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Industrie chimique : Plans sociaux en cascade chez Arkema

dimanche 25 mars 2012

Depuis plus de quatre mois, les travailleurs d’Arkema – groupe français de l’industrie chimique – subissent une série d’attaques sur leurs emplois.

Première vague : le 9 novembre dernier, la direction annonce que la centaine de travailleurs de l’usine de Jarrie (Isère) bénéficiant de mesures d’âge liées à l’amiante pour partir à la retraite ne sera pas remplacée. La direction profite d’une réorganisation liée, d’après elle, à la mise en conformité du site au PPRT [1], nouveau sigle bureaucratique censé garantir la sécurité des riverains. Une « prévention des risques technologiques » qui passerait par la suppression d’un quart des effectifs de l’usine, on aura tout vu !

Deuxième vague : deux semaines plus tard, annonce du projet Amarante [2] (rebaptisé « À ma rente ! » par les salariés) pour le pôle vinylique de l’entreprise. Plus de 2 600 emplois sont menacés par ce projet de cession d’activité au fonds d’investissements de Gary Klesch [3], un « Tapie » chargé de la sale besogne des licenciements. Une opération financière louche, qui consiste en la vente d’usines, de bureaux, de milliers de salariés et d’une trésorerie positive de 96 millions d’euros… pour un euro.

Enfin, le 17 février, la direction dévoile le plan qu’elle a concocté pour les usines de Pierre-Bénite (Rhône) et de Saint-Auban (Alpes-de-Haute-Provence). Au programme : 25 emplois supprimés, l’augmentation de la production et une réorganisation à Pierre-Bénite. Ce serait prétendument une chance pour l’usine de Pierre-Bénite, puisque le plan comprend 70 millions d’investissements avec la construction d’un nouveau réacteur, ce qui renforcerait la « pérennité du site ». Pérenniser le site en commençant par supprimer des emplois ? À d’autres ! Produire plus avec moins de monde, ce n’est rien d’autre qu’exploiter plus ; d’autant qu’il s’agit de la production de PVDF [4], la poule aux œufs d’or d’Arkema.

Les réactions

Après le mouvement de grève qui a suivi l’annonce du projet Amarante, culminant à la manifestation centrale du 5 décembre devant (et dans !) le siège de l’entreprise à Colombes (Hauts-de-Seine), la mobilisation s’est poursuivie le 2 février. Au programme : grève et manifestations devant la préfecture de Lyon, les sous-préfectures de Digne et Istres. Cette fois-ci, rien de cassé, les CRS ont pu continuer à se la couler douce, contrairement à leurs collègues du 92 en décembre dernier.

Le 7 février, rassemblement devant l’usine de Saint-Fons (Rhône), des cars venant de tous les sites Arkema de France, et une ambiance chaleureuse malgré le froid. Jean-Luc Mélenchon est venu soutenir. Tant mieux, même si on se demande bien en quoi le « protectionnisme européen » et son petit arsenal de mesures anti-délocalisation nous auraient été d’une quelconque aide. Notre combat n’a pas grand-chose à voir avec les délocalisations ou le « made in France » : Arkema se débarrasse de l’ensemble du pôle vinylique, y compris les sites situés à l’étranger.

Nous nous battons avant tout contre un patron bien français qui s’en prend à nos emplois pour faire plus de profits ; en somme ce que subit la classe ouvrière depuis des années. Une situation si générale à notre classe que, pour la combattre, il faut, comme le dit Mélenchon (et d’autres), être « forts politiquement », mais avant tout pour obtenir l’interdiction des licenciements (et pas uniquement les « licenciements boursiers ») et que les travailleurs contrôlent les comptes des entreprises (notamment la comptabilité suspecte d’Arkema et de Klesch).

Du côté de Pierre-Bénite et de Saint-Auban, c’était la grève le 17 février contre le plan qui cible ces deux sites, avec un blocage de l’usine des Alpes. Blocage qui aurait provoqué la colère du DRH, la direction retirant son plan… et les investissements. Allons donc ! La ficelle est grosse, il s’agit tout simplement de rendre les grévistes (de Saint-Auban) responsables du « blocage » des investissements (à Pierre-Bénite), avant de proposer une nouvelle fois ce plan. Cette petite reculade nous laisse au moins le temps de nous préparer.

