’alliance LCR-LO. Il dépend non seulement du maintien de cette volonté nouvelle mais des évènements à venir et du climat social et politique. A ses détracteurs, car il y en a toujours, il faut pourtant faire remarquer que les raisons qu’ont LO et la LCR de maintenir leurs liens, sinon de les approfondir, ne sont ni électoralistes ni conjoncturelles.

Le résultat des européennes est une de ces raisons. La liste commune ayant passé la barre des 5 % et ayant cinq élus LO et LCR au Parlement européen, ceux-ci et leurs organisations sont confrontés à la responsabilité de répondre mutuellement de l’attitude et de la politique des élus de l’autre organisation. Ils se sont présentés ensemble et sur une plate-forme commune devant les électeurs. Comme nous l’écrivions dans le numéro précédent de cette revue, numéro de mai-juin, l’engagement de former un groupe (sinon officiel, car le nombre d’élus est insuffisant, du moins de fait) et de se concerter systématiquement est bien le moindre qui devait être pris dans ces circonstances. LO et la LCR l’ont pris. Cela ne garantit pas la politique qui sera défendue. Mais cela a valeur de symbole. C’est une sorte d’engagement non seulement pour les élus mais pour les deux organisations toutes entières de continuer ensemble sur la lancée des élections. Comment serait-il possible de former un même groupe, se concerter systématiquement, défendre une politique commune chaque fois que c’est possible au Parlement européen, mais pas possible partout ailleurs, en particulier sur les autres terrains d’intervention bien plus importants du point de vue des révolutionnaires ?

Une plate-forme politique commune

Cette responsabilité morale, conséquence des résultats du 13 juin, n’est pourtant pas la seule raison qui impose à LO et à la LCR de maintenir leur alliance. Il y en a une autre bien plus profonde que résumait Arlette Laguiller dans une interview donnée à Rouge, l’hebdomadaire de la LCR, la semaine même précédant les élections : « De plus, la plate-forme qui nous a réunis dans la campagne doit réunir demain nos deux organisations dans leurs interventions ».

La présentation d’une liste commune sur une plate-forme commune a permis de vérifier que, à côté de divergences de toutes sortes, politiques ou organisationnelles, de détail ou d’importance, LO et la LCR ont une base politique commune. Elle a été reconnue à l’occasion des élections. Mais elle vaut hors élection. On pourrait même dire surtout hors élection étant donné son contenu : opposition déterminée au gouvernement, programme de mesures d’urgence pour changer radicalement la situation des classes laborieuses, nécessité de les imposer par les luttes. Si sur une telle base LO et LCR se sont retrouvées pour intervenir dans les élections, comment pourraient-elles ne pas trouver d’autres occasions de le faire sur les terrains qui sont ceux de la lutte de classe ?

Des contacts à tous les niveaux

LO et LCR manifestent donc la volonté de maintenir là où ils se sont créés pendant la campagne, d’établir là où cela n’a pas encore été fait, des contacts étroits à tous les niveaux. C’est le premier objectif. Ces contacts en fait n’auraient jamais dû cesser, ni entre LO et la LCR (entre lesquelles des rapports réguliers à tous les niveaux existèrent dans un passé lointain maintenant), ni entre toutes les organisations révolutionnaires.

C’est aussi le minimum indispensable pour permettre d’envisager des initiatives et des actions communes. Comment parler d’intervenir en commun, si... on ne se rencontre pas ?

C’est un minimum, à dépasser aussi rapidement que possible et chaque fois qu’il est possible. Car, c’est aussi une leçon du passé, des rapports étroits semblent rapidement une perte de temps et d’énergie, inutiles, voire encombrants, s’ils ne produisent pas d’effets, au moins à terme, quand ils ne se traduisent pas en interventions, actions ou initiatives communes. C’est d’ailleurs bien cela la finalité de rapports politiques. Si au Parlement nos cinq camarades siègent côte à côte, disent se concerter systématiquement, mais n’interviennent jamais ensemble et ne se retrouvent jamais sur une même initiative, bref démontrent qu’ils sont amis peut-être mais n’ont aucune politique commune, parlera-t-on longtemps d’un groupe communiste révolutionnaire ?

Poursuivre tout simplement la campagne de ces six derniers mois

Si des contacts s’établissent à tous les niveaux qui permettront d’aborder ensemble tous les problèmes et de discuter de toutes les initiatives possibles, à l’échelle nationale (voire européenne maintenant ?) comme à celle de l’entreprise ou de la localité, des occasions d’intervenir en commun à brève ou longue échéance ne pourront manquer. La lutte de classe, surtout l’offensive des classes dirigeantes, se poursuit tous azimuts. Les occasions de proposer, d’organiser, au moins de prendre part à la riposte ne peuvent manquer.

On peut en imaginer certaines dès à présent (chômeurs, sans papiers, plans de licenciements...). D’autres surgiront sans doute que nous n’entrevoyons pas encore.

