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Front de mobilisation pour les retraites, ou petit tremplin pour une gauche plurielle bis ?

samedi 29 mai 2010

L’intention était louable. Au-delà des régionales, le NPA avait annoncé une campagne du parti contre la réforme gouvernementale des retraites. Allait-on remobiliser les militants sur le terrain de la lutte de classe ? C’est là où ladite campagne se révèle aujourd’hui nettement plus problématique.

À l’origine, les revendications avancées par le NPA sur les retraites semblaient claires et nettes et même dûment déclinées à la fin du 4 pages de propagande. Pour résumer : droit à la retraite à 60 ans maximum (…) à 75 % du salaire brut, calculée sur les six meilleurs mois de salaire… Retour aux 37,5 annuités de cotisation… Abrogation de toutes les mesures depuis 1993 concernant la retraite Sécu et les régimes complémentaires… Pour plus de cotisations, augmentation de tous les salaires et revenus de 300 euros nets pour tous…. Et si en première page l’argumentaire en appelait à « l’urgence de la riposte unitaire », c’était en vue « d’une mobilisation d’ampleur qui devra aller jusqu’à la grève générale ».

Effectivement, il aurait été parfaitement souhaitable que le NPA mène une telle campagne, tout en la reliant d’ailleurs à la nécessité d’une même lutte d’ensemble sur les salaires et contre les licenciements, autant de volets des attaques anti-ouvrières actuelles, intimement liés. Juste et souhaitable que le parti mène cette campagne en son nom propre, avec ses moyens propres, tant sur les revendications que sur les objectifs de mobilisation. Quitte, ce faisant, à proposer l’unité d’action sur les mêmes objectifs aux autres organisations politiques ou syndicales.

Malheureusement, ce n’est pas ce qui s’est engagé. Le NPA a adopté une démarche inverse : « comités unitaires » avant tout et partout. Quid des revendications et des objectifs de mobilisation ? Ils passent au second plan. Y compris dans un bonne partie du matériel militant du NPA (tracts hebdos sur les retraites, TEAN, affiches, autocollants…) au point que certains militants s’en émeuvent. Y compris dans les déclarations et interviews d’Olivier Besancenot, qui se contente d’avancer « la retraite à 60 ans » en oubliant, entre autres, le retour aux 37,5 annuités. Car, comme il l’explique au journaliste du Parisien (numéro du 2 mai) : « Nous sommes donc partisans de la bataille unitaire la plus large (…) Si le PS a bel et bien arrêté son discours alterné sur la retraite un jour à 62 ans, un autre jour à 60 ans, alors oui, il n’y a aucune raison de ne pas lui tendre une main fraternelle. Le 6 mai à Paris, nous participerons avec Marie-George Buffet, Jean-Luc Mélenchon et Cécile Duflot à un premier meeting commun pour sauver la retraite à 60 ans. Martine Aubry est la bienvenue à nos côtés (…). »

Un meeting « citoyen »

Martine Aubry n’est pas venue, mais a dépêché néanmoins un secrétaire national du parti, tout aussi bienvenu. Une main fraternelle, donc, au représentant du PS, à Marie-George Buffet, Jean-Luc Mélenchon et Cécile Duflot et quelques autres, mais pour quoi faire et sur quoi ? Uniquement sur le vague « retraite à 60 ans » ? Et pour faire quoi ? Un gentil « débat citoyen » pour l’organisation d’un « referendum d’initiative populaire en septembre », comme l’ont préconisé les orateurs d’Attac et du Parti de gauche à ce fameux « meeting commun pour sauver la retraite à 60 ans » du 6 mars, à la Bellevilloise de Paris 20e ? Et fallait-il vraiment conclure, à la fin de ce même meeting, comme l’a fait Olivier Besancenot pour le NPA, que « lorsque la gauche parle d’une même voix pour dire ‘Pas touche à 60 ans’ je peux vous dire qu’on flippe à l’Elysée » ? D’une même voix ! Avec celle d’un Mélenchon (Parti de gauche) qui, histoire de donner le ton, commença son intervention par un très présidentiel « Mes chers compatriotes… », en enchaînant ensuite sur « l’arbitre entre le capital et le travail : la souveraineté populaire » et pour qui « l’unité des organisations et un référendum populaire » seraient « le moyen de faire intervenir le peuple dans cette affaire » ? D’une même voix avec Cécile Duflot (des Verts), qui à mots à peine couverts, faisait de ce rassemblement unitaire le prélude à une gauche plurielle bis ? D’une même voix avec le représentant du PS en la personne de Razzy Hammadi qui en appelait au rassemblement de la gauche, forte de ses propositions alternatives ? Avec Jean-Marie Harribey (d’Attac) qui souhaite « une levée en masse des citoyens (…) en vue d’un referendum sur les retraites » ? De quoi faire « flipper à l’Elysée », vraiment ! En tendant une main fraternelle à ce même PS qui considère la réforme des retraites comme inévitable et qui, aujourd’hui même, soutient les mesures d’austérité prises par le gouvernement socialiste grec, « qui a hérité d’une situation très difficile qu’il gère avec courage »

