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Harcèlement sexuel : l’enfer au travail

jeudi 1er juin 2000

On parle beaucoup aujourd’hui du harcèlement moral dans les entreprises. Des milliers de salariés seraient ainsi victimes de mises à l’écart, de vexations, de surcharge ou de privation de travail, et autres persécutions infligées pour pousser à la faute ou à la démission. Cet enfer au travail conduit les victimes à la dépression, au suicide. Les femmes y sont bien évidemment confrontées comme les hommes, mais doivent en plus, elles, subir une forme de harcèlement directement liée à leur sexe, à l’oppression spécifique par les hommes. Les études indiquent qu’une femme active sur cinq a été victime de harcèlement sexuel au cours de sa vie professionnelle.

Le harcèlement sexuel

Il y a bien sûr les agressions physiques violentes comme le viol et les agressions sexuelles. Elles existent toujours, quelle que soit la taille de l’entreprise concernée. De l’employeur qui conditionne l’embauche au fait « d’être gentille » à celui qui profite qu’une de ses employées se trouve dans une situation individuelle difficile (divorce, femme seule avec enfants, etc.) pour l’agresser, voire la violer, en passant par le maître d’apprentissage qui se livre à des attouchements sexuels sur ses jeunes apprenties, l’agression prend toutes les formes possibles. Un point commun : l’employeur, le chef, s’appuyant sur le chantage à l’emploi utilise sa position dominante pour avilir la salariée en la percevant non comme une personne présente pour travailler mais comme un objet sexuel à sa disposition.

Ces violences physiques ne doivent pas masquer une autre forme d’agression plus pernicieuse, mais aussi beaucoup plus répandue, que la loi appelle le harcèlement sexuel. De quoi s’agit-il ? D’un comportement systématique de harcèlement, basé sur des pressions, des menaces, des ordres, des contraintes, des remarques qui visent à faire craquer la femme pour qu’elle concède des actes de nature sexuelle à l’agresseur. Qu’il ne s’agisse pas de violence physique ne retire rien à la violence morale de ce comportement.

La pression quotidienne

La femme, sauf si elle est prête à perdre son travail, est obligée d’endurer tous les jours un stress, parfois insupportable. Celles qui ont subi des mois, parfois des années durant un harcèlement quotidien de leur patron, de leur chef, sans avoir le moyen de le faire cesser sont niées en tant qu’individus, comme est niée la femme violée, agressée physiquement. Psychologiquement, les traumatismes sont de la même importance. La femme harcelée n’est pas considérée comme une personne décidant librement des relations autres que professionnelles : elle est transformée par ce qu’elle peut subir.

Bien évidemment les individus se rencontrent dans l’entreprise et peuvent désirer d’avoir des relations amoureuses. Mais elles doivent être librement et réciproquement choisies à égalité entre les partenaires : nul n’a droit à l’autre, n’a droit sur l’autre. Qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas parce que beaucoup d’ouvrières sont capables de « remettre à leur place » les collègues de boulot que ce qu’ils font subir ne pèse pas.

Pour une riposte collective

Les salariées ont dû subir ce type de harcèlement depuis toujours. Mais la question a été longtemps taboue ou alors l’objet de commentaires indulgents ou amusés. En fait si elle est d’actualité ce n’est pas parce que les harcèlements se seraient multipliés (c’est probablement le contraire si l’on en juge par tous les témoignages dignes de foi d’il y a cinquante ou cent ans) mais parce que des femmes ont osé les dénoncer publiquement, faire des scandales, porter ces affaires devant les tribunaux. Avec courage car les premières à le faire furent parfois loin de recueillir l’assentiment et le soutien de leurs collègues masculins, voire des militants syndicaux et politiques de l’entreprise, eux-mêmes parfois spécialistes des blagues sexistes ou de comportements visant à mettre en situation d’infériorité les femmes travaillant avec eux. Un comportement qui change sans doute avec les jeunes générations, sous la pression des femmes elles-mêmes. Heureusement, car c’est la réponse ferme de la collectivité, des travailleurs et des travailleuses, qui peut mettre à la raison les machos de tous genre, patrons, chefs ou simples travailleurs abrutis par les préjugés.

Charles PAZ


Un témoignage

( paru dans : « Droit de cuissage », Marie Victoire Louis)

« - quels ont été vos sentiments ?

Dans un premier temps de l’agacement, en me disant qu’en réagissant vivement, les gestes allaient cesser. Ensuite, de l’humiliation, parce qu’il y avait une volonté délibérée de sa part de me ridiculiser, puis un grand sentiment d’injustice et d’impuissance, lorsque j’ai compris que le lien entre l’aspect privé, sexuel, prenait le pas sur l’aspect professionnel.

« - quelles ont été les répercussions sur vous ?

C’étaient des angoisses, pertes d’appétit. J’étais pleine d’herpès. Je me réveillais très tôt le matin. Je me réveillais dans la peur. C’était terrible. Je parlais, puis sans raison je me mettais à pleurer, même si je n’étais pas en train de parler de ce sujet. Je pleurais constamment. J’avais mal, j’avais mal physiquement, j’avais mal à tous les niveaux. J’avais peur d’aller travailler.... »

Mots-clés Droits des femmes , Société