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Renault : des augmentations de salaire qui ne passent pas

jeudi 10 mars 2011

« La crise est dernière nous » . C’est fort de ce constat que Carlos Ghosn présentait le 11 février 2011 les résultats financiers de Renault. 3,49 milliards d’euros de bénéfice net en 2010. Un record en effet.

Interviewé le même jour sur RTL, le PDG de Renault et de Nissan ajoutait : « La crise que nous avons connue dans le monde automobile, qui s’est déclenchée en 2008 et qui a atteint son apogée au premier semestre de l’année 2009, est derrière nous. Aujourd’hui, les systèmes financiers fonctionnent bien, la confiance est revenue ; la plupart des marchés automobiles sont en croissance et ils vont continuer de l’être. L’année 2010 a été une année record sur le plan de la construction automobile : 70 millions de voitures vendues dans le monde en 2010, record absolu. Et nous prévoyons une autre année record en 2011 avec pratiquement plus de 74 millions de voitures vendues. »

Des miettes, mais pas pour tout le monde

Au même moment, un peu plus loin au siège de Renault à Boulogne-Billancourt où avait lieu la seconde et dernière réunion de négociation sur les salaires [1], ce n’était pas du tout le même discours. La direction centrale invoquait un « coût du travail [2] » trop élevé en France par rapport à l’Allemagne, un contexte incertain en 2011… Bref : pas question de faire des folies en matière salariale.

Résultat : ces pseudo-négociations accouchaient d’un maigre 1,7 % d’augmentation générale des salaires (AGS) pour les ouvriers et les techniciens [3] avec un plancher de 28 € brut. Des miettes à peine agrémentées par une moyenne de 1,1% d’augmentation individuelle (AI) et de 0,2 % d’augmentation des primes d’ancienneté. Ce qui permettait à Renault d’annoncer un total de 3 % d’augmentation de salaire en 2011.

Pas un mot par contre des mesures salariales pour les ingénieurs et cadres, qui représentent tout de même 29 % des 36 000 salariés de Renault sas [4]. La direction joue à fond la carte de l’individualisation pour les cadres, et voudrait en faire de même pour l’ensemble des salariés, préférant la discussion individuelle au rapport de force collectif.

C’est pourquoi elle refuse de communiquer les plans de promotion des cadres et des techniciens. Et pour cause, ces plans fixent des quotas qui montrent de fortes inégalités : 54 % des techniciens n’auront pas d’augmentation individuelle en 2011 et devront se contenter des AGS, 20 % des cadres auront 0 ou 1,5 % d’augmentation individuelle, soit moins que les AGS... À l’autre bout : 10 % des cadres toucheront une prime de 13 % de leur rémunération annuelle. Et la direction cache toujours le montant des primes individuelles versées chaque année aux cadres dirigeants et qui ont fait scandale en 2010 [5]. Nul doute que celles-ci dépasseront largement les 13 %.

Après les négociations, les débrayages continuent

Ces annonces ont suscité un fort mécontentement parmi les salariés. Jusqu’à 600 salariés ont participé à plusieurs rassemblements et débrayages sur les salaires au Technocentre Renault à Guyancourt, un site dans les Yvelines qui compte 10 000 salariés Renault. Deux cents salariés en moyenne sur 1 700 ont débrayé plusieurs fois au Centre Technique de Lardy dans l’Essonne. 300 sur 2 000 au Mans. D’autres actions ont lieu également à Rueil (Hauts-de-Seine), Villiers-Saint-Frédéric (Yvelines), etc. Ce sont des minorités, certes, mais qui n’en démordent pas.

Car, pour la direction de Renault, les négociations sont terminées depuis le 11 février. Vraiment ? Les salariés ne manqueront certainement pas de rappeler à celle-ci, qui a tant à cœur de comparer les salaires allemands et français, qu’Audi vient de décider le versement d’une prime moyenne de 6 500 euros à ses 42 500 salariés en Allemagne. Une prime qui lui coûtera 276,8 millions d’euros.

276 millions ? C’est plus que ce que couterait par an une augmentation du salaire de base de 300 euros net pour les 36 000 salariés de Renault sas, cotisations salariales et patronales comprises. Sur 3,49 milliards de bénéfices, c’est du domaine du possible.

5 mars 2011

Gilles SEGUIN


[1Chaque année dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales, l’employeur a l’obligation de négocier sur un certain nombre de sujets, dont les salaires. C’est ce qu’on appelle les Négociations Annuelles Obligatoires (NAO).

[2Alors que seul le travail créé de la valeur, pour le patronat le travail est surtout un coût. Celui-ci le mesure en ajoutant au montant des salaires, toutes les cotisations sociales (les « charges » dans le langage patronal) et les impôts associés.

[3À Renault, les ouvriers s’appellent des APR (Agent de Production Renault) et les techniciens des ETAM (Employé, Technicien, Agent de Maitrise).

[4Renault sas, c’est-à-dire les sites Renault en France (sans les filiales) comptent 33,5 % d’ouvriers, 37,5 % de techniciens et 29 % d’ingénieurs et cadres.

[5En mars 2010, une fuite a permis de savoir qu’une prime de 9% en moyenne de la rémunération annuelle était versée aux cadres dirigeant, alors qu’au même moment la direction octroyait 0,7% d’AGS au reste des salariés.

Mots-clés Entreprises , Renault
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