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Front national : bientôt « le premier parti bourgeois de France » ?

samedi 16 novembre 2013

Le Pen père avait depuis longtemps proclamé que son parti se tenait du côté « des petits, des sans-grades » et se situait « socialement à gauche ». Sa fille prétend accentuer ce profil et il n’en fallait pas plus pour que les médias, qui n’hésitent pas à qualifier à tort le FN de « premier parti ouvrier de France », glosent sur le « programme social » de l’extrême droite lepéniste.

Un « programme social »... pour le patronat !

Certes, la profession de foi de Marine Le Pen aux présidentielles de 2012 s’ouvrait sur la défense du « pouvoir d’achat ». Mais quel politicien, de droite ou de gauche, n’a pas alors prétendu en faire sa priorité ?

Sur le site Internet du FN, les mesures avancées dans la rubrique « projet », pourtant uniquement propagandistes, sont on ne peut plus éloignées de revendications ouvrières. Sous la catégorie « pouvoir d’achat », derrière l’objectif affiché de « revaloriser les petits salaires et les pensions », on ne trouve que des allègements d’impôts pour les entreprises et des propositions pour augmenter encore la flexibilité du marché du travail. Pour le reste, le FN suggère, comme les autres, d’attendre le retour de la « croissance » économique qui, comme par magie, inciterait le patronat à partager ses richesses...

Même musique à propos de la défense de l’emploi : des subventions au patronat – mais mieux distribuées promet le FN, un protectionnisme « intelligent » (affirmer l’inverse aurait été étonnant) pour éviter le « dumping social » et, bien sûr, la lutte contre « l’emploi de clandestins », c’est-à-dire contre les sans-papiers, la partie la plus exploitée de la classe ouvrière du pays. En somme, le programme dit social du FN ne se distingue absolument pas de celui de l’UMP, ni même de celui du PS.

Marine Le Pen s’est même déclarée favorable à l’extension du travail du dimanche, pour tous les salariés dont le patron est « indépendant, commerçant ou artisan ». Les bigots, qui pullulent au FN même « relooké », préfèrent les profits au sacro-saint repos dominical.

En partant des préoccupations largement partagées dans le monde du travail, sur les salaires et les licenciements, le FN égrène une liste de mesures favorables au patronat. C’est le tour de passe-passe favori des politiciens bourgeois de tous bords, qui consiste à renforcer les illusions sur l’existence d’intérêts communs à la bourgeoisie et la classe ouvrière. Le FN, autoproclamé « parti ouvrier », nie purement et simplement la lutte de classes.

Derrière le « programme social » affirmé par ses partisans, ou la « démagogie sociale » dénoncée par ses adversaires des autres partis bourgeois, le FN présente en fait un programme pro-patronal dont l’objectif n’est pas de gagner les couches populaires mais de convaincre la bourgeoisie qu’il sera capable de gérer ses affaires s’il arrivait au pouvoir.

L’alibi social pour la démagogie nationaliste et raciste

Car ce n’est pas avec un programme que le FN espère gagner les voix des classes populaires, et même d’une fraction de la classe ouvrière, dégoûtées par la politique du PS et de l’UMP. Mais par un positionnement verbalement contestataire, en n’hésitant pas à accommoder à sa rhétorique électorale toutes les colères populaires.

Ainsi le 29 octobre sur France Inter, Marine Le Pen prétendait offrir des solutions contre la vague de licenciements dans l’industrie agro-alimentaire en Bretagne. Il s’agirait d’arrêter le « dumping intra-européen » venu d’Espagne, d’Allemagne et d’Europe de l’Est « en fermant les frontières de manière intelligente », ainsi que de «  dévaluer l’euro d’environ 20 % pour rétablir la compétitivité de l’économie.  » « Comme Montebourg », lui fait remarquer l’animateur Patrick Cohen... Le parallèle est effectivement saisissant. Est-ce que cela fait de Marine Le Pen une « anti-libérale » ? Surtout pas, se défend-elle, «  je suis anti-ultra-libérale » !

Un raisonnement édulcoré, marqué par la recherche de respectabilité de la dirigeante du FN. Mais le fond des idées reste le même : détourner à chaque occasion les conflits de leur terrain de classe pour les ramener à des préoccupations nationalistes, anti-chômeurs et anti-immigrés. La politique des Le Pen, c’est l’affrontement entre salariés des abattoirs bretons, d’un côté ceux qui sont licenciés et de l’autre ceux qui ont pour l’instant conservé leur emploi.

Tout pour détourner l’attention des travailleurs de leur ennemi véritable, la bourgeoisie.

Raphaël PRESTON

Mots-clés Extrême droite , Front national , Politique
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