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Sortir de l’euro : la tentation nationaliste

mardi 6 octobre 2015

La sortie de l’euro est de plus en plus mise en avant en Grèce, mais aussi en France, par une partie de la gauche réformiste et une partie de l’extrême gauche révolutionnaire (le POI et même certains courants du NPA).

Le Parti de gauche de Mélenchon ou l’Unité populaire en Grèce se réfèrent souvent à l’Argentine comme « modèle » d’une telle transition réussie. Pour qui connaît la situation actuelle des travailleurs dans l’Argentine de Kirchner, il y a de quoi s’inquiéter ! La bourgeoisie argentine a en effet choisi en 2001 de sortir de la zone dollar pour dévaluer le peso et relancer les exportations. Soit dit en passant, la relance des exportations, l’argument clé des pro-sortie de l’euro, non seulement n’a rien d’anticapitaliste mais est assez paradoxal pour des protectionnistes : Mélenchon appelle de ses vœux une relance des exportations grecques... qu’il se dépêcherait de bloquer aux frontières de la France au nom du protectionnisme ? Mais qui dit dévaluation, dit inflation : à la fin des années 2000, les indices de pauvreté étaient au plus haut. La souffrance a été énorme, aussi grande que les profits des capitalistes. La sortie de la crise argentine s’est faite sur le dos des travailleurs.

L’Institut de Kiel pour l’économie mondiale, a présenté ainsi, en juillet, les avantages d’un « Grexit » : « De cette manière le gouvernement grec imposerait un programme d’austérité général (dans le sens d’un renoncement à la consommation) puisque les pertes de salaire réel se produiraient suite à l’augmentation des prix au lieu de la baisse des salaires nominaux. »

Les deux termes de l’alternative « mémorandum ou sortie de l’euro » reviennent à faire payer la crise dite de la dette aux travailleurs, soit par l’austérité, soit par l’inflation. Le problème n’est pas d’opposer les drachmes ou les francs aux euros mais d’inverser le rapport de forces et faire payer sa crise à la bourgeoisie.

En outre, la sortie de l’euro, et donc le retour aux monnaies nationales, fait depuis longtemps partie de la panoplie de la démagogie de l’extrême droite nationaliste. Ceux qui, à l’extrême gauche, la reprennent à leur compte, prennent le risque de se mélanger avec les pires adversaires de la classe ouvrière et de contribuer à diffuser des idées nationalistes. [1]


Extrait d’un article de Michel Husson, La « bonne drachme » ? Modeste contribution au débat sur la Grèce, 27 juillet 2015 [2]

« La sortie de l’euro est presque toujours présentée comme une sorte de baguette magique permettant d’échapper à la domination du capitalisme financier, ainsi qu’aux contradictions internes entre capital et travail. Comme si la sortie de l’euro équivalait à la sortie des politiques néo-libérales. Les grandes firmes et les riches Grecs vont-ils par miracle cesser leur évasion fiscale à grande échelle ? Les armateurs grecs vont-ils par miracle accepter de financer les retraites ?

Cette fixation sur la question de la monnaie est donc dangereuse dans la mesure où elle fait passer au second rang toute une série d’enjeux qui ont à voir avec des rapports de classes qui ne s’arrêtent pas aux frontières. La Grèce n’est pas une « nation prolétaire » soumise au joug de l’euro, c’est une formation sociale structurée par des rapports de classe. Le total cumulé des fuites de capitaux depuis 10 ans est du même ordre de grandeur que le total de la dette grecque, cela n’a rien à voir avec l’euro et le retour à la drachme n’y changerait rien. Il permettrait même aux évadés fiscaux de rapatrier une partie de leurs capitaux en réalisant une plus-value proportionnelle au taux de dévaluation. »


[1Sur cette question de la sortie de l’euro, voir Sortir de l’euro ou sortir du capitalisme, Convergences révolutionnaires n° 82, juillet-août 2012.

[2Michel Husson est un économiste, militant altermondialiste, membre du Conseil scientifique d’Attac. L’intégralité de cet article est disponible à l’adresse suivante : http://alencontre.org/europe/grece/...

Mots-clés euro , Europe , Monde
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