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La politique de l’extrême gauche au miroir des élections : esquisse d’un bilan

samedi 14 juin 2014

La montée électorale du FN et l’effondrement, toujours électoral, du PS et de la gauche, ont des raisons qui dépassent évidemment les responsabilités de l’extrême gauche. Depuis deux ans d’ailleurs, toutes tendances confondues, cette extrême gauche dénonce assez justement la principale d’entre ces raisons : la politique de la gauche au gouvernement, tout entière au service des capitalistes, à l’encontre des intérêts de la classe ouvrière et de la population.

Il n’empêche ! Le souffle du « choc » des résultats du scrutin n’épargne pas les révolutionnaires. Il ne faudrait pas qu’il les fasse vaciller davantage, et pousse un peu plus les uns et les autres dans certaines impasses qui leur sont familières.

Car si les résultats sont dus d’abord à des raisons qui ne dépendent pas d’elle, cela n’exonère pas l’extrême gauche du bilan des politiques menées ces dernières années. Et en particulier de comprendre pourquoi, des plus de 5 % et des cinq élus au Parlement européen obtenus par LCR et LO unies en 1999, ou des plus de 10 % atteints en ordre dispersé par LO, LCR et POI à la présidentielle de 2002... nous en sommes aux résultats minables d’aujourd’hui.

À moins de se contenter de noter, fatalistes, que l’histoire enseigne que les sentiments de l’électorat connaissent des fluctuations et des hauts et des bas – ce qui est vrai... surtout quand on n’a d’autre objectif que de justifier à tout prix sa propre politique. Sauf encore à s’excuser par le fait que le terrain électoral n’est pas notre terrain de prédilection – ce qui est vrai aussi... mais qui n’est invoqué qu’en cas de défaite.

Car, au-delà des sempiternels communiqués post-électoraux convenus pour se féliciter que le score n’ait pas été complètement nul, la question demeure : pourquoi une partie, très minoritaire mais tout de même non négligeable, de l’électorat ouvrier et populaire ne voit-elle plus de raisons de se déplacer aux urnes pour nous apporter son soutien (encore recueilli en 2007 et dans une ou deux élections qui ont suivi) et préfère-t-elle soit s’abstenir (majoritairement sans doute) soit voter pour d’autres partis ?

De cela, nous ne pouvons nous contenter d’incriminer les autres, et leurs politiques à l’exception des nôtres.

Alliance à tout prix, ou rupture franche ?

Les nôtres, c’est-à-dire la tendance à rechercher l’alliance, en particulier électorale, de tout ou partie de la gauche gouvernementale, au lieu d’une rupture politique franche et constante avec des gens et des partis qui ont été, sont et seront au service des classes possédantes. C’est certainement surtout vrai du NPA, comme le montre aujourd’hui encore ses avances constantes du côté du Front de gauche.

Mais cette maladie n’a pas toujours épargné LO. Faut-il rappeler, aux avant-dernières élections municipales, ses tentatives de se fondre dans les listes de gauche, PCF ou PS ? Ce que LO avait en partie réussi… au prix de ne plus faire alliance avec la LCR, et de s’engager à voter les budgets de cette gauche majoritaire dans un certain nombre de municipalités, au moins pendant deux ou trois ans. Jusqu’à ce que, Hollande parvenu à la présidence, cela devienne quand même insupportable aux élus LO eux-mêmes.

Concurrence de boutiques

Parmi les politiques que l’extrême gauche paie aujourd’hui, il y a aussi l’incapacité à dépasser les querelles de boutiquiers, même, ou surtout, quand ils ont les mêmes articles à proposer. Bien sûr, chaque organisation a ses raisons d’exister indépendamment, des objectifs immédiats et une stratégie de construction qui lui sont propres. Cela ne justifie pas de refuser de s’allier quand d’évidence ce serait possible.

En tout cas, cela ne l’a rapidement plus justifié aux yeux des électeurs : ainsi, dès 2002 et le refus de LO d’aller à la présidentielle avec la LCR, qui proposait de le faire derrière la candidature d’Arlette Laguiller et pratiquement sur le programme de LO, l’épisode qui a marqué le plus grand succès électoral de l’extrême gauche fut aussi le début de son déclin (toujours électoral).

Et dans ces toutes récentes élections, le refus a priori de LO de discuter, même de la possibilité de listes et d’un programme commun aux deux organisations (alors que les deux ont finalement fait campagne sur des axes semblables : refus du nationalisme et opposition radicale au gouvernement de gauche), tout comme la politique du NPA, tenant la balance égale entre LO et le Front de gauche, ne manifestaient-ils pas... la volonté de se servir de ces élections pour marquer des points sur l’autre ? Cette fois LO a « gagné », comme dans d’autres élections le NPA, à la dernière présidentielle par exemple. Mais dans un match de la dernière catégorie, qui, contrairement au foot, ne sert même pas à monter en catégorie supérieure. Ni à l’organisation « gagnante », ni à l’extrême gauche révolutionnaire tout entière.

Et sur le terrain de l’implantation et des luttes ?

Bien sûr, tout cela ne concerne que le niveau électoral et non celui, essentiel, de l’implantation dans la classe ouvrière et les couches populaires, et de l’intervention dans leurs luttes. Là, LO a su au moins conserver la plus grande partie de son implantation, qui avait finalement débouché sur les succès électoraux d’Arlette Laguiller dans les années 1990. Le NPA lui, s’est pour l’essentiel contenté de proclamer que cette implantation était sa priorité – des mots sans plus.

Des luttes, pourtant, il y en a eu dans cette période de crise. Certaines ont même eu des militants révolutionnaires à leur tête, en particulier de LO (de Continental à Citroën), ce qui correspond à l’implantation de cette organisation, parfois aussi du NPA (Ford, La Poste). Nulle part pourtant, les révolutionnaires n’ont su ou pu ouvrir une autre perspective que celle d’un conflit local. Certes la tâche était plus que difficile et la réussite jamais garantie. Mais pire, souvent, ils ne l’ont pas vraiment tenté, chez Citroën par exemple. Nulle part donc ces luttes n’ont surmonté leur handicap initial, celui de rester isolées, sans lien entre elles et finalement défaites les unes après les autres. Cette absence de victoire marquante du mouvement ouvrier constitue sans doute l’explication de fond de la désillusion actuelle des classes populaires, et en conséquence du succès de la démagogie du FN, comme des résultats électoraux et du creux actuels du mouvement révolutionnaire.

Stagnation des uns, affaiblissement notoire des autres. Pourtant l’extrême gauche conserve des forces militantes. Et retrouve une oreille dans les couches populaires pour peu qu’elle s’adresse vraiment à une partie d’entre elles dans les usines et les quartiers. On l’a encore vu dans les places très peu nombreuses où des militants ont eu une véritable activité systématique lors de ces dernières et brèves campagnes électorales.

Les différentes organisations ne quitteront sans doute pas sans peine et sans efforts les différentes ornières dans lesquelles elles se sont enfoncées. C’est pourtant à cette condition que le mouvement révolutionnaire pourra reprendre du poil de la bête. C’est dans cette direction que nous, Fraction L’Étincelle, entendons continuer à œuvrer. Et nous ne devrions pas être seuls.

31 mai 2014, Jacques MORAND

Mots-clés Elections , Extrême gauche , NPA , Politique
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