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De la Bourse du Travail à la rue Baudelique

lundi 30 novembre 2009

Le 24 juin 2009 des militants de la CGT expulsaient physiquement de la Bourse du Travail de Paris des sans papiers qui occupaient une partie des locaux depuis 14 mois. Épisode catastrophique : le service d’ordre de la CGT aux prises, manu militari, avec des sans papiers. Des voix se sont élevées au sein même du syndicat. Colère ou pour le moins trouble chez un certain nombre de travailleurs, y compris sans papiers, ne comprenant pas ce que voulait la CGT, d’un côté organisant des grèves pour la régularisation de travailleurs sans papiers, de l’autre jouant du muscle contre certains.

Certes, il y avait un fort passif.

Lors de la vague de grèves lancée en 2008 par la CGT, des collectifs de sans papiers regroupés dans la CSP 75 (Coordination des sans papiers 75), tentèrent un dépôt collectif de dossiers à la préfecture de Paris. Celle-ci les envoya paître, en leur affirmant qu’elle ne recevrait que des dossiers CGT… Grossière ficelle des autorités, pour diviser ! La CSP 75 tomba manifestement dans le panneau, se retourna contre la CGT et occupa ses locaux de la Bourse du Travail de Paris (dans des conditions matérielles bien difficiles). Et d’argumenter virulemment contre la CGT (y compris l’équipe CGT engagée dans la grève des sans papiers), et de l’accuser de négocier l’immigration choisie avec le ministère, de privilégier « ses » sans papiers et de tourner le dos à l’objectif des papiers pour tous. Les responsables de la CSP 75 s’appuyaient aussi sur le prétendu refus de militants de la CGT et de « Droits Devant !! » de prendre en charge de nouveaux dossiers, au-delà des milliers dont ils s’occupaient déjà avec peine. La CGT avait toutefois aidé à ce que la préfecture reçoive des dossiers CSP 75.

Derrière ces objections, il y avait le refus de la CSP 75 d’offrir, dans le cadre de cette grève, une perspective de régularisation aux quelque 1 000 à 2 000 sans papiers qui lui avaient confié leurs intérêts. Hostilité au recours à la grève ? Hostilité à la CGT ressentie comme concurrente parce qu’en appelant à ces grèves spectaculaires, elle remettait la question des sans papiers sur la place publique et reprenait le flambeau de la lutte difficile pour leur régularisation ? Ou les deux ? À coup sûr, les occupants de la Bourse du Travail se trompaient de cible.

La CSP 75 et différents collectifs en ont trouvé une bien meilleure, en occupant après leur expulsion des locaux désaffectés de la CPAM, rue Baudelique, dans le 18e arrondissement de Paris. Un objectif symbolique, puisque la Sécurité sociale se livre au racket scandaleux de collecter des milliards d’euros de cotisations de travailleurs sans papiers sans rien leur verser en retour. La CSP 75 et d’autres collectifs ont inauguré dans ces locaux un « Ministère de la régularisation de tous les sans papiers ». Ils y regroupent des centaines, peut-être plus d’un millier, de sans papiers désireux de lutter. Mais comment ? Force est de reconnaître que, quels qu’aient été les moyens de lutte, hier et aujourd’hui, aucun mouvement ni aucune association ou collectif n’a réussi à faire régulariser autrement qu’au « cas par cas », « dossier par dossier ». Même ceux – et fort heureusement ils existent aussi dans le milieu syndical combatif – qui sont partisans d’une régularisation de tous les sans papiers.

Mais encore une fois, comment ? Est-ce que le succès des 5 500 travailleurs actuellement en grève, même s’ils n’arrachaient « que » leur régularisation et dans la foulée celle de dizaines de milliers d’autres répondant aux critères de trois ans de présence et de travail, ne serait pas un formidable encouragement pour la régularisation de tous ? Est-ce que le succès de grévistes en lutte pour leur salaire n’apporte pas l’augmentation à tous les autres de l’entreprise, et parfois à ceux d’autres entreprises encore ?

C’est un enjeu important que cette grève gagne, et ce qui ne légitime guère aujourd’hui les dirigeants de la CSP 75, c’est surtout qu’ils semblent rester au mieux réticents, au pire franchement hostiles à la grève. Ils ont appelé ces tout derniers temps à quelques rassemblements de sans papiers, sans même mentionner et a fortiori soutenir cette grève. La seule façon pourtant de faire table rase du passif, serait de se joindre de toutes ses forces à la grève.

B. R.

Mots-clés CGT , Politique , sans-papiers