Convergences révolutionnaires

Site de la fraction L’Étincelle

Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 148, novembre 2022 > Recommandations

URL : https://www.convergencesrevolutionnaires.org/Recommandations-19639

Recommandations

lundi 21 novembre 2022

Des extraits de critiques que vous pourrez retrouver en version intégrale sur notre site


R.M.N.

Film de Christian Mungiu

2 heures 05, en salle

Immigrés de tous les pays, unissez-vous !

Ce film du réalisateur roumain commence dans un abattoir en Allemagne. Un ouvrier immigré roumain d’une ethnie germanophone, se fait traiter de « sale gitan » par un contremaître d’origine turque. Un cou(p) de bélier plus tard, il est sur la route du retour vers son village de Transylvanie, dans une zone où se mêlent des communautés hongroises et roumaines.

Là-bas, on parle roumain, hongrois, allemand, anglais et même un peu français. Un métissage linguistique totalement connecté au reste du monde, que ce soit par les smartphones, les subventions de l’Union européenne ou les migrations plus ou moins définitives des habitants, qui tentent leur chance à l’autre bout de l’Europe. Car justement, du boulot, il n’y en a pas. Enfin si, un peu. La gérante d’une boulangerie industrielle fait appel à un prestataire qui lui envoie deux, puis trois ouvriers sri-lankais, dont l’arrivée déclenche une vague de xénophobie. D’abord en ligne, puis la violence monte d’un cran.

Le film expose tous les problèmes de cette petite société multi-ethnique plongée dans la mondialisation capitaliste et ses enjeux. Les personnages se confrontent comme lors de cette extraordinaire assemblée municipale au cours de laquelle les villageois débattent de l’expulsion des ouvriers sri-lankais. Un sacré moment de cinéma, filmé en plan fixe, avec la sobriété d’un documentaire… ou d’une radiographie. D’ailleurs le titre, R.M.N., n’est pas qu’une référence au nom du pays, ça signifie IRM. Charge aux spectateurs d’en tirer un diagnostic. Et des perspectives !


Annie Ernaux, prix Nobel

Le prix Nobel de littérature a été attribué le 6 octobre 2022 à Annie Ernaux. Elle est la 17e femme récompensée depuis la création du prix en 1901. Donner ce prix à une autrice féministe, engagée et dont une des œuvres, L’Événement, porte sur un avortement clandestin à l’heure où le droit à l’avortement est remis en question aux États-Unis n’est pas anodin. Un film, ayant reçu le Lion d’or à la Mostra de Venise, a été adapté de cet ouvrage en 2021.

Si vous souhaitez découvrir l’univers d’Annie Ernaux, vous pouvez vous plonger dans son œuvre, facile d’accès… mais aussi lire l’article que nous lui avions consacré en 2020 : Annie Ernaux : Écrire la vie.


La vie clandestine

De Monica Sabolo

Gallimard, 2022, 320 p., 21 €

Dans cet ouvrage, Monica Sabolo entremêle deux histoires qui, à priori, n’ont rien à voir l’une avec l’autre : la sienne et celle du groupe Action directe qui, dans les années 1980, fit parler de lui en organisant des dizaines d’attaques et d’attentats qui se soldèrent parfois par des morts. L’autrice cachera son histoire familiale une bonne partie de sa vie. Une histoire qui restera, en quelque sorte, clandestine.

Plus tard, à la recherche d’un sujet pour un prochain livre, elle découvre, à l’écoute de France Inter, la saga d’Action directe. Elle dresse alors un parallèle entre la vie – clandestine mais illicite – des membres de ce groupe, et la sienne propre. Et, pour écrire l’ouvrage, elle se met à la recherche des membres survivants de cette petite organisation qui, à son apogée, ne compta guère plus de deux centaines de sympathisants et une quinzaine de membres actifs, dont quatre firent longtemps la une des journaux : Jean-Marc Rouillan, Nathalie Ménigon, Joëlle Aubron et Georges Cipriani.

On peut certes discuter la pertinence du parallèle que Sabolo établit entre sa vie propre et celles des membres de ce groupe, en particulier celles de Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron. C’est un procédé littéraire qui peut paraitre un peu artificiel mais qui finalement marche assez bien. On peut se demander cependant si, à la longue, les membres d’Action directe continuèrent de croire réellement à la possibilité de « réveiller » les masses laborieuses par des attentats. En choisissant la vie clandestine par rejet du monde injuste qui les entourait et qu’ils détestaient, ils recréaient une microsociété clandestine où chacun était prêt à se sacrifier pour les autres. À cela s’ajoutait l’engagement armé qui apportait à tous sa dose d’adrénaline. Et face à ce quotidien excitant, l’objectif initial avait perdu beaucoup de son importance. C’était une fuite en avant.