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Pour un service public universel… le socialisme

vendredi 1er juin 2001

En opposant les « services publics » au reste de l’économie, on veut distinguer des activités qui seraient absolument nécessaires au bon fonctionnement de la société, ou vitales pour la population, de celles qui pourraient obéir à la logique du profit privé.

Mais où doit passer la frontière ? Pourquoi, par exemple, appelle-t-on en France « services publics » les télécommunications. l’énergie, le rail, l’eau, l’école… et pas le logement ou l’alimentation ?

Ce sont les besoins de la bourgeoisie, plus que les rapports de force entre les classes, qui ont fait décréter que tel ou tel secteur devait être « public ». Mais les besoins de la société, et d’abord des travailleurs et des pauvres, sont bien différents ! N’est-ce pas en fait dans tous les domaines que la société souffre, et parfois crève, de la domination des capitaux privés ? Partout il y a conflit entre les besoins les plus élémentaires des hommes et les intérêts d’une poignée de propriétaires privés.

Se loger et se nourrir, une affaire privée ?

Les plus grands trusts du bâtiment ont leur siège en France, Bouygues en tête. Un chiffre d’affaires, des capacités technologiques et de production formidables, et des dizaines de milliers de SDF, des millions de mal-logés. Les rois du béton ne sont pas censés être au service du public.

Dans le monde, plus de 800 millions de personnes souffrent de sous-alimentation. La proportion d’affamés a beau avoir baissé dans les pays pauvres dans les 30 dernières années, ils y représentent encore au moins 20% de la population, 40% en Afrique. La production alimentaire mondiale, en aalories, a pourtant augmenté plus vite depuis 1960 que la population mondiale (+ 100% contre + 80%). Les disponibilités alimentaires par habitant ont augmenté de 15%.

Pourtant sur les écrans des télés succèdent aux images des famines africaines celles des terres européennes en jachère, des vaches laitières abattues, des stocks accumulés ou détruits, pour relever les cours. L’anarchie capitaliste ne peut être mieux résumée. On détruit des masses gigantesques d’aliments au nord, pour préserver la profitabilité des capitaux investis. Tant pis pour les insolvables, les non-clients du tiers ou du quart-monde. La bouffe, après tout, n’est pas service public. On peut à la rigueur laisser ça à la charité privée.

Et la santé ?

Le profit assassine aussi des millions de gens dans le monde, chaque année, en les privant du bénéfice du progrès médical… puisque celui-ci n’est pas service public et que les trusts évitent d’emblée de chercher ce qui ne leur rapportera rien ou de distribuer là où les malades n’ont pas d’argent [1].

36 millions de personnes sont malades du SIDA. 25,3 millions vivent en Afrique, 5,8 en Asie du sud et du sud-est. Des insolvables, des pauvres. Les 9/10es des malades sont donc au sud, les 9/10es des traitements au nord.

La maladie du sommeil tue 150 000 Africains chaque année. Le médicament qui la soigne, d’abord conçu et vendu à prix d’or par la firme américaine Merell Dow en 1985, fut presque aussitôt abandonné, pour cause de non-rentabilité. Depuis, le trust franco-allemand Hoechst Marion Roussel qui a racheté le groupe et donc la molécule, a également refusé de l’industrialiser, et l’a finalement cédée à l’OMS. Celle-ci, qui n’a pas les moyens de la produire, espère convaincre des mécènes, comme… Bill Gates, de la financer.

Face à des maladies en recrudescence comme le paludisme ou la tuberculose la recherche reste au point mort, parce que ce sont des maladies de pauvres. On compte 8 millions de personnes contaminées chaque année par la tuberculose. Parmi elles, selon Médecins Sans Frontières, seulement 400 000 patients solvables… Beaucoup de malades, peu de clients. Toutes les 10 secondes, 1 personne meurt donc de la tuberculose dans le monde. Quant au paludisme, il tue 900 000 personnes par an en Afrique… et plomberait même la « croissance » du continent de 1% chaque année, selon de savants calculs ! 50 millions de francs ont été investis cette année pour financer la recherche d’un vaccin. Bien moins que les revenus du moindre des PDG des géants privés de la pharmacie.

