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Argumentaire : Oui, les travailleurs ont les moyens, tous ensemble, d’interdire les licenciements

dimanche 4 octobre 2009

Pas un jour ne passe sans que plusieurs entreprises n’annoncent des réductions d’effectifs, quand elles ne ferment pas tout bonnement. Les attaques redoublées de l’été continuent de se multiplier cet automne. Le patronat poursuit à marche forcée la constitution d’une armée de chômeurs dans tout le pays. Après une première vague de suppressions de postes par non remplacement des contrats d’intérim ou CDD, ce sont les emplois permanents qui disparaissent ; après les attaques contre les travailleurs de la sous-traitance, viennent celles contre les travailleurs des plus grandes entreprises. Les grands donneurs d’ordre tels que Renault ou PSA, ont sacrifié cyniquement les salariés de la sous-traitance ou des équipementiers, avec les conséquences fatales et tragiques pour l’emploi et pour les familles sur des régions entières.

À qui veut-on faire payer la crise ?

Partout c’est une même politique qui s’applique : licenciements et suppressions de postes, aggravation de la précarité en particulier pour les jeunes et les femmes, intensification du travail, voire samedis travaillés obligatoires après avoir viré les intérimaires comme à PSA.

La crise a bon dos et n’est pas pour tout le monde. Les grands groupes en profitent pour « restructurer » des secteurs entiers de l’économie, concentrer le capital, dans le but de se redéployer avec toujours plus d’agressivité sur le marché mondial. Bien sûr, il y a des « perdants », des entreprises qui « coulent », les plus petites, la sous-traitance, les équipementiers... Yann Delabrière, PDG de Faurecia, pouvait ainsi déclarer, non sans cynisme : «  Nous sortirons d’autant plus forts de la crise que de nombreux petits acteurs n’y résisteront pas  ». Pour cela, il ne suffit pas d’éliminer la concurrence, encore faut-il faire supporter le coût de la crise aux travailleurs et au reste de la population.

Les travailleurs ne sont pas démunis

Pourtant, la crainte qu’inspirent les classes populaires aux possédants est bien réelle, comme la peur d’un embrasement généralisé. Les séquestrations de hauts cadres, les occupations d’usines, les menaces de faire sauter le stock ou les machines, sont autant de signes du large sentiment de révolte qui pourrait, s’il s’unifiait, menacer franchement le pouvoir du patronat. Les journées d’action syndicales de cet hiver et du printemps ont connu un succès de taille et un vaste soutien de l’opinion populaire. Et l’idée de faire converger les luttes aurait sans doute franchi un seuil, si les directions syndicales confédérales ne s’y étaient opposées, en jouant délibérément de leurs freins dans leur crainte d’être débordées, alors que la grève générale qui secouait la Guadeloupe venait de donner l’exemple de ce qu’il est possible de faire et d’obtenir.

En revanche, localement, et même si toutes n’ont pas eu le même retentissement national, les luttes de ces derniers mois, même minoritaires, sont un clair avertissement. Pas une région n’a été épargnée par une myriade de conflits. Le sentiment de colère et d’indignation, lui, est d’ores et déjà majoritaire. Reste que jusqu’à présent, il a manqué l’élément qui aurait permis d’unifier les luttes et les résistances en un seul et puissant mouvement.

Face à la gravité de la situation, la convergence de toutes nos luttes devient une question vitale. C’est le rapport de force que l’ensemble des salariés pourra établir qui permettra de mettre en œuvre et d’appliquer un plan de sauvetage, non pas des banquiers et des grands actionnaires de l’industrie, cette fois, mais des travailleurs et de toutes les couches populaires.

