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Loi de financement de la sécurité sociale ou du patronat ?

mercredi 1er décembre 1999

Le parlement vient de voter à 280 voix pour et 246 contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’an 2000. Les députés socialistes et verts ont voté pour, 30 députés communistes ont fini par s’abstenir après avoir failli voter contre, choix contrecarré in extremis par Robert Hue. Seuls 3 députés communistes ont maintenu leur vote contre.

Ce projet a été précédé, depuis des mois, par des annonces variables quant au déficit annoncé pour l’assurance maladie. De 15 milliards en février 1999 ce déficit se transforme à l’automne en excédent à venir de 2 milliards. En réalité il s’agit des mêmes chiffres, mais tantôt on parle du budget général de la sécurité sociale, tantôt de celui de l’assurance maladie qui, lui, reste déficitaire. La version, elle, est adaptée selon l’objectif : valoriser la politique du gouvernement ou convaincre la population de la nécessité de nouveaux sacrifices.

Car dans le droit fil de la politique des gouvernements - de gauche comme de droite - depuis une vingtaine d’années, ce budget prévoit une fois de plus des milliards de subventions au patronat et des restrictions pour la population laborieuse.

Ce fonds financera les exonérations de charges sociales déjà existantes ainsi que celles créées à l’occasion du passage aux 35 heures. A terme, ces dépenses seront de 100 à 110 milliards de francs par an. Pour 2000, les dépenses sont évaluées à 62 – 67 milliards, dont 22 à 27 milliards représentent le coût des 35 heures.

Le financement de ce fonds proviendra en partie des droits de consommation sur le tabac (39,5 milliards), de la recette de la contribution sociale sur les bénéfices (4,3 milliards), d’une taxe sur les activités polluantes, la taxe de 10 % sur les heures supplémentaires des entreprises qui ne seront pas passées aux 35 heures (7 milliards).

Il était envisagé de ponctionner les caisses de l’UNEDIC et de la sécurité sociale, mais le gouvernement a dû faire marche arrière. Le manque à gagner sera trouvé dans une taxe sur les alcools (5,6 milliards).

Il est en retrait de 5,5 milliards. Les dépenses autorisées passent de 1856,3 à 1851,4 milliards.

Le gouvernement exauce ainsi l’un des vœux de Gilles Johanet. La CNAM pourra jouer sur les tarifs et les honoraires en cas de dérapage des dépenses. Par contre le projet de facturer aux médecins les éventuels dépassements est abandonné. Seule subsiste la possibilité de prendre en charge les cotisations des praticiens vertueux.

Les caisses pourront convoquer les assurés jugés « dépensiers » et non atteints d’une maladie chronique. Par ailleurs, les médecins seront tenus de communiquer à la sécurité sociale le motif médical justifiant les indemnités journalières ou les transports médicaux.

Non, il ne s’agit pas de les faire payer ! Il s’agit seulement de compenser, par anticipation, l’annulation pour raisons juridiques d’un prélèvement de 1,2 milliard de francs décidé en 1996 !

Elles sont revalorisées de… 0,5 % alors que l’inflation est de 0,9 % ! C’est tout un symbole !

Ce budget, qui ne fait participer le patronat sur ses bénéfices qu’à hauteur de 4,3 milliards, tandis qu’il lui sert 62 milliards de cadeaux sous forme d’allégements de cotisations, est éloquent.

Ce chiffre de 62 milliards est comme par hasard équivalent au montant des économies recherchées par Gilles Johanet.

Si toutes les mesures préconisées par la CNAM ne sont pas reprises dans la loi de financement de la sécurité sociale pour l’an 2000 – son plan stratégique étant programmé sur plusieurs années – l’essentiel s’y trouve : le feu vert aux restrictions sur les dépenses de santé avec un contrôle accru de la population.

Des affaires récentes permettent d’illustrer ce que le gouvernement et la CNAM entendent par « maîtrise des dépenses de santé ». Les 23 et 25 mars 1999 à Orléans et Poitiers, deux médecins ont été traduits devant le Comité Médical Régional pour prolongation injustifiée d’arrêt de travail touchant des travailleurs victimes d’accidents du travail. Cela donne une idée de ce qui pourrait se généraliser.

Car, dès à présent les médecins hésitent à donner des arrêts de travail ou les limitent aux trois jours de carence qui ne donnent pas lieu à versement d’indemnités journalières. Sans compter que bon nombre de salariés préfèrent travailler malades que de risquer d’être mal vus en s’absentant.

Sans consignes écrites, bien des médecins-conseil de la sécurité sociale mettent déjà de plus en plus un terme à certains arrêts de longue maladie. Des malades convoqués se voient notifier une « aptitude au travail », même si le lendemain, en se présentant au travail, les mêmes travailleurs se voient déclarés inaptes à un poste dans l’entreprise, ce qui peut se traduire par un licenciement.

Alors, maintenant que le feu vert est donné par la loi, la pression implicite qui s’exerçait sur les travailleurs va devenir explicite. D’autant plus que cela se met en place avec la bénédiction de plusieurs organisations syndicales, la CFDT en tête, participant à la gestion des caisses.

La direction de la sécurité sociale et le gouvernement font mine de contrôler « tout le monde », industries pharmaceutiques, corps des médecins et des pharmaciens compris. En réalité le seul réel contrôle s’exercera sur la population. Le aorps médical, comme celui des pharmaciens verra ses dépenses un peu encadrées, mais faute de pouvoir et de vouloir réellement contrôler où va l’argent – dans les caisses du patronat et des industries pharmaceutiques – on finit toujours par se retourner vers les travailleurs pour les faire payer au nom de la lutte contre des abus.

Le 4 novembre 1999

Martine ANSELME

Mots-clés Politique , Sécurité sociale