Convergences révolutionnaires

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Trois romans de Ludmila Oulitskaïa

mardi 3 juillet 2012

Ludmila Oulitskaïa est née en 1943. Dans les années 1980, elle est renvoyée de l’université (c’est une généticienne) pour détenir chez elle des poèmes de dissidents. Elle se consacre dès lors à la littérature. Un grand écrivain de facture classique, particulièrement attentive à la condition féminine (elle reçoit le prix Simone de Beauvoir en 2011), l’un des plus renommés parmi les romanciers apparus après la chute de l’URSS.

Beaucoup de ses nombreux romans et nouvelles sont traduits en français. Tout en recommandant chaudement la lecture de toute son œuvre, quelques mots sur trois d’entre eux :



Sonietchka

Collection Folio


Ce court roman d’une centaine de pages évoque le quotidien d’artistes et intellectuels des années 1930 à la fin de la période Brejnev. La vie de Sonietchka commence et finit dans la passion des livres et de la littérature, entrecoupée d’un amour partagé avec un artiste peintre sorti de cinq ans de camp mais pas encore de la relégation… Un amour qui vit et dépérit dans l’environnement de misère et d’oppression de la période stalinienne. Au détour d’une phrase, surgissent les images de la société et de l’histoire de cette terrible période. L’œil vif de Ludmila Oulitskaïa donne un ton souvent cocasse et ravageur au récit. Un petit bijou littéraire qui obtint le prix Médicis étranger 1996.



Sincèrement vôtre, Chourik

Collection Folio


Même milieu que « Sonietchka », même style, même verve pour une histoire qui se déroule cette fois de la fin des années 1970 à la première partie des années 1990. Ce roman de plus de 550 pages raconte la vie de Chourik, élevé par deux femmes lettrées et artistes lui ayant transmis leur connaissance des langues européennes, leur délicatesse et leur culture… et un grand pouvoir de séduction ! Le jeune homme ne résiste à aucune femme, jeune ou vieille, petite ou grande, belle ou laide. « Chez lui la pitié et le désir physique étaient logés au même endroit ».

Si les magasins sont vides, dans cette URSS précédant son éclatement, les tables sont quand même bien servies pour certains. On voit la richesse et la suffisance de la famille d’un dirigeant du parti à la tête d’une vaste région, mais aussi la misérable condition d’un « vieux bolchévik » dogmatique, ayant refusé tous les privilèges, s’escrimant à faire vivre l’esprit collectif dans son bloc d’habitation et méprisé de tous. La xénophobie à l’égard « des peuples allogènes », le racisme, y compris à l’encontre de ressortissants de « pays frères » comme Cuba, la mise à l’écart de certaines universités ou de certaines fonctions de ceux soupçonnés être d’origine juive, le bureaucratisme dans toute sa malfaisance, l’alcoolisme, tout cela transparaît dans ce roman.



Les pauvres parents

Collection Folio


C’est un recueil daté de 1990 de neuf nouvelles, chacune centrée sur un personnage. Qu’il s’agisse de laissés-pour-compte de la société de l’URSS ou de petits privilégiés du milieu intellectuel. Au-delà du sort personnel des personnages transparaît là encore la vie sociale d’une époque. Dans l’écriture de Ludmila Oulitskaïa, il y a à la fois du Tchékov, du Gogol et le meilleur de la littérature russe.

Louis GUILBERT

Mots-clés Culture , Livre , Russie