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Contre Hollande et Pépy, les cheminots ont montré les dents !

mercredi 24 septembre 2014

Trois mois déjà nous séparent de la grève des cheminots de juin dernier, qui avait fait sensation car des dizaines de milliers de travailleurs à l’échelle nationale ont affronté la politique du gouvernement. Se sont coltinés aussi les députés de gauche, socialistes ou Front de gauche, bien peu frondeurs puisque chacun dans son style a contribué à faire passer une « réforme ferroviaire » scélérate : ni plus ni moins qu’un « pacte de compétitivité » pour 160 000 salariés. La grève appartient au passé. Nous la relatons au jour le jour dans ces colonnes. Mais tous les problèmes posés − sans parler des sanctions qui menacent 19 cheminots de Toulouse, et d’autres ailleurs dont à Clermont-Ferrand − demeurent et sont même aggravés par la légalisation par le parlement de futurs sales coups. Une nouvelle convention collective est à l’agenda de prochaines négociations entre patrons et directions syndicales. Les grévistes de juin n’oublient pas l’échéance et évoquent une deuxième manche : personne n’a désarmé et les leçons de la dernière grève devraient servir !

« Vive l’unité » ?

Seules les fédérations CGT, SUD-Rail et FO ont osé une grève reconductible. CFDT et UNSA ont fait d’emblée les toutous du gouvernement. CGT et SUD-Rail, de leur côté, pour faire reprendre le travail après des tractations secrètes avec les instances gouvernementales et ferroviaires, ont fait aux grévistes le coup de l’« unité ». Unité syndicale CGT-SUD, qui s’est accompagnée de l’unité politique aussi, à gauche, puisque les députés du Front de gauche (ceux du PS étaient évidemment d’emblée acquis au gouvernement) se sont prêtés allègrement au jeu d’un amendement salvateur du député PC Chassaigne, offrant une prétendue « sortie de crise »... et le vote de la réforme ! Car la grève, toute « reconductible » qu’elle ait été annoncée, avait été conçue pour ne durer que les quelques jours précédant les séances à l’Assemblée. C’était l’horizon politique. Un petit baroud d’honneur par lequel les appareils CGT et SUD-Rail montreraient leurs troupes et, ce faisant, les places et les postes convoités dans les structures des futurs établissements ferroviaires issus de la réforme ! Il y a belle lurette que les intérêts des bureaucraties syndicales ne sont pas superposables à ceux des travailleurs.

La situation ne l’aurait pas permis ?

Ce n’est pas non plus parce que des fédérations avaient lancé cette grève qu’elle leur appartenait. Il est d’abord à noter que la CGT et SUD-Rail ont été poussées au préavis de grève par la combativité des cheminots qui s’était exprimée spectaculairement lors de la journée du 22 mai. Ensuite, ce sont les grévistes eux-mêmes qui ont imprimé à la grève son caractère : massive, décidée, politique aussi car l’envie d’en découdre avec ce gouvernement et son accumulation de crasses anti-ouvrières était bel et bien là. La grève aurait pu et dû être davantage celle des grévistes, s’ils s’étaient donné des structures démocratiques de lutte − comités de grève ou coordinations. Seules quelques tentatives embryonnaires ont été faites. C’est pourtant un gage de réussite d’un mouvement que ceux qui le mènent le dirigent démocratiquement, et les militants combatifs et révolutionnaires (néanmoins militants syndicaux) doivent aller dans le sens de cette « auto-organisation ». Dans ce cas précis, il n’y avait pas lieu, avant de le tenter, de spéculer sur la situation ou la période, en se demandant si elle se prêterait ou non − et en soi ! − à un « débordement » des appareils syndicaux. À de très rares exceptions près, les appareils syndicaux ne sont débordés que par ceux qui s’en donnent les moyens. Et tous les efforts et expériences d’auto-organisation sont précieux pour le succès des luttes à venir.

Oui, tous ensemble

Malgré douze jours de grève et parfois plus, la réforme du ferroviaire (voir encadré) voulue par Pépy et Hollande a été adoptée par l’Assemblée. La grève n’a pas gagné. Mais son caractère massif, la participation notable de la jeune génération cheminote, les actions dynamiques sortant du cadre programmé par des responsables syndicaux se prenant pour de (mauvais !) moniteurs de colonies de vacances, les premières jonctions avec d’autres travailleurs soumis aux mêmes attaques, tout cela a fait craindre au gouvernement une « coagulation » (le mot est d’un ministre !) des mécontentements.

Oui, la contagion et la convergence possibles de luttes ont fait peur au gouvernement, même l’espace d’un week-end. Les appareils de la gauche syndicale et politique l’ont craint aussi (n’oublions pas qu’ils roulent pour le gouvernement) et ont anticipé, d’où le scénario écrit en commun qui visait à cibler une « réforme » qui masquait les vraies revendications (les cheminots avaient autant de mal que les autres à en comprendre les enjeux). Car, traduites en clair, les attaques contre les effectifs et les salaires qu’elle contenait auraient pu faire écho chez d’autres travailleurs soumis aux mêmes sales coups, et − pourquoi pas − les encourager à s’engager dans une lutte commune. Viser l’Assemblée n’était pas non plus en soi « politique ». Des mouvements de jeunes, dans le passé, voire les cheminots en 1995, ont su faire capoter ou remballer le vote de lois, avec quelque brio politique. Mais les directions syndicales qui ont appelé cette fois à la grève n’envisageaient même pas d’empêcher le vote de la réforme, juste de la faire amender dans leur seul intérêt.

Dans les grèves à venir et pour leur succès, oui, tout est vraiment à discuter par les travailleurs eux-mêmes : leurs revendications, leurs cibles, et leurs formes d’organisation démocratique.

Lucien ASTIER

Mots-clés Entreprises , Grève , SNCF