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Editorial

Le vent révolutionnaire qui nous vient de Tunisie

samedi 29 janvier 2011

En quelques semaines, par leur mobilisation crescendo, nos frères et sœurs de Tunisie ont sacrément balayé sur leur passage. Exit Ben Ali, dictateur féroce installé depuis 23 ans, chef d’un clan « bling-bling » qui a bâti ses fortunes sur l’exploitation et l’oppression forcenées. Exit l’arrogance des nombreux amis de Ben Ali dans le monde et en France, de Sarkozy à Strauss-Kahn, en passant par Alliot-Marie et Frédéric Mitterrand, sans oublier les noms du capitalisme français qui font du fric là-bas. Quelques-uns bredouillent des regrets d’avoir joui de leur villa à Carthage sans entendre les voix d’opposants livrés aux tortionnaires.

Mais Ben Ali, c’est fini. En quelques semaines, la colère populaire a explosé contre un régime qui ne donnait ni pain ni travail ni liberté et promettait pire avec la crise. Une colère qui n’a cessé de grandir et s’enhardir, malgré 100 morts et d’innombrables blessés sous les balles.

Jusqu’à présent, avec une conscience et une audace qui forcent l’admiration de tous les travailleurs et pauvres du monde arabe mais aussi d’Europe, les révoltés de Tunisie refusent les replâtrages et grosses ficelles du camp d’en face. Leur révolution, ils l’ont faite mais surtout ils la poursuivent et ne lâchent pas leurs propres armes, leur propre force mobilisée et organisée, dans la rue, les quartiers et les entreprises.

La révolution, pas question de se la faire confisquer !

Ben Ali parti ? Certes mais il en reste d’autres ! À commencer par ce « gouvernement provisoire d’union nationale », loin d’être tout beau et tout nouveau ! Il est formé d’anciens ministres de Ben Ali aux postes clés, avec le même premier ministre ! Sous la pression populaire, trois bureaucrates de l’UGTT (syndicat unique acoquiné au pouvoir sous Ben Ali) qui s’étaient engouffrés au gouvernement en sont ressortis. Sous la pression populaire encore, le premier ministre a démissionné du RCD (le parti unique de Ben Ali), puis dissout le RCD. Sous la pression de la rue, toujours, qui en ce lundi soir malgré l’appel de l’armée à rentrer chez soi poursuit le siège du gouvernement, celui-ci parle d’un « remaniement ministériel imminent ».

Mais c’est la démission du gouvernement qu’exigent les manifestants. Des milliers de manifestants dont les rangs grossissent sous les fenêtres du Palais gouvernemental à Tunis, venus de tout le pays, bravent le couvre-feu et demandent son départ.

Ce n’est pas tout. Dans les quartiers, des comités de vigilance ou d’autodéfense se sont organisés, armes de fortune à la main, pour se protéger contre les exactions policières mais aussi pour parer aux urgences alimentaires. Dans un nombre croissant d’entreprises, dont des banques, des grands journaux ou chaînes de télé, des salariés se dressent ensemble, à l’initiative ou pas de militants locaux de l’UGTT, pour faire déguerpir les PDG liés à Ben Ali. Les travailleurs et les jeunes n’attendent pas que des droits démocratiques leur soient octroyés. Ils les prennent eux-mêmes. Ils installent des jalons pour leur propre pouvoir. C’est cela la révolution, venue de très profond et donc très large. Et ce n’est pas fini. Tandis que le gouvernement appelle au retour à une « vie normale », entre autres à la réouverture des écoles, les enseignants du primaire appellent à la grève !

Un petit événement symbolique : des librairies de Tunis étalent des livres hier interdits, devant des badauds ébahis. Mais ils coûtent 10 % des quelque 150 euros d’un Smic tunisien. Comme quoi les travailleurs et les jeunes, pour profiter de cette nouvelle liberté qu’ils viennent d’arracher, doivent imposer toutes leurs revendications : non seulement démocratiques mais économiques, de survie face au chômage et aux hausses de prix des carburants ou produits alimentaires de base. Et pour cela poursuivre dans la voie qu’ils ont spectaculairement empruntée, d’action et d’organisation sur leur terrain de classe. Souhaitons que les travailleurs de Tunisie qui ont derrière eux une riche tradition de luttes, même sous les pires dictatures, profitent de la liberté gagnée pour mettre en avant un programme d’urgence, tant sur le plan social que politique, pour tous les exploités et opprimés du pays, du monde arabe voire de l’Europe, auxquels exploiteurs et affameurs mènent la même guerre.

Pour l’heure en tout cas, la révolution tunisienne et sa contagion font que la peur change de camp.

Lundi 24 janvier 2011

Mots-clés Monde , Révolutions arabes , Tunisie
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