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La présidence du FMI est-elle un véritable enjeu ?

mercredi 15 juin 2011

Une grande partie des médias et de la classe politique, droite et gauche confondues, après nous avoir vanté les extraordinaires mérites de Strauss-Kahn, présenté comme le sauveur de l’économie mondiale, font maintenant l’éloge des qualités non moins hors du commun qui seraient celles de la ministre Christine Lagarde. De leur côté, les pays dits « émergents » (Chine, Inde, Brésil, Russie, Mexique) mèneraient une offensive pour que cette présidence soit attribuée à un de leur représentant, pour signifier que leur rôle a changé sur l’échiquier mondial. Le choix du président du FMI représenterait-il donc un enjeu de la première importance ?

Un dollar = une voix

Il convient d’abord de souligner que le FMI fonctionne comme une sorte de société capitaliste anonyme, sous le contrôle de ses actionnaires. Si 187 pays sont adhérents du FMI, son conseil d’administration ne compte que 24 membres, représentant les plus gros investisseurs. Les droits de vote sont proportionnels aux quotes-parts, selon le principe un dollar = une voix.

Ainsi, les États-Unis viennent très largement en tête avec 16,79 % des droits de vote devant le Japon, l’Allemagne et la France, qui à eux trois atteignent à peine le même pourcentage. Suivent la Grande Bretagne, la Chine et l’Italie. Le président lui même ne dispose pas du droit de vote, mais peut bénéficier d’une certaine influence. Le choix d’un président chinois ou brésilien changerait-il la donne ? Voici ce qu’en dit l’économiste Georges Corm, ancien ministre de l’économie du Liban et aujourd’hui conseiller de banques centrales internationales :

« Les dirigeants de tous les pays ont fait les mêmes grandes écoles de commerce. Ils ont fréquenté les mêmes universités d’économie, celles où se trouve toute la littérature économique de la Banque mondiale, du FMI, de l’OMC. Ils se sont nourris des mêmes thèses libérales, des modèles savants où le marché est roi. (…) Ils participent dans leurs pays à une structuration économique et sociale en accord avec les règles de l’ouverture économique et financière. (…) 80 % des jeunes recrutés par ces organismes sortent des mêmes moules. Ils sont dans le même univers mental. Tout le reste n’est que bavardage » [1].

Bref, tous les hauts fonctionnaires du FMI, quelle que soient leurs nationalités, appartiennent au personnel économico-politique de la bourgeoisie. Tout écart de conduite (économique !) est donc a priori exclu. Un nouveau président aurait-il la volonté de mener une politique différente qu’il ne pourrait le faire qu’à la condition de disposer d’un appui suffisant dans le conseil d’administration. Les droits de vote accordés à des pays comme la Chine et le Brésil ont été un peu augmentés au cours de ces dernières années, mais les États-Unis disposent d’un véritable droit de veto. Si le pouvoir effectif du président du FMI est limité, un profil et un CV rassurants sont néanmoins requis. Un grand bourgeois comme Strauss-Kahn, ancien ministre de l’Économie, offrait toutes les garanties souhaitables et Christine Lagarde, ex-patronne d’un cabinet d’avocats d’affaires aux États-Unis, apparaît comme une candidate idéale, si l’on oublie la casserole Tapie…

Le changement dans la continuité : faire payer les peuples

À en croire les laudateurs « de gauche » de Strauss-Kahn, il aurait au moins un peu « humanisé » le FMI, réputé de longue date pour sa férocité d’usurier à l’encontre des pays emprunteurs. Il suffit pourtant de comparer, par exemple, la politique menée par les prédécesseurs de DSK à l’égard de l’Argentine, un des principaux pays emprunteurs, avec celle conduite par celui-ci à l’égard de la Grèce pour constater leur similitude.

La dette de l’Argentine ayant été multipliée par cinq entre 1976 et 1983, sous la dictature militaire, le FMI intervint en plaçant un de ses cadres à la tête de la banque centrale de ce pays. Il imposa aussitôt une politique de rigueur, poursuivie et même amplifiée après la chute de la dictature par Alfonsin et Menem. Sous la pression du FMI, des centaines de milliers de fonctionnaires furent licenciés, la flexibilité du travail accentuée, les impôts pour les hauts revenus furent diminués alors que la TVA passait de 14 % à 21 %. L’État bradait les entreprises nationalisées pour encaisser 40 milliards de dollars qui furent dilapidées en remboursement des intérêts ou s’évaporèrent dans les paradis fiscaux. Au point que Menem dut encore emprunter 39,7 milliards de dollars au FMI en 2000, à condition d’aggraver encore la politique d’austérité : les salaires des fonctionnaires baissèrent de 13 %. En 2001, la dette de l’Argentine atteignit ainsi le record de 150 milliards de dollars, ses seuls intérêts équivalant à 90 % du montant des exportations. À ce prix, l’Argentine fut considérée comme un des meilleurs élèves du FMI. Ce qui n’empêcha ce pays de connaître l’année suivante la plus grave crise économique de son histoire…