Un plan de sauvegarde réalisable, sur la base d’un certain rapport des forces

Toutes ces mesures de sauvegarde des intérêts des salariés et de toutes les couches populaires,

n’ont rien d’utopique. La société, au siècle de l’informatique, des biotechnologies, des sciences écologiques, croule sous les richesses matérielles, techniques, scientifiques et culturelles. Il n’y a aucune fatalité à la crise, et encore moins au fait que ce soit la population qui en fasse les frais. Il n’y a aucune fatalité à l’accumulation éhontée de la richesse pour une infime minorité à un bout et de la misère à l’autre, tout cela au détriment de l’avenir de l’humanité et de la planète. Les mesures de sauvegarde que nous préconisons ne sont jamais qu’une question de choix sociaux évidents, presque de simple bon sens. Une question de choix politiques en fait : de qui décide quoi. En un mot, une question de rapport des forces.

Qui décide quoi ?

Aujourd’hui, on sait très bien qui décide des plans de licenciements et de restructurations, qui programme à grande échelle le chômage, le pillage et le saccage des services publics : toutes ces multinationales industrielles et financières qui bénéficient de l’assistance perpétuelle, financière, institutionnelle et politique, de leurs États respectifs. À leur service, elles ont des hommes d’État qui savent trouver des milliards pour les renflouer en temps « de crise », tout en prônant avec aplomb aux couches populaires de travailler plus et plus longtemps… pour gagner toujours moins. 200 ans de règne du capitalisme ont parfaitement rodé et rompu ces gens-là à centraliser et coordonner toutes les décisions qui protègent leurs profits et passe-droits, tout en s’entendant à diviser, atomiser, affaiblir, calomnier et réprimer ceux qu’ils exploitent. C’est cela leur conscience de classe. Une classe ultra minoritaire, mais qui sait mener sans états d’âme une guerre sociale parfaitement programmée contre l’ensemble des exploités.

Une classe avide et impitoyable, mais dont la fonction parasitaire n’a jamais été aussi évidente qu’avec la crise actuelle. Elle n’a désormais pas plus de légitimité que l’aristocratie d’origine féodale à la veille de la révolution française, il y a deux siècles. Il suffirait finalement de peu de chose pour que le rapport des forces s’inverse en sa défaveur et que les règles du jeu de la société, celles qui permettent de savoir qui décide quoi, changent du tout au tout. Pour que toutes nos revendications, plus exactement nos exigences, deviennent réalité. Pour que les victimes des plans de licenciements, des bas salaires et de la surexploitation sous toutes ses formes, deviennent maîtres de leur existence. Il faudrait pour cela que la majorité, celle qui paie les frais de la crise, prenne conscience de son nombre et programme à son tour une contre-offensive de classe, tout aussi coordonnée et centralisée que l’offensive de l’adversaire.

Les luttes existent, mais restent isolées

Certaines entreprises en lutte sont parvenues à arracher des concessions ou des semi-victoires mais jusqu’ici, au niveau du rapport de force global, le patronat est parvenu, avec le soutien actif du gouvernement, à dicter ses intérêts à la grande majorité de la population et au prix d’un désastre social qui s’annonce immense.

Dans le contexte actuel, une lutte locale, dure, déterminée et bien menée, peut, même si ce n’est pas toujours le cas, faire reculer le patron à la marge, obtenir des indemnités de licenciements moins faibles que les conditions légales. Mais elle reste impuissante à faire réellement céder le patronat sur l’essentiel, les suppressions de postes ou les licenciements. Et même quand une de ces luttes parvient à faire reculer un patron, trop souvent elle laisse sur le carreau les CDD et les intérimaires, comme les salariés encore plus vulnérables des petites entreprises voisines, pouvant laisser un goût amer aux grévistes quand bien même ils ont remporté une victoire partielle pour eux-mêmes. À quoi sert que nous soyons de plus en plus nombreux à nous battre, si c’est pour rester isolés chacun face à son patron ?

