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Maladies tropicales :c’est bien la loi du profit qui tue !

samedi 22 septembre 2001

Chaque année, près de 17 millions de personnes meurent dans le monde des suites d’une maladie infectieuse (un décès sur quatre). 97% surviennent dans les pays en voie de développement. Seulement 8% des dépenses pharmaceutiques sont consacrées à ces pays qui représentent la grande majorité de la population mondiale. L’association « Médecins Sans Frontières » estime ainsi qu’un tiers de la population mondiale n’a pas accès aux médicaments essentiels. De nombreux décès pourraient être évités : des vaccins ou des traitements efficaces existent pour traiter certaines de ces maladies. Plusieurs raisons expliquent leur prolifération et les ravages qu’elles causent.

Des budgets de santé exsangues

L’accès aux traitements existants est rendu très difficile par la pauvreté des infrastructures, aggravée par les politiques dites « d’ajustement structurel » imposées par le FMI, la Banque Mondiale qui imposent une diminution des budgets de santé qui peut atteindre 25% de sommes déjà insuffisantes.

Par exemple la lutte contre le paludisme (la malaria) nécessite simultanément assèchement des marais, pulvérisation des maisons et traitement des personnes infectées. Ce traitement global a permis d’éliminer la maladie dans de nombreux pays : Etats-Unis en 1955, Europe en 1975. Le continent le plus touché, l’Afrique, n’a jamais pu financer un plan de cette ampleur, il en est aujourd’hui totalement incapable. Il y a une résurgence du paludisme et depuis 1970 le nombre de cas a doublé dans le monde. Aujourd’hui cette maladie, évitable et curable, touche 500 millions de personnes chaque année.

Ailleurs, en Russie et en Europe centrale et orientale les restrictions budgétaires qui ont gravement détérioré les services de santé sont en grande partie responsables de la réapparition de maladies comme la diphtérie et la tuberculose.

Des médicaments déclarés non rentables disparaissent

Mais on ne trouve pas toujours sur le marché des médicaments efficaces. L’industrie pharmaceutique a parfois abandonné leur production. Entre 1935 et 1970, pour répondre aux intérêts militaires et coloniaux de l’impérialisme cette industrie a montré son efficacité dans la lutte contre les maladies tropicales. Pour les trusts capitalistes, un médicament est commercialisé quand il permet des bénéfices substantiels. Les économies exsangues des pays en voie de développement n’offrent plus un marché solvable. En conséquence, des médicaments efficaces dans le traitement des maladies tropicales qui n’affectent pas les pays riches disparaissent du marché.

Ne sont ainsi plus fabriqués depuis 1995 :
— le chloramphénicol huileux, efficace contre la méningite,
— l’eflornitine, traitement sûr et efficace contre la maladie du sommeil.

Cette dernière maladie, mortelle quand elle n’est pas soignée avait presque été éradiquée. L’arrêt des programmes de lutte, les guerres et les exodes qui en proviennent ont favorisé une nouvelle propagation de la maladie dès les années 1970. « Médecins sans frontières » estime qu’elle fait 500 000 morts chaque année. Le seul traitement disponible suite à l’arrêt de fabrication de l’eflornithine, est vieux de 50 ans, contient de l’arsenic, est inopérant dans 30% des cas, mortel une fois sur 20 !

Des associations se sont mobilisées pour la reprise de la production de l’eflornithine. En mai 2001 l’OMS a signé avec plusieurs trusts pharmaceutiques dont Aventis et Bristol Meyer Squibb un accord pour cette relance. Des mauvais esprits ont constaté qu’elle a coïncidé avec le lancement d’un produit dépilatoire à base d’eflornithine. Qu’en aurait-il été pour les Africains si l’on avait pas découvert ce produit dépilatoire ?

Des recherches au point mort

Les maladies évoluent, des microbes deviennent résistants aux traitements habituels. C’est le cas du paludisme par exemple. La durée d’efficacité des médicaments avant que le microbe ne développe une nouvelle résistance est de plus en plus limitée. Il est essentiel que la recherche mette au point de nouvelles molécules pour remplacer celles qui sont de moins en moins efficaces.

Mais les trusts pharmaceutiques ne sont pas intéressés par ces recherches. Entre 1975 et 1997, 1223 nouveaux médicaments ont été mis sur le marché, 13 seulement concernent le traitement des maladies tropicales. Y compris quand une molécule est découverte, elle n’est pas obligatoirement mise sur le marché. La procédure réglementaire de lancement d’un nouveau médicament est longue et coûteuse. Bien souvent le laboratoire décide de ne pas le commercialiser, même si le médicament découvert est prometteur. Les trusts préfèrent accumuler les profits avec des traitements rentables dans les pays riches, contre l’obésité, la perte des cheveux, etc.. que de risquer de gagner peu ou pas avec ces traitements indispensables à la vie de millions de personnes.

Des traitements hors de prix

Enfin, même quand des trusts pharmaceutiques fabriquent des médicaments, c’est à des coûts inaccessibles à la majeure partie des malades.

Par exemple, la tuberculose tue 2 millions de personnes chaque année et le nombre de nouveaux cas a augmenté de 20% au cours des 10 dernières années. Elle a des formes résistantes aux traitements antérieurs. La recherche en a mis au point de nouveaux adaptés à l’évolution de la maladie. Ils coûtent jusqu’à 13 000 dollars par an et par patient ! Comme pour le sida, il a fallu l’intervention de producteurs de médicaments génériques pour voir chuter le prix de certains composants de ces traitements. Cette année le prix de la capréomycine a baissé de 96%. C’est dans ces circonstances qu’on mesure l’importance des profits accumulés par les trusts pharmaceutiques au prix de la mort de millions de personnes.

Charles PAZ

Mots-clés Industrie pharmaceutique , Santé , Société