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Restructuration de la dette grecque : la Troïka au secours des banques

dimanche 25 mars 2012

Effacée, la dette grecque ? C’est ce que laissent entendre les premiers commentaires après l’acceptation « volontaire » des créanciers privés d’échanger leurs coupons contre des coupons dévalués, échange auquel la Grèce a procédé le lundi 12 mars. Rien que ce « volontariat » massif des créanciers privés (83,5 % d’entre eux) à accepter des « pertes » éveille les soupçons. Les chiffres du « plan de sauvetage » peuvent sembler faramineux : 107 milliards d’euros de réduction de la dette, 130 milliards d’aide de la « Troika » (UE, FMI, BCE) à la Grèce. Et, pourtant, on apprend que la Grèce qui avait 360 milliards d’euros de dette publique fin 2011 en aurait encore, si tout se passe comme prévu, 330 milliards fin 2012. Après « effacement » donc : il doit y avoir une sacrée arnaque sous le coup d’éponge !

Une annonce en trompe l’œil

Ces 360 milliards d’euros de la dette grecque étaient répartis de la façon suivante : 155 milliards détenus par le secteur international public (UE, FMI, BCE), 205 milliards partagés entre le secteur privé international (50 pour les banques et assureurs et 75 pour les fonds d’investissement) et le secteur privé grec (50 pour les banques grecques et 30 pour la sécurité sociale).

C’est donc uniquement la partie privée qui fait l’objet de la restructuration. Les créanciers privés reçoivent, en échange des titres de la dette grecque qu’ils détiennent, de nouveaux titres d’une valeur nominale inférieure de 53,5 % aux précédents.

53,5 % de perte, donc ? Ce n’est que le compte formel. Pour la réalité, regardons le détail. La banque, compagnie d’assurance ou fonds d’investissement qui détenait 100 euros de dette grecque (100 euros de « valeur nominale » c’est-à-dire la somme que l’État grec était censé lui rembourser dans plusieurs mois ou années, à l’échéance du prêt) reçoit en échange deux titres : d’une part, un nouveau bon de dette grecque de 31,5 euros d’une durée du prêt allongée (30 ans) et d’un taux relativement bas au début (mais grimpant de 2 % à 4,3 % plus tard) et d’autre part, une obligation de 15 euros émise par le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Soit un total nominal de 46,5 euros (les 53,5 % de baisse annoncés). Mais en ce qui concerne la seconde partie, les 15 euros, c’est presque du cash pour les prêteurs privés, puisqu’il s’agit d’obligations à très court terme dont le montant leur sera remboursé par le FESF pour moitié dans l’année, pour moitié dans deux ans.

« Volontaires »… pour éviter les pertes

Ajoutons à cela le caractère très relatif des « valeurs nominales » qui entrent en jeu dans ces calculs : depuis longtemps, les titres de la dette grecque ont été revendus à prix cassés entre les prêteurs privés. Si bien que beaucoup de ceux qui les détiennent aujourd’hui les ont acquis à un prix bien inférieur à leur valeur nominale, quand ce n’est pas, pour certains, à des prix plus bas que celui auquel on les leur échange aujourd’hui.

Et tous ces prêteurs privés pouvaient craindre un défaut de paiement de la Grèce qui leur ferait tout perdre. C’est la raison pour laquelle ils ont été 83,5% à accepter ce deal. Cela a même permis à la Grèce d’imposer l’échange aussi aux non-volontaires, au nom d’une « clause d’action collective » qui les oblige à s’aligner.

Annulation ou transfert de la dette ?

Mais l’opération ne s’arrête pas là. Car, si la dette grecque diminue fortement par le biais de sa restructuration, elle augmente par les nouveaux prêts octroyés. À commencer par les 30 milliards d’euros que le FESF va donc rembourser sur deux ans aux créanciers privés au titre de ces 15 euros pris à sa charge sous forme des prêts à court terme. Ce n’est pas cadeau : c’est la Grèce qui devra les rembourser ensuite au FESF. Le FMI, pour sa part, va prêter 50 milliards pour recapitaliser le secteur bancaire grec, etc.

En clair, l’opération permet de convertir une bonne partie de la dette grecque aux organismes privés en dette vis-à-vis des organismes publics, ceux de l’Union Européenne ou le FMI. Au solde, la dette vis-à-vis du secteur public international devrait atteindre 262 milliards d’euros, soit 107 de plus que fin 2011, tandis que celle vis-à-vis du secteur privé baissera à 67 milliards, soit 138 de moins.

Les banques se porteront mieux. La Grèce restera la tête sous l’eau, qui fera payer l’addition à son peuple. Selon le vieil adage du « privatiser les profits et socialiser les pertes ».

Merci la Troïka !

12 mars 2012

Arthur KLEIN

Mots-clés Europe , Monde