Si ceux qui luttent contre les licenciements trouvent le moyen de nouer des contacts et de rassembler les pièces du puzzle de leurs luttes, leur force commune représentera le centuple de celle de leurs combats éparpillés. Ils pourraient alors s’adresser à tous les travailleurs, ceux de petites entreprises qui licencient aussi, ceux des services publics qui suppriment des postes, aux intérimaires à qui on ne propose plus de contrat, et aux chômeurs. Ils auront du même fait les moyens de s’adresser efficacement aux organisations syndicales et politiques en vue d’une unité bien comprise en faveur des intérêts des exploités et de leur victoire.

Premiers jalons vers les réseaux et collectifs de salariés contre les patrons voyous

De fait, cet été, des salariés en butte aux licenciements ont commencé à vouloir sortir de leur isolement et ont entrepris de s’adresser aux autres. Ici ou là cependant, des contacts ont été pris. La mobilisation des salariés de la fonderie SBFM, en Bretagne, a entraîné la population des environs et, malgré un patron en faillite, ils ont imposé à Renault de reprendre l’entreprise sans aucun licenciement.

Dans l’est de la France, un Collectif de Résistance Ouvrière qui regroupe plusieurs entreprises de la Meuse et de la Haute-Marne (Sodetal, Mc Cormick, Ellat, Ebrex, Rocamat) s’est constitué en déclarant : « …il faut nous rassembler et ne plus rester chacun dans son usine ou dans sa ville : Ce n’est qu’en nous fédérant, et en organisant nous-mêmes la riposte que nous pouvons espérer gagner ! (…) Né en Meuse Haut- Marne, notre collectif a vocation à s’étendre régionalement et nationalement (…)  »

Puis ceux de New Fabris, dans la Vienne, parfaitement conscients des limites d’un bras de fer isolé, ont eux aussi entrepris de s’adresser aux autres, à tous les autres, en appelant à la constitution d’un Collectif contre les patrons voyous. Et en septembre, ceux de Ford Blanquefort près de Bordeaux, puis les ouvriers et ouvrières de Freescale en grève, à Toulouse, ont pris le relais (voir nos articles sur le sujet dans ce même numéro).

Bilan de l’année : il est urgent d’unifier nos luttes

Jusqu’ici, les directions des grandes organisations syndicales n’ont pas répondu aux attentes des salariés et ont préféré jouer le rôle de frein au profit du prétendu « dialogue social » avec le patronat et le gouvernement. Mais il est à parier que les initiatives de coordination des travailleurs en lutte, si elles prennent de l’ampleur, ne leur laisseront guère le choix, et que les grandes organisations ouvrières traditionnelles – tant syndicales que politiques – préfèreront alors se joindre à leurs efforts sous peine de se discréditer. Tous les appuis étant souhaitables et bienvenus, il faut souhaiter qu’il en soit ainsi.

Un mouvement généralisé serait capable d’imposer aux entreprises phares de maintenir les emplois sur chaque site et dans chaque filiale, capable d’ouvrir et d’éplucher les comptabilités des entreprises pour suivre la trace des profits accumulés depuis des années. Un mouvement généralisé se donnerait aussi l’objectif de faire payer les donneurs d’ordre quand des sous-traitants sont acculés à la faillite par les grands groupes et que les travailleurs sont laissés sur le carreau.

Oui, il est possible non seulement d’imposer le maintien des salaires, mais d’aller au-delà d’indemnités extra-légales et d’interdire les licenciements. À condition de faire converger toutes les luttes déjà existantes et celles à venir en un vaste mouvement d’ensemble. C’est dans de telles circonstances que les patrons comme le gouvernement préfèrent reculer, de peur de tout perdre. C’est dans de telles circonstances que les travailleurs et les couches populaires ont enfin les moyens de changer la société.

C’est en nouant le fil des luttes, que s’allumera la mèche. C’est un tel embrasement social qui donnera aux salariés et à la population les moyens de dicter leurs exigences, d’interdire les licenciements, et de remettre en cause la propriété privée des patrons récalcitrants. En un mot, ce seront les travailleurs mobilisés et organisés qui feront la loi.

Mots-clés Licenciements , Politique