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Les contrats de travail sauce MEDEF : Pour des travailleurs licenciables et exploitables à merci

dimanche 1er octobre 2000

En présentant leurs projets de nouveaux contrats de travail, les patrons invoquent sans vergogne la nécessité de « lutter contre la précarité » [1]. Estimant qu’en raison de leur limitation à 18 mois, les CDD et l’intérim ne peuvent satisfaire aux « exigences de la nouvelle économie, aux nouveaux modes de fonctionnement des entreprises, à l’obsolescence rapide des produits mis sur le marché et l’explosion de nouvelles technologies », ils veulent mettre en place deux nouveaux types de contrats visant à « apporter une réponse adaptée » aux « nouveaux besoins de réactivité, de flexibilité et de transformation rapide » des entreprises.

L’intensification de la précarité

Le premier est le « contrat de projet ou de mission » qui se termine « en principe » avec la fin de la réalisation du projet ou de la mission « non pérenne ». « Lancement d’un nouveau produit, démarrage d’une nouvelle activité, implantation d’une nouvelle unité,.. réalisation d’un marché à l’étranger » : dans la quasi totalité des entreprises, il y a en permanence de telles situations. Les patrons pourraient n’avoir recours à partir d’aujourd’hui qu’à ce type de contrats.

Mais cela ne leur suffit pas. Ils proposent des « contrats à durée maximum » qui ne dépasseraient pas 5 ans mais qui pourraient se terminer avant par un licenciement économique. Ils seraient conclus pour « une commande lourde non renouvelable », une « absence de visibilité sur les emplois...nécessaires à moyenne échéance de 3 ou 4 ans par exemple, etc ». Avec de tels contrats, on ne voit pas ce qui amènerait un patron à embaucher un travailleur en CDI. A-t-on déjà vu un patron affirmer qu’il a une visibilité en termes d’emplois à plus de 2 ans ?

Ils vont encore plus loin, prévoyant que même ces contrats ne seraient pas en mesure « d’apporter une réponse appropriée aux besoins spécifiques de certaines entreprises, notamment pour faire face à une très grande volatilité des marchés et au manque de visibilité économique qui en résulte ». Ils proposent donc une formule encore plus souple : l’accord d’entreprise ou de branche pourrait « définir, à titre expérimental, d’autres formes de relations contractuelles adaptées à (leurs) besoins spécifiques ».

Pour embaucher et licencier sans contrainte

En bref, il faut qu’au moment d’une certaine reprise économique, les patrons puissent augmenter leurs effectifs sans embaucher en CDI, en se donnant les moyens de licencier sans aucune contrainte. Les procédures légales de licenciement économique n’empêchent jamais les suppressions d’emploi, mais elles coûtent trop cher à leurs yeux. L’intérim, les CDD permettent toutes les possibilités sans les problèmes de licenciement, mais ils sont un peu chers et compliqués à gérer.

Ce qu’ils veulent c’est diminuer la proportion de CDI dans les entreprises en amplifiant le processus engagé dès les années 70. En 1975, 72% des actifs travaillaient en CDI à temps plein, avec le développement du chômage, de la précarité, du temps partiel, des petits boulots, en 1998, ils n’étaient plus que de 56%. Un quart des ouvriers non qualifiés a un contrat précaire, près de 10 % des ouvriers et employés. En divisant et morcelant les travailleurs en statuts différents, les patrons diminuent les possibilités de riposte ouvrière.

Et quand malgré tout ils sont obligés un jour ou l’autre d’embaucher, notamment pour conserver les travailleurs dont ils ont besoin, ils les ont testé en essai permanent pendant des années. Eux qui nous rebattent les oreilles avec la négociation n’appliquent pas les conventions collectives qu’ils ont signé qui prévoient des périodes d’essai de 1 ou 2 mois : 80% des embauches dans les entreprises de plus de 50 salariés se font après CDD ou intérim.

Limiter la précarité ? Non, l’interdire

La CFDT a exprimé des craintes sur les objectifs du MEDEF qui viseraient « non pas à réduire la précarité mais à l’agencer autrement ». FO et la CGT ont dénoncé la remise en cause du code du travail et des conventions collectives. Mais FO, la CFTC et la CGC ont proposé aux patrons de discuter l’amélioration de l’accord interprofessionnel de 1990 sur la « limitation » du recours au CDD. Tout en refusant cette base de discussion, le MEDEF a beau jeu de dire aujourd’hui que c’est négociable, puisque les syndicats ont déjà signé un accord validant l’existence même de la précarité. Quand au gouvernement, malgré les critiques faites par Martine Aubry des propositions patronales, il n’envisage toujours pas la moindre mesure concrète contre le recours au travail précaire, au moment où il explose.

En fait tous en admettent le principe, ne discutant que le volume et les conditions, se plaçant ainsi sur le terrain de la discussion avec le MEDEF qui veut la précarité totale.

Charles PAZ


[1Italiques : extraits patronaux de la note du MEDEF du 28 mars 2000 intitulée « groupe de travail Précarité nouveaux contrats »

Mots-clés Code du travail , Medef , Politique