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La bataille des retraites : Leurs comptes bidon

dimanche 11 avril 2010

Comme en 2003, à la veille de la réforme des retraites des fonctionnaires, le gouvernement bombarde de prévisions alarmistes sur la situation des régimes de retraites. En premier lieu le scénario catastrophe du « choc démographique », avec pour argument une équation simpliste : espérance de vie en hausse plus arrivée à l’âge de retraite des générations du baby-boom égalent explosion du montant des pensions à verser par les caisses de retraites. Ajoutez à cela le fait que le nombre d’actifs ne suit pas la cadence (le chômage y est pour beaucoup) et donc un rapport entre le nombre de cotisants et de retraités (entre les recettes et les dépenses) qui se dégrade. Conclusion : la fatale croissance du déficit est insoutenable. Scientifique, non ?

Le Conseil d’orientation des retraites (COR), sur les études duquel s’appuie le gouvernement, évalue à 10,7 milliards d’euros le déficit en 2010 pour la seule Caisse nationale d’assurance vieillesse, et imagine qu’il sera de 68 milliards en 2050. Cette projection à 2050 n’a aucun sens : où en sera le chômage, dans quelle crise serons-nous, quels bouleversements aurons-nous connu d’ici là ? Mais peu importe dès lors qu’il s’agit de montrer que la réforme est indispensable et qu’il faut prendre dans vos poches.

Travailler plus longtemps pour gagner moins

N’ayant semble-t-il pas, pour l’instant, l’intention de bouleverser totalement le système de retraites, et d’aller vers les systèmes dits « à points » (comme actuellement les retraites complémentaires) ou « notionnels » (dont la réforme suédoise serait le modèle, voir l’article ci-dessous), vantés par le rapport du COR, le gouvernement opte pour les trois autres remèdes préconisés : allonger la durée de cotisation donnant droit à une retraite complète, baisser le montant des pensions et augmenter celui des cotisations.

Allonger la durée de cotisations revient d’ailleurs automatiquement à baisser le montant des pensions, car il est évident que les salariés ne resteront pas en activité suffisamment longtemps. Même le COR souligne que le taux d’emploi des 55-64 ans était en France de 38 % en 2008. Les entreprises se débarrassent des salariés âgés et ce n’est pas le plan de Sarkozy sur l’emploi des « seniors » qui y changera quelque chose. Les précédentes réformes ont déjà mis en œuvre ces mêmes recettes et entraîné une baisse importante du montant de la retraite par rapport au dernier salaire en activité.

Le gouvernement vient de recevoir un nouvel appui du Parti socialiste : après les déclarations de Martine Aubry sur la retraite à 62 ans, mises sous le boisseau le temps de la campagne électorale, François Hollande récidive : il faudra « sans doute (...) augmenter la durée des cotisations » et s’engager à « revoir tous les cinq ans » les règles de calcul, dit-il.

Déficit ? Un serpent de mer bien commode

L’avantage du déficit est d’être un argument sans fin : il a déjà justifié le passage de 37,5 à 40 annuités de cotisation, puis à 41 annuités pour 2012.

Le COR lui-même note que le déficit des régimes complémentaires (-3,7 milliards pour les deux plus importants, Arcco et Argic) est simplement dû aux importantes provisions pour moins-value faites sur leurs réserves en 2008 à cause de la crise financière. Et ce serait aux salariés de payer la note !

C’est ce qu’on leur demande depuis des années. Car, de l’autre côté, les exonérations de cotisations dont bénéficient les patrons représentent pour la Sécurité sociale, dont la caisse d’assurance vieillesse représente environ un tiers du budget, un manque à gagner d’une bonne trentaine de milliards d’euros (30,7 milliards pour l’année 2008). L’État n’en compense qu’une partie... avec l’argent du contribuable, bien sûr. Sans compter les autres cadeaux qui sont faits aux entreprises et aux riches : crédits d’impôt, niches fiscales et autres ont privé l’État de 70 milliards d’euros de recettes en 2009. Tous les gouvernements successifs ont poursuivi cette politique depuis des décennies, au nom de la compétitivité économique, sans que son efficacité ne soit jamais prouvée, même selon les dires de la Cour des comptes. Et il n’y aurait pas d’argent pour les retraites, ni pour la santé, ni pour l’éducation ?

Chômage, salaires, retraites, un même combat

Outre les exonérations, les principales causes du déficit des caisses de retraite sont la baisse des salaires, qui réduit d’autant le montant des cotisations, et le chômage. « Un million d’emplois en plus, c’est cinq milliards d’euros de rentrées de cotisations supplémentaires pour les retraites », estime la CGT.

Car ce fameux déficit des caisses de retraites, au nom duquel on veut nous imposer une nouvelle augmentation des années de travail (pour ceux qu’on ne licenciera pas avant l’âge) et une baisse du montant des retraites, est étroitement lié à l’offensive menée par le patronat pour réduire le coût de la masse salariale et accroître ses profits, en compressant les effectifs, en baissant les salaires, en payant de moins en moins de cotisations sociales.

La nouvelle attaque qui se prépare contre les retraites fait partie des attaques générales contre le monde du travail : licenciements, baisse du coût de la force de travail. Du ras-le-bol contre les licenciements, contre les salaires ou contre l’amputation des retraites, d’où viendra l’étincelle ? De tout à la fois, peut-être.

Marc OUSSIS

Mots-clés Politique , Retraites
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