Les conditions faites à la Grèce

Voyons maintenant les assurances exigées par le FMI pour « venir en aide » à la Grèce. Les recettes sont rigoureusement les mêmes : austérité, réduction du nombre de fonctionnaires et baisse de leurs salaires qui ont déjà été amputés de 15 % en 2010, baisse des pensions et privatisation généralisée de l’économie qui ferait passer une bonne partie des entreprises d’État grecques, services publics et banques comprises, sous le contrôle de grandes banques internationales. Autrement dit, Strauss-Kahn a tout simplement préparé le dépeçage de ce pays et la diminution drastique du niveau de vie des travailleurs. On peut noter à ce propos que Christine Lagarde vient peut-être de renforcer ses chances d’être désignée en se prononçant catégoriquement non seulement contre toute réduction de la dette grecque, mais même contre son rééchelonnement envisagé par certains dirigeants européens comme Angela Merkel. On aurait tort d’en déduire que Merkel serait plus « humaine » que Lagarde ou DSK. Elle défend tout simplement les intérêts particuliers de l’impérialisme allemand et ses investissements en Grèce, qui pourraient souffrir d’un effondrement généralisé de l’économie.

Toutes les interventions du FMI, seul ou en coopération avec la Banque centrale européenne, ont été de même nature depuis la nomination de DSK : en Hongrie, Lettonie, Roumanie, Ukraine, Islande, Irlande, elle s’est accompagnée de pressions pour imposer des mesures d’austérité. Si le FMI prête aux États en difficulté, ce n’est bien évidemment pas pour épargner la misère à leur population. Il s’agit d’abord de permettre à ces États de continuer à financer les importations de biens en provenance des métropoles impérialistes en leur donnant les moyens de rembourser leurs emprunts aux banques étrangères – et les nouveaux crédits suffisent parfois à peine à couvrir le paiement des intérêts dus ! Quant aux importations en question, une forte proportion est composée de matériels militaires et de produits de luxe destinés à la bourgeoisie locale… Enfin, pour le FMI, il s’agit ensuite de tenter d’éviter une faillite complète et l’effet domino qui pourrait s’ensuivre. Mais, comme l’a montré l’exemple de l’Argentine, cette politique, loin de sauver le système, peut mener à la catastrophe.

Georges RIVIERE


Le gendarme financier de l’impérialisme

Le Fonds monétaire international a été créé en 1944 lors d’une conférence des Nations unies à Bretton Woods (États-Unis). L’objectif officiel des 44 gouvernements représentés était de mettre sur pied un organisme capable de veiller à la stabilité du système financier international et d’éviter la répétition des guerres des monnaies des années 1930. Le FMI était donc chargé de surveiller et conseiller les économies nationales.

Le FMI n’a joué qu’un rôle mineur pendant les 25-30 premières années de son existence, mais les crises des années 1970-1980 ont incité les grands États, en particulier les États-Unis, à le doter de moyens financiers plus importants, donc de moyens de pression supplémentaires pour imposer leur politique économique aux pays en difficulté. Ce rôle s’est encore accru depuis la crise de 2007 et c’est pourquoi le FMI, qui réunit désormais 187 États, apparaît aujourd’hui sur le devant de la scène. Si, traditionnellement, le président du FMI est européen, alors que le président de la Banque Mondiale est américain, son vice-président et une grande partie de son encadrement sont aussi américains, de sorte que l‘influence des États-Unis est prépondérante dans tous les cas de figure. Notons que le président du FMI est un des hauts fonctionnaires les mieux payés du monde : 345 000 dollars par an auxquels s’ajoutent les menus avantages comme les appartements, véhicules de fonction et défraiements. Les frais de fonctionnement du FMI sont couverts par… les intérêts versés par les États emprunteurs.


[1Le nouveau gouvernement du monde. Georges Corm. Ed. La découverte (octobre 2010).

Mots-clés Finance , FMI , Monde
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