Mais, indépendamment de toutes les opportunités à saisir qui se présenteront immanquablement, il est une intervention qui s’impose dès maintenant.

Sans se soucier des élections, alors même que la campagne battait son plein — une manière de montrer le peu d’importance qu’ils accordaient à ce qui pouvait sortir des urnes — patronat et gouvernement ont au contraire confirmé une nouvelle et prochaine offensive contre les travailleurs : plans de suppressions d’emplois ou de licenciements dans les plus grands groupes, à Elf, à IBM, à Bosch, etc... ; attaques en préparation contre la sécurité sociale ou les retraites ; et surtout deuxième loi Aubry (remettez-nous ça la patronne !) qui redéveloppe à elle seule tous les aspects de l’offensive de deux décennies contre les salariés : réduction des salaires réels, subventions accrues aux patrons, annualisation, flexibilité, manipulation des horaires qui augmentent la peine au travail, précarité et chômage inchangés, contrôle accru de l’employeur sur la vie même de ses salariés. La loi Aubry semble le contre-pied exact du plan d’urgence, un contre-plan (mais qu’il serait malséant d’appeler d’urgence devant la bonne santé des capitalistes) pour le patronat. Le plan d’urgence est donc d’autant plus d’actualité. Comme est d’actualité la préparation d’un mouvement d’ensemble pour faire face à l’offensive concertée du patronat, des politiciens de droite et de gauche et de certaines directions syndicales.

Si depuis six mois LO et LCR ont fait campagne sur la base d’une opposition radicale au patronat et au gouvernement et pour un plan d’urgence qui est avant tout un programme pour une lutte d’ensemble, peuvent-elles arrêter, sans se renier, une fois les élections passées, alors que la situation des classes exploitées n’a évidemment pas changé, ni bien entendu la politique du patronat et du gouvernement ?

Des initiatives pour rassembler militants et travailleurs combatifs

Dès maintenant donc, LCR et LO peuvent et doivent envisager d’entamer la campagne (il serait en fait plus juste de dire poursuivre, dans le droit fil de celle qu’elles ont menée en commun pour les élections, et pratiquement sur la base de la plate-forme commune) contre les projets du patronat et du gouvernement, contre les projets Aubry, avec l’ambition d’aider à préparer le mouvement d’ensemble qui imposera le plan d’urgence.

Plus que d’une campagne unique il conviendrait d’ailleurs de parler de campagnes multiples, puisqu’il s’agit de développer une politique par des interventions et des initiatives diverses, à différents niveaux et dans différentes directions. Et pas seulement de la campagne traditionnelle de meetings, réunions publiques, tracts et affiches, même s’il s’agit de cela aussi.

La LCR et LO pourraient, et à notre sens devraient, prendre aussi l’initiative d’organiser des rencontres militantes à tous les niveaux, à commencer par celui de l’entreprise et de la branche, en passant par ceux de la localité et de la région, jusqu’au niveau national ; des rencontres qui seraient à proposer à tous les militants communistes, socialistes, syndicalistes, sans parti et sans syndicat, et tout simplement travailleurs combatifs ; des rencontres qui auraient pour but de discuter des objectifs et des moyens d’imposer ce plan d’urgence et lutter contre les projets patronaux et gouvernementaux ; des rencontres à l’organisation desquelles LO et LCR pourraient associer d’autres militants et groupes révolutionnaires qui, en gros, sont d’accord avec le plan d’urgence, à commencer par ceux qui l’ont montré à l’occasion de la récente campagne électorale, une façon de les rassembler autour de la force politique révolutionnaire, dans laquelle ils ont naturellement leur place.

L’émergence affirmée de cette force politique permet aujourd’hui à LO et la LCR ensemble de proposer non seulement aux militants mais aux organisations elles-mêmes, partis, PCF notamment, syndicats et associations qui disent défendre ou représenter les intérêts des exploités ou opprimés, de participer à l’agitation et au mouvement éventuel pour imposer le programme d’urgence. Sans illusion sur la réponse possible, mais prêts à jouer le jeu avec ceux qui accepteraient.

Une telle politique n’est pas artificielle. Elle ne répond pas à la seule nécessité pour LO et la LCR de trouver quelque chose à faire en commun, ce qui ne mènerait nulle part, même si elle justifie et conforte leur alliance : elle permettrait par exemple d’envisager une presse commune qui, sur la base d’une politique commune, aurait alors toute sa justification.

La raison d’être fondamentale de la force politique révolutionnaire est la défense des intérêts du monde du travail. Dans la situation politique et sociale post-électorale cette défense passe par la préparation du mouvement d’ensemble pour imposer les mesures d’urgence qui changeraient radicalement la situation des exploités et des opprimés. La définition de la politique commune de l’alliance LO-LCR doit partir de là.

Tendance Révolution ! de la Ligue Communiste Révolutionnaire

Fraction L’Etincelle de Lutte Ouvrière

Mots-clés Extrême gauche , LCR , Lutte ouvrière , Politique