Pas de coup de bambou

La direction d’Arkema croit qu’elle va gagner par K.O. en nous ensevelissant de plans. (Elle ne fait d’ailleurs qu’accélérer le mouvement entamé il y a quelques années, quand Total s’était séparé de l’entreprise.)

Mais rien n’est moins sûr, et la réaction des travailleurs le montre. Les grosses ficelles de la direction sont trop usées.

Une chose est sûre, quand on nous attaque séparément, voire qu’on tente de nous opposer les uns aux autres, la meilleure réponse est collective. Aucun « plan industriel » ne peut remplacer la lutte de tous les travailleurs d’Arkema, qui ne mènent d’ailleurs pas un combat différent de celui de tous les travailleurs en lutte contre les licenciements, les suppressions de postes et leurs divers avatars. Car, comme le disait un gréviste de Pierre-Bénite en assemblée générale, « le problème n’est pas de convaincre le patron ». Le problème est d’être suffisamment fort pour le contraindre.

12 mars 2012

Maya PALENKE et Toni ROUVEL


Un repreneur de destruction massive : « Arkéma sort sa Kleschnikov [5] »


Les repreneurs, nouveaux sauveurs des usines ? C’est en tout cas ce que prétend François Hollande. Dur de faire avaler ça à Arkema ! Pour le coup, les licenciements et fermetures d’usines du pôle vinylique entrent par la petite porte... ouverte par le repreneur Gary Klesch. Un « liquidateur » au CV bien chargé.

Éric Besson, ministre de l’industrie, le décrit comme à la tête d’un « groupe familial ». Comme les familles mafieuses ? Cet affairiste du marché des private equity, le rachat d’entreprises, déclarait lui-même qu’il ne garde une entreprise que cinq ans au maximum [6].

Ce monsieur s’est illustré par la reprise du fabricant de chaussures Myrys en France : 180 licenciements à la clé. Autant de licenciements dans la fonderie Corus aux Pays-Bas, 80 licenciements après le rachat de la raffinerie de Heide en Allemagne.

En janvier dernier, une délégation de la CGT Arkema s’est rendue aux Pays-Bas pour rencontrer des salariés de la fonderie d’aluminium Zalco. Ces derniers leur ont raconté comment, après avoir imposé deux baisses de salaire successives, il a mis la clé sous la porte au bout de quatre ans, laissant 610 salariés sur le carreau. Ils leur ont raconté comment il se sert de divers tripatouillages, notamment en vendant puis louant le terrain, pour faire passer de l’argent depuis les comptes de Zalco vers ceux de Klesch.

Ce licencieur s’est dernièrement déclaré intéressé par les raffineries Petroplus à Petit-Couronne et Lyondell Basell à Berre. Rien de bien réjouissant pour ces travailleurs qui doivent déjà défendre leurs emplois. Ce capitaliste ne disait-il pas de lui-même qu’il intervient quand une entreprise veut « se couper jusqu’à l’os »  ?. Justement, il est tombé sur un os en Italie en 2009. Il fut chassé de là-bas par la lutte des travailleurs de la raffinerie de Livourne. Une expérience à ré-éditer !



[1Plan de Prévention des Risques Technologiques. Voir Convergences Révolutionnaires n° 78, « La législation à la remorque des catastrophes industrielles » et « Du côté de Feyzin : Raz(es) le bol ! ».

[2Voir Convergences Révolutionnaires n° 79, « Projet de cession du pôle Vinylique chez Arkema, ou la sous-traitance des licenciements dans la chimie » et « À Arkema, la réaction ne s’est pas fait attendre ».

[3Voir « Un repreneur de destruction massive », ci-dessus.

[4Le PVDF (polyfluorure de vinylidène) est utilisé pour la fabrication des films qui constituent la couche arrière des panneaux solaires.

[5Texte de banderole des manifestants

[6Interview du 30 juillet 2003 sur www.altassets.net

Mots-clés Arkema , Entreprises
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