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La colère des hôpitaux contre la loi Bachelot

vendredi 3 juillet 2009

Entre l’annonce de la loi et son vote au Sénat, la mobilisation autour de la loi Bachelot aura presque duré un an. Et encore le gouvernement a-t-il utilisé la procédure d’urgence, pressé qu’il était d’offrir au secteur privé une part toujours plus grande des recettes tirées de l’assurance-maladie, autrement dit de nos cotisations. La loi a été votée au Parlement en mai, au Sénat le 6 juin et il ne reste au gouvernement qu’à en accorder les détails entre les deux chambres, ce dont a la charge une commission mixte.

Mais les personnels ont encore leur mot à dire.

Les mouvements se succèdent dans les hôpitaux, pas seulement contre la loi, mais contre toutes les attaques, fermetures d’unités, suppressions d’emplois, réductions des RTT qui se multiplient depuis des années dans le cadre des plans Hôpital 2007 , puis Hôpital 2012 , ou des divers programmes dits de résorption des déficits imposés par le ministère ou les agences régionales.

Le mouvement a fait, à l’échelle nationale, la Une de l’actualité ce printemps, lorsque médecins et chefs de services des hôpitaux de Paris ont pris publiquement position contre la loi Bachelot et « la mort de l’hôpital public » . Côté médecins il n’aura peut-être été qu’un feu de paille. Mais, chez les personnels, la colère est toujours là et ne peut que ré-exploser avec les premières mesures d’application de la loi.

La fronde des médecins…

L’ « appel des 25 » , lancé par ces chefs de service parisiens, a regroupé derrière lui une très large partie des médecins des hôpitaux, et a été suivi de deux manifestations, les 28 avril et 14 mai appelées par les médecins et les organisations syndicales. L’opposition à la politique du gouvernement en matière de santé est venue y compris de son propre camp. Même Bernard Debré, ancien ministre du gouvernement Balladur et, par ailleurs, professeur de médecine était dans la rue ! Une partie de ces chefs de service, peu protestataires d’ordinaire, voient bien que ce sont leurs moyens qui vont davantage s’étioler. Pour une autre, les raisons sont moins honorables : évincés des directions hospitalières par des vrais patrons-gestionnaires, ils tiennent à défendre leurs positions à la tête des établissements. Quoi qu’il en soit, la loi Bachelot a fait l’unanimité contre elle et la coordination des médecins a permis, le temps de deux journées de manifestations et de grève dans un intervalle de 15 jours, de regrouper les personnels hospitaliers dans des protestations d’une plus grande ampleur.

… sur fond de mouvements de colère des personnels hospitaliers

Côté personnel, les protestations se sont multipliées cette année contre les conséquences des restrictions budgétaires. Les urgences de Poissy, de l’hôpital Edouard-Herriot de Lyon, en janvier, celles de l’hôpital de la Conception à Marseille en avril, et encore bien d’autres, ont connu des mouvements de grève. Dans ces services en permanence surchargés, le personnel soignant est toujours débordé. Il faut souvent y attendre des heures pour être pris en charge et encore pour se retrouver sur un brancard au milieu d’un couloir encombré. En décembre, les médecins urgentistes se sont mis en grève contre « l’étranglement financier de l’hôpital public » et ses conséquences sur les malades.

Face aux fermetures de lits et de services, les réactions sont tout autant nombreuses, on se rappelle l’hôpital de Carhaix qui, à force de mobilisation des personnels et de la population, avait réussi à obtenir, en juin dernier, que le tribunal de Rennes annule la décision de l’Agence régionale d’hospitalisation de fermer les services de chirurgie et de maternité. Mais aujourd’hui, avec la politique de regroupement des hôpitaux, Carhaix entre dans le giron de l’hôpital de Brest et la même opération de suppressions des services se répète. Que les patients se retrouvent à des cinquantaines de kilomètres de leur hôpital, cela n’a pas l’air de gêner la ministre qui a pourtant intitulé sa loi « hôpital patient santé territoire », autant dire « désert » !