On sait bien, mais quand même…

Bien sûr, les camarades du NPA, y compris à la direction, ne sont pas totalement dupes. Ils constatent leur isolement dans ces comités. Ils savent, et le disent, que la plupart des forces politiques et syndicales refusent d’amener des perspectives en terme de mobilisation, que le PS, Verts et différentes formations du Front de Gauche n’envisagent qu’une campagne argumentaire qui fournirait les éléments pour un futur programme électoral 2012, qu’elles cherchent pour la plupart des dérivatifs à la mobilisation, et que pour cela, petit à petit, la question du référendum et de la votation citoyenne refait surface.

Mais voilà, il faut « un cadre de mobilisation » ! Et quel cadre a-t-on trouvé ? Celui de l’appel Copernic, celui-là même que la plupart des camarades du NPA considèrent comme « minimal », « sans plan de mobilisation », où l’on « se contente d’un simple discours idéologique qui ne suffit pas »… Bref, un cadre qui est tout ce qu’on veut, sauf précisément un moyen de mobilisation. Sans compter, on l’a vu avec le meeting de la Bellevilloise, qu’un tel cadre national a toutes les chances de confisquer ladite « mobilisation » au profit d’un futur programme électoral de la gauche « solidaire », puisque c’est désormais le nom que Martine Aubry lui confère.

Du coup, les camarades du NPA les plus impliqués dans le travail d’entreprise, en appellent à constituer non pas tant des « collectifs unitaires locaux », mais des comités de salariés, des collectifs unitaires d’entreprise, sur la base d’équipes syndicales de base, qui seraient de vrais points d’appui, tout en constatant que cela supposerait un affrontement avec les instances confédérales hostiles à une telle mobilisation.

La belle unanimité

L’ennui, c’est que la campagne du NPA telle qu’elle a été lancée, consiste à multiplier avant tout les collectifs unitaires locaux avec les autres « forces » politiques. Résultat, les seuls échos de cette campagne du NPA sur les retraites qui remontent, sont ceux de ces comités unitaires de différentes régions où ici l’on diffuse des tracts sur la base de l’appel Copernic, où là on lance un appel départemental sur la base… de l’appel national « exigences citoyennes », où là encore on se félicite que le comité, composé de représentants de 14 organisations, tourne assez bien, avec débats démocratiques et prises de décision à l’unanimité, sans qu’on sache d’ailleurs à quelle propagande a abouti cette « unanimité ».

À quand une véritable campagne d’extrême gauche ?

Alors, que faire ? En dehors « d’un cadre de mobilisation », et « de comités unitaires », point de salut ? Ah, cette passion pour de prétendus « cadres de mobilisation », qui servent avant tout d’estrade aux Mélenchon pour s’adresser à leurs « compatriotes »… Certes, il n’est pas à la portée du NPA de décréter la mobilisation ouvrière. Est-ce une raison pour se lier les mains politiquement dans « un cadre de mobilisation » qui n’est unitaire qu’au profit d’une gauche institutionnelle ?

Et si, tout simplement, le NPA, menait sa propre campagne ? Non sur le terrain de la citoyenneté, mais de la lutte de classe. En son nom propre. Avec ses propres forces militantes (puisque, comme le constatent bien des camarades, les militants du NPA sont d’ailleurs la principale force militante de ces « collectifs unitaires » locaux). Ce ne serait « qu’une » campagne de propagande ? Peut-être. Mais qui populariserait la nécessité d’une lutte d’ensemble et de la grève générale pour d’authentiques revendications ouvrières. Une propagande qui, à court ou moyen terme, dans un contexte de montée de la colère ouvrière, porterait pour le coup d’autres fruits unitaires. Cette lutte unitaire de la classe ouvrière, justement, que les travailleurs devront bien à un moment donné imposer aux confédérations syndicales et aux partis qui se disent de gauche.

Huguette CHEVIREAU

Mots-clés Extrême gauche , NPA , Politique , Retraites
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