Au service du public et géré par le public

La production et distribution des aliments, la recherche médicale, ou même la construction des automobiles ou encore l’extraction du pétrole sont tout autant du domaine de l’intérêt public que la construction et l’entretien des routes.

En réalité, il n’y a pas plus de justification économique, sociale ou humaine à remettre à des intérêts individuels de la minorité de possesseurs de capitaux un secteur plutôt qu’un autre. Mais la raison de la mise en place d’un secteur public, loin d’être en fonction de l’intérêt de la population, a été la volonté d’utiliser les moyens étatiques, centralisés, à fonds collectifs, quand les patrons privés n’auraient pas réalisés ces investissements, notamment après la deuxième guerre mondiale. Du coup, le secteur « public » n’a pas été si public que cela. Il n’a cessé d’être au service du privé.

Ceux qui en ont souligné les défauts ont généralement omis de préciser qu’ils provenaient des objectifs et de la nature de l’Etat : le soutien à une minorité de profiteurs. Par ailleurs ceux qui défendent un vrai service public dans tel ou tel secteur, comme la santé ou l’éducation, doivent également comprendre que ce caractère public ne peut être assuré que dans un Etat qui serait au service du public et dans une économie qui le serait également.

Cela ne signifie nullement que tout devra y être géré par un pouvoir central omniprésent et omnipotent, ultra-bureaucratique incontrôlable. L’intérêt du public n’a rien d’opposé, dans la plupart des tâches, à la gestion par la population, au niveau des localités, des entreprises, des secteurs d’activité. Il s’oppose seulement à l’objectif de rentabilité pour une minorité.

Au contraire même, la mise au service du public de l’ensemble de l’activité sociale suppose l’intervention directe, à chaque fois que cela est nécessaire, des acteurs eux-mêmes qui doivent, autant que possible, être les décideurs. Le caractère de plus en plus technique de l’activité économique n’est absolument pas un obstacle pour que toute la population prenne les décisions la concernant. Les bourgeois, leurs décideurs économiques ou leurs représentants étatiques, ne sont pas eux non plus des spécialistes scientifiques et techniques. Ils savent prendre conseil mais décident en fonction de leurs intérêts. La population est tout aussi capable de prendre des avis autorisés avant de décider. Mais elle tranchera en fonction de considérations bien différentes des profiteurs et gestionnaires de la gabegie capitaliste.

La société mise au service du public ne signifie donc pas l’hypertrophie de l’Etat. Elle signifie un fonctionnement bien plus économique même s’il est moins fondé sur ce qu’on appelle aujourd’hui l’économie, c’est-à-dire des intérêts financiers, et plus fondé sur l’objectif humain et social.

Il y aurait donc de quoi constituer un merveilleux service public mondial de la santé. Après pourrait venir le tour des rois du béton, des multinationales du grain et du bétail, des géants de la distribution, des monopoles de l’eau. La première étape sera d’exproprier la bourgeoisie industrielle et financière, ses trusts, leur prendre leurs capitaux, leurs laboratoires et leurs usines, et les mettre au service de toute la société, en clair les réduire à des services publics justement.

Un grand service public que le mouvement ouvrier avait l’habitude, à une époque, d’appeler le socialisme ou le communisme.

Bernard RUDELLI


[1Ces groupes sont très concentrés. Ils sont immensément riches. Pour ne reprendre que l’exemple des trusts pharmaceutiques, les 2/3 du marché mondial des médicaments sont tenus par une vingtaine d’entre eux. L’année 2000 a été une année faste : 58 milliards de profits pour GlaxoSmithKline (+13%), 36,5 pour Roche (+50%), 7,58 pour Aventis (+63%), etc…

Mots-clés Politique , Service public