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Valls, à pas de Guéant ! Démagogie xénophobe et politique anti-Roms

mardi 9 octobre 2012

Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, a réussi, cet été, à se rendre aussi illustre dans l’abject que Sarkozy deux ans plus tôt : raids policiers au petit matin contre les Roms, destruction des camps et arrestation de « clandestins ». Conséquence : des dizaines de familles jetées à la rue de la manière la plus brutale, ou reconduites à la frontière, comme des parias. Et cette campagne anti-Roms a fait des émules : ce jeudi 27 septembre dans les quartiers nord de Marseille, des habitants ont mis le feu à un campement après avoir forcé les Roms qui l’habitaient à le quitter, en laissant leurs maigres biens derrière eux.

Expulsions et phrases chocs

En 2010, Sarkozy avait pointé du doigt les Roms et leur prétendue « criminalité ». En 2012, Valls justifie lui aussi les expulsions de campements « illicites » par la lutte contre les « activités délinquantes dont [certains Roms] tirent des profits réinvestis à l’étranger » [1]. Et, s’il explique que les Roms sont « des damnés de la terre, pourchassés dans leur pays », c’est pour mieux rejouer une vieille rengaine xénophobe (déjà utilisée par un Premier ministre socialiste…) : « La France ne peut pas accueillir toute la misère de l’Europe. » [2] Toute la misère ? Il ne s’agit pourtant que de 15 000 à 20 000 personnes, et la France est loin d’être submergée par l’immigration de Roms. Mais, pour Valls et consorts, c’est déjà trop. Et le gouvernement socialiste d’en expulser plus de 2 000 durant l’été. Expulsions pour le spectacle médiatique, puisque les expulsés reviennent pour la plupart, et que le nombre de Roms sur le territoire français ne diminue pas.

L’« humanisme » selon le gouvernement Hollande

Le gouvernement prend prétexte du problème « sanitaire » posé par les campements pour justifier leur démantèlement. Ces campements sont des lieux insalubres, où les familles roms vivent dans des conditions infectes. Mais, si ces messieurs du gouvernement s’en souciaient, ils trouveraient des solutions. Au contraire on expulse sans reloger, et on se vautre dans la démagogie et l’hypocrisie. Au mépris des Roms, qui aspirent à un vrai logement, avec sanitaires, tout comme les Algériens des bidonvilles dans les années 1960. Quant à « l’ouverture du marché du travail » aux Roms, c’est un écran de fumée. Les citoyens roumains et bulgares sont, depuis l’adhésion de leurs pays à l’Union européenne en 2007, des citoyens européens de seconde zone : ils ne peuvent circuler librement que dans la limite de trois mois ; au-delà, ils doivent être en possession d’un titre de séjour et d’un permis de travail. La circulaire du 26 août censée assouplir ces conditions ne sert qu’à faire diversion : la liste des métiers auxquels ils pourraient avoir accès n’est pas fournie et les autorisations de travail resteront soumises à l’arbitraire préfectoral [3]. Dans le contexte actuel, c’est surtout au chômage et à la précarité qu’ils auront accès, comme tant de travailleurs « français » !

Un problème européen ?

Valls cherche aussi à se défausser du problème en le rejetant sur les pays d’origine ou sur l’Union européenne [4]. La responsabilité des grands pays européens est pourtant immense.

Certes, les Roms, provenant pour la plupart de Roumanie, de Bulgarie et des Balkans, ont toute une histoire d’errances. Mais leur prétendu nomadisme a bon dos et ne sert qu’à justifier leur maintien dans la précarité. Les Roms, comme bien d’autres peuples de ces régions, ont subi l’éclatement de l’ancien bloc soviétique, en particulier la « libéralisation » et les guerres de Yougoslavie, aux désastreuses conséquences sociales. Par là-dessus sont arrivées différentes vagues de crise. Et si les Roms quittent les lieux où ils vivent c’est, comme bien d’autres, pour fuir la misère et les persécutions (couvertes par les autorités hongroises ou roumaines) : pogroms, maisons brûlées, agressions physiques, meurtres [5]. Ils fuient également les conséquences de l’austérité imposée depuis 2009-2010 par le FMI et les grands pays de l’UE, qui a paupérisé une grande partie de la population, en Roumanie notamment [6].

Et tout se passe comme si l’Union européenne regardait ailleurs : les sommes du Fonds social européen pour « l’insertion sociale » des Roms ne sont quasiment pas utilisées [7]. Quant aux « rapports » qui exposent les discriminations, la ségrégation et le racisme dont sont victimes les Roms, les Tsiganes, les « Gens du voyage », ce ne sont que des bouts de papier : rien n’est fait pour améliorer leur situation et les gouvernements européens – celui de France mené par les Guéant ou Valls en tête – continuent à accentuer leurs politiques répressives.

Le poison de la division

Il est évident qu’avec du travail, des logements, l’école pour les enfants, les Roms trouveraient leur place dans la société… si elle n’était fondée sur l’exploitation et l’exclusion. La politique anti-Roms du gouvernement n’est qu’une odieuse campagne de pub, mensongère et xénophobe, qui vise à faire diversion aux multiples problèmes sociaux, aux licenciements, au chômage, et qui ne pourra que renforcer les plus réactionnaires et l’extrême droite. Pour preuve supplémentaire : sur la question du droit de vote des étrangers (envisagé en haut lieu pour les seules municipales et qui ne coûterait rien !), le gouvernement socialiste chipote et rejoue le énième épisode d’un vieux feuilleton, bien sordide lui aussi.

Sacha CREPINI, 24 septembre 2012


[1Tribune de Manuel Valls dans Libération, 14 août 2012.

[2Interview de M. Valls sur BFMTV, 11 septembre 2012 : http://www.francetvinfo.fr/video-valls-la-france-ne-peut-pas-accueillir-toute-la-misere-de-l-europe_139415.html.

[4Valls le répète : le problème est côté roumain. Mais là encore, c’est pour la galerie : son voyage, fortement médiatisé, à Bucarest mi-septembre a débouché sur un accord dérisoire sur la « réinsertion » de... 80 familles.

[5J.-P. Liégeois, 2009, Roms et Tsiganes, La Découverte, p. 72-78.

[6Pour plus de détails sur l’austérité en Roumanie et les mobilisations de la population, voir : http://www.nouvelle-europe.eu/auste....

[7En Roumanie ou en Hongrie, par exemple, le racisme anti-Roms prévaut. À chaque épisode anti-Rom, on nous sert à nouveau la même histoire et des politiciens déplorent la non-utilisation des fonds. Dans l’intervalle, tout le monde continue de s’en laver les mains. Voir : http://ec.europa.eu/esf/main.jsp?ca....

Mots-clés Manuel Valls , Politique , Racisme , Roms