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Poutine, un « ennemi » qui vous veut du bien

samedi 8 mars 2014

Mi-février, Poutine recevait à Moscou le maréchal Sissi, l’homme fort de l’armée égyptienne qui a pris les rênes du pouvoir le 3 juillet dernier et compte se présenter à l’élection présidentielle. « C’est une décision très responsable, de s’investir d’une mission pour le peuple égyptien. Je vous souhaite, en mon nom et au nom du peuple russe, de réussir », l’a encouragé le président russe.

« Faut-il y voir un signe d’un nouveau climat de guerre froide ? », suggère une partie de la presse française. D’autant que cela s’ajoute au soutien que la Russie apporte au gouvernement syrien de Bachar El-Assad, commenté aussi comme une renaissance de cette vieille « guerre froide ». Sans parler, évidemment, des évènements d’Ukraine.

La réalité est plutôt qu’au-delà d’intérêts en partie concurrents, il y a surtout entre Russie, USA et Europe occidentale des intérêts communs et le même souci de maintenir l’ordre dans cette région chaude du Moyen-Orient, sur le dos des peuples.

Petites concurrences…

En ce qui concerne la Syrie, la Russie y garde encore bien des intérêts hérités de la période de l’URSS et de Assad-père : un marché pour ses armes et l’utilisation de la base syrienne de Tartous offrant à la flotte militaire russe un accès direct sur la Méditerranée, notamment.

En Égypte, c’est plutôt un genre de come-back : les négociations entre Poutine et Sissi ont porté sur des ventes d’équipements militaires. Comme au temps de Nasser où l’URSS équipait l’armée égyptienne, avant que le retournement d’alliance opéré en 1979 sous la présidence de Sadate, le successeur de Nasser, et l’ouverture économique massive aux capitaux américains ne fassent de l’Égypte l’un des pions des USA dans la région.

Mais si Moscou marche un peu en Égypte sur les pieds de Washington, les États-Unis n’ont visiblement pas les orteils trop sensibles. Le gouvernement américain s’est contenté de déclarer que, si Poutine n’a pas à décider de qui doit gouverner l’Égypte, les relations de cette dernière avec la Russie n’affectent pas ses propres intérêts : l’Égypte reste dépendante des USA. Et cela n’est en rien une affaire est-ouest, puisque c’est avec l’argent prêté par l’Arabie Saoudite, grand allié des USA, que le gouvernement égyptien entend acheter des armes aux Russes.

… et grande complicité

Plus que l’Égypte, c’est la crise syrienne qui a donné l’occasion à Poutine de s’afficher sur la scène diplomatique du Moyen-Orient. Cette fois, pas par quelques-uns de ces veto russes ou chinois qui auraient – dit-on – paralysé des tentatives de pression de l’ONU sur Assad. À l’inverse, le succès de Poutine a été d’offrir une porte de sortie à Obama, en septembre dernier, après que celui-ci avait inconsidérément menacé de partir en guerre contre El-Assad au prétexte que des armes chimiques auraient été utilisées dans la répression. Obama s’est empressé de saisir la perche russe, au grand dam de Hollande qu’on frustrait d’une guerre !

Le résultat est plus diplomatique que réel. À l’heure qu’il est, les armes chimiques seraient répertoriées et mises sous scellés par les experts de l’ONU. Mais leur destruction prend du retard, même si déjà quelques trusts en ont obtenu le marché et celui du retraitement des déchets, dont Véolia qui ne s’occupe pas que de l’eau de votre robinet.

Surtout, le pays n’est pas sorti de la guerre. Même les convois humanitaires y sont mitraillés ! Quant aux négociations entre gouvernement et opposition en Syrie, sous l’égide de l’ONU, elles viennent de tourner court.

Mais l’alliance est nouée entre les grandes puissances occidentales et la Russie ! Avec des nuances entre les alliés. Le gouvernement russe est plus gêné que les USA par la progression des mouvements islamistes radicaux au Moyen-Orient, à cause du danger de contagion dans les républiques caucasiennes de la fédération de Russie et dans les pays limitrophes (34 morts et une centaine de blessés dans les attentats des 29 et 30 décembre derniers dans la ville de Volgograd). C’est l’une des raisons du soutien russe à Assad et à Sissi. Les USA, de leur côté, sont le bec dans l’eau, d’abord en Syrie où ils ne trouvent pas de dictature de rechange à soutenir, suffisamment fiable pour eux, ensuite en Égypte où ils ont plutôt défendu une alliance au pouvoir entre armée et Frères musulmans… qui a capoté le 3 juillet dernier avec l’élimination des seconds par l’armée.

Au-delà de ces conflits d’intérêts et différences tactiques, les gouvernements de la Russie comme des puissances occidentales ont une préoccupation commune essentielle : non pas le sort des classes populaires mais une stabilité qui permettrait d’en finir avec les révolutions du monde arabe et de tenir les peuples de la région en main.

22 février 2014, Olivier BELIN

Mots-clés Monde , Russie