À Besançon et en Franche-Comté, où plus de 640 emplois sont menacés, les personnels sont parvenus au prix d’un effort de coordination à imposer aux syndicats qu’une journée de manifestation ait lieu le 22 janvier regroupant 1 200 personnes et où presque tous les hôpitaux de la région étaient représentés, ceux du Doubs, du Jura et de Haute-Saône.

À Nantes, où la direction veut aussi rééquilibrer le budget sur le dos de ses salariés, un plan de départ volontaire, à la façon des entreprises de l’automobile, a été mis en place ; lequel prévoit la suppression de 200 postes. Au Havre ce sont 800 postes et, à l’AP-HP, 1 200 que les autorités hospitalières pensent supprimer cette année. Les premiers touchés par les restrictions de l’Assistance publique de Paris sont les personnels administratifs ( 1 000) ; sous couvert d’un nouveau système informatique et à la faveur des regroupements, un bon nombre devra quitter son établissement pour aller travailler en plateformes. Et les infirmiers ou les aides-soignants devront sans tarder assurer de plus en plus de tâches administratives.

Au CHU de Rennes, une large mobilisation réunit le personnel depuis début mai quand la direction a décidé de supprimer cinq jours de RTT pour économiser 100 emplois de remplaçants. Chaque mardi et jeudi, 20 % du personnel participe à la grève, manifestant à la Direction générale et au Conseil municipal ou organisant un rassemblement contre R. Bachelot à Rennes.

Un peu partout, les salariés des hôpitaux réagissent, mais c’est en ordre dispersé ; ce n’est pourtant pas faute d’avoir des revendications communes. Alors que de plus en plus nombreux sont ceux qui pensent qu’il serait temps de s’y mettre tous ensemble et les journées du 29 janvier et du 19 mars ont tout de même montré clairement cela , les directions syndicales s’entêtent à proposer au mieux une journée AP-HP ! Il faudra donc que ça se fasse sans elles.

Il faut une riposte organisée et coordonnée…

Dans les assemblées générales des personnels qui se sont réunis suite à l’annonce des grèves du 28 avril et du 14 mai, une partie des personnels a exprimé sa crainte et son refus de se mettre simplement à la remorque des médecins, alliés surprise de dernière minute. Non sans raison, car il n’est pas rare que la cohabitation soit pénible dans les services. Les médecins n’ont souvent pas réagi face à la mise en place de la T2A ou la création des pôles. Ils ne se sont pas plus sentis solidaires lorsque les restrictions de personnels rendaient le travail dans les services insupportable pour les aides-soignants et les infirmiers.

Pourtant, les personnels sont souvent venus plus nombreux à ces AG et les manifestations ont grossi et ont fini par être nationales le 14 mai. Alors, si les revendications de chacun pouvaient être clairement posées, plus offensives du côté des salariés que des médecins, mais certaines aussi partagées, il n’y aurait aucun risque de faire de ces derniers des alliés, momentanés ou non, dans une lutte. La détermination des personnels et la possibilité qu’ils auraient de se doter d’organes de coordination entre les établissements feraient d’eux non la queue mais la locomotive du mouvement.

… pour un mouvement d’ensemble des hôpitaux

Prélude à une mobilisation plus profonde ou coup de colère des salariés des hôpitaux ? Tout porte à croire en tout cas que les personnels hospitaliers n’en resteront pas là tant s’aggravent les conditions de travail et se détériorent les conditions d’accueil des patients. Après les deux journées de grève et de manifestation, c’est vrai que la loi Bachelot a été votée à peu près telle quelle. Mais rien ne dit que son application ne déclenchera pas d’autres réactions.

En tout cas, les attaques orchestrées par un gouvernement qui s’attache à démanteler le service public hospitalier au profit des hôpitaux privés ne pourront être stoppées que par un mouvement d’ensemble des hôpitaux dont les directions syndicales ne veulent pas mais qui s’impose pourtant dans une telle situation.

Blandine MESNIL

Mots-clés Entreprises , Hôpital
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