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Le rôle et la politique des confédérations syndicales

dimanche 5 décembre 2010

Le mouvement sur les retraites a été lancé, conduit, élargi de bout en bout par une intersyndicale nationale relativement soudée. De son lancement en juin dernier à sa reprise le 7 septembre, malgré les congés d’été, et jusqu’à son dernier souffle le 23 novembre dernier, les dirigeants des confédérations sont restés aux postes de commande.

Ils n’ont jamais proposé moins que ce que la majorité des travailleurs envisageaient et leur demandaient de faire (l’organisation d’une nouvelle journée d’action et de nouvelles manifestations) mais jamais plus non plus. Or après les manifestations des 12 et 19 octobre au moins, il était devenu clair, pour une bonne minorité [et pas seulement pour les militants d’extrême gauche qui expliquaient dès le début que pour gagner sur cette question des retraites on ne ferait pas l’economie d’une grève générale] que les manifestations répétées – qui s’étaient avérées utiles pour installer et élargir la mobilisation – ne suffiraient pas à faire reculer le gouvernement. Défendre auprès des travailleurs la nécessité d’étendre au plus vite les grèves pour aller vers une grève générale n’aurait pas suffi évidemment à rendre celle-ci effective mais avancer cette perspective, que les confédérations ont soigneneusement refusé d’évoquer à n’importe quelle étape du mouvement, aurait été une nécessité. Ne serait-ce que pour les prochains combats à venir. D’autant qu’un mouvement comme celui que nous venons de connaître est tout sauf figé et l’opinion ouvrière est susceptible d’évoluer très vite.

Faire la démonstration de leur capacité de mobilisation

Ayant accompagné ces dernières années tous les reculs demandés aux travailleurs par le patronat et les gouvernements, les syndicats ont vu leur audience s’amenuiser. Au point de ne même plus apparaître, aux yeux du patronat et du gouvernement, comme des intermédiaires indispensables pour imposer aux travailleurs une aggravation des conditions de vie et de travail. Et, de fait, gouvernement et patronat traitaient les organisations syndicales avec dédain depuis un certain temps (Cf. notre article sur la politique des Confédérations dans Convergences révolutionnaires 71).

Pour modifier cette situation, pour obtenir, non pas que le gouvernement recule effectivement sur les retraites, mais « renoue avec le dialogue social », les organisations syndicales avaient donc besoin de faire la démonstration qu’elles étaient toujours capables de mobiliser. Et elles s’en sont donné les moyens, faisant très exactement tout ce que les militants syndicaux les plus combatifs leur avaient reproché de ne pas faire en 2003, 2007, 2009 (quand leur stratégie se limitait à appeler à des « grèves saute-moutons » comme les qualifiaient les dirigeants syndicaux guadeloupéens par dérision) : organiser les manifestations dans le but de permettre aux travailleurs de se compter, ne jamais laisser une manifestation se disperser sans que l’étape suivante soit connue ou en tout cas annoncée très rapidement, n’écarter aucune possibilité pour la suite… Pour réussir à construire un mouvement à l’échelle nationale après des années passées à décourager de tels mouvements, pour retrouver du crédit, les directions syndicales ont dû laisser la bride sur le cou de leurs militants et même, dans les faits, s’appuyer sur les plus combatifs d’entre eux.

La seule chose que les confédérations n’ont pas faite, contrairement à ce qui s’était passé en Guadeloupe, est d’appeler à la grève générale et de commencer à jeter les bases de son organisation avec la minorité des travailleurs qui y aspiraient et y auraient été prêts. Mais elles ont commencé à organiser des grèves, en ont laissé d’autres se développer, pour bien montrer au patronat et au gouvernement qu’elles pouvaient très bien aller jusque-là. Et c’est parce que gouvernement et patronat ont, assez vite, envoyé les signaux signifiant que la leçon était bien comprise, en invitant pour commencer à négocier sur la pénibilité et l’emploi des jeunes, que les dirigeants syndicaux ont laissé, après le 19 novembre, le mouvement sans perspectives claires.

Retour aux négociations… sur les retraites complémentaires !

L’enjeu pour les millions de manifestants était le retrait de la réforme. Pour les dirigeants syndicaux, c’était surtout le retour aux négociations. À cet égard, on peut donc dire que les syndicats (sinon les travailleurs !) ont en partie gagné leur bras de fer avec le patronat et le gouvernement et que ceux-ci veilleront, désormais, à passer par eux pour tenter d’imposer aux travailleurs les sacrifices destinés à payer pour la crise qui semble bien être toujours devant nous. D’ores et déjà, les négociations ont commencé entre patronat et syndicats sur la réforme… des retraites complémentaires (cf. notre article Et maintenant le patronat s’attaque à nos retraites complémentaires) ! Négociations à propos desquelles, lors du dernier Comité confédéral national (CCN) de la CGT des 17 et 18 novembre, Thibault se félicitait de ce que les représentants patronaux s’efforcent de chercher le consensus.

À l’heure des bilans, du moins syndicaux, laissons pour une fois le mot de la fin à … Sarkozy, qui dans sa prestation télévisée du 16 novembre répliquait à Claire Chazal : « Hommage soit rendu aux forces syndicales dans notre pays, nous avons fait cette réforme considérable des retraites sans violence. (…) Les Français peuvent être fiers. Ils ont manifesté leur différence, leur inquiétude mais en se respectant les uns les autres. Et je ne partage pas votre avis. Les syndicats ont été responsables. (…) Woerth, à qui je veux rendre un hommage signalé, a eu 56 réunions avec les organisations syndicales, qui lui ont dit dès le départ : nous, nous n’assumerons pas l’impopularité de cette réforme. Et je les comprends. C’est au gouvernement de le faire. » Pour une fois, tout est dit, ou presque !

26 novembre 2010

Jean-Jacques FRANQUIER

Mots-clés Politique , Retraites , Syndicats
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