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Conseils de lecture pour l’été

mardi 28 juin 2022

L’Île aux arbres disparus, d’Elif Shafak, traduit de l’anglais par Dominique Goy-Blanquet

Flammarion, 2022, 400 p., 22 €, ebook 14,99 €

Il s’agit du dernier roman d’Elif Shafak, autrice d’origine turque, exilée au Royaume-Uni. Un ouvrage original et étonnant, dont un des personnages principaux (et l’un des narrateurs !) est un figuier, transplanté de Chypre à Londres. Un figuier qui est enterré, puis déterré, à la manière dont on enterre puis déterre les secrets. Ces secrets sont en rapport avec l’histoire de Chypre, évoquée à travers l’histoire d’amour impossible entre Defne qui est turque, et Kostas, qui est grec, en pleine guerre civile, en 1974. Un livre triste et poétique, qui donne aussi envie d’en savoir plus sur l’histoire de Chypre.

Lydie Grimal


La rafle du Vél d’Hiv, Paris, juillet 1942, de Laurent Joly

Grasset, 2022, 395 p., 24 €

Les 16 et 17 juillet 1942 plus de 8 000 hommes et femmes, pour la plupart des Juifs originaires d’Europe centrale, notamment de Pologne, et 4 000 enfants, qui le plus souvent avaient eux la nationalité française, étaient arrêtés en région parisienne par la police de Vichy sur ordre de l’occupant. Joly a épluché des centaines de témoignages de victimes, a passé au crible des rapports d’arrestation et des lettres de dénonciation, etc. Cela donne un tableau très réaliste, mais étonnamment nuancé, de la vie quotidienne à cette époque dans la capitale et une description très précise des conditions dans lesquelles se déroula cette tragédie. Pour conclure, il faut souligner, mais cela était déjà connu, que l’immense majorité des policiers et des fonctionnaires qui prirent part, directement ou indirectement, à la rafle ne furent pas inquiétés après guerre. Seule une infime minorité fut sanctionnée, et la plupart du temps de façon bénigne. Et, dix ans plus tard, certains d’entre eux furent en première ligne dans la répression contre les Algériens. Preuve que les régimes passent, mais que la police reste égale à elle-même.

Jean Liévin


Une sélection de romans en poche

La Dernière frontière, de Howard Fast

Gallmeister, 272 p., 9,50 €

Parqués dans un territoire aride de l’Oklahoma par le Congrès américain à la fin des guerres de conquête de l’Ouest, les Indiens survivent, affamés par les administrateurs des réserves. 300 Cheyennes, hommes, femmes, enfants et vieillards, décident alors de s’enfuir pour retrouver leur terre fertile des Black Hills, plus au nord. Ce roman d’aventure a tout du western et fut d’ailleurs adapté au cinéma par John Ford. Il retrace une histoire réelle, celle de la révolte d’un petit groupe pour sa dignité, contre un État tout puissant et son armée commandée par des imbéciles imbus d’eux-mêmes, des incompétents ou des hommes qui pensent ne pas avoir d’autre choix qu’obéir.

On ne peut que penser à un autre roman du même auteur, Spartacus.


Silencios, de Claudio Fava

J’ai Lu, 128 p., 5 €

Argentine 1978, la dictature de Videla sévit depuis deux ans et s’apprête à accueillir la Coupe du monde de football pour faire diversion. Dans le club de rugby de La Plata, formé de jeunes travailleurs ou lycéens et étudiants plutôt pauvres, à l’image de leur quartier, les joueurs ne s’occupent pas de politique mais l’assassinat d’un des leurs les fait réagir… et fait réagir le pouvoir aussi.

Écrit par un député et leader de la gauche italienne, ce court roman est inspiré d’un fait réel et rend hommage à ceux qui un jour disent non, quelles qu’en soient les conséquences.


Ce genre de petites choses, de Claire Keegan

Le Livre de poche, 128 p., 6,90 €

D’une écriture lumineuse et limpide, tout en délicatesse, ce roman traite du choix individuel, ici celui d’un homme qui a « réussi » mais fait un jour un pas de côté, et de la terrible et honteuse réalité des couvents « Magdalene ». Jusqu’en 1996, en Irlande, une dizaine de milliers de jeunes filles (c’est l’estimation basse) y ont été enfermées à la demande de leur famille, car elles avaient « fauté » ou étaient enceintes (parfois, voire souvent, le résultat de viols !). Elles y travaillaient gratuitement, étaient maltraitées et on leur arrachait leurs enfants dès qu’ils pouvaient être adoptés.


Une étincelle de vie, de Jodi Picoult

Babel, 480 p., 9,70 €

Ce roman américain sorti en 2019 en France et en mai 2021 en poche est, hélas, en phase avec une actualité américaine. Celle de la remise en cause du droit à l’avortement. Le récit se déroule au Mississippi : une attaque armée suivie d’une prise d’otages a lieu dans la dernière clinique de l’État à pratiquer l’avortement. Nous suivons alors différents personnages, heure par heure mais à rebours des événements, et découvrons ce qui les a amenés là. La lecture est captivante, car le récit est plein de rebondissements, très documenté sur l’avortement, et les personnages complexes et attachants.


Fille, de Camille Laurens

Folio, 256 p., 8,20 €

Laurence nait en 1959 dans une famille où l’on attendait un garçon, après une première fille. On la suit de l’enfance à l’âge adulte, de fille à femme puis mère. Une destinée typique d’une époque où être fille signifiait ne pas être un garçon. Roman féministe mais aussi réflexion sur le langage qui illustre la place de la femme dans une société française marquée par une misogynie ordinaire.


Ce qu’il faut de nuit, de Laurent Petitmangin

Le Livre de poche, 144 p., 7,20 €

Un père, cheminot, de gauche, et ses fils qu’il adore, dans l’est de la France ; ou comment une relation est détruite peu à peu quand le fils aîné se met à trainer avec des jeunes d’extrême droite… jusqu’à une série de drames. Un roman très fin et sensible, juste et émouvant, tant dans les analyses psychologiques que dans la description sociologique des milieux ouvriers et des inégalités de classe.


Nature humaine, de Serge Joncour

J’ai Lu, 480 p., 8,90 €

Fresque sur les bouleversements de l’agriculture en France. Le roman se déroule sur vingt-cinq ans, de la sécheresse de l’été 1976 – c’est la première fois que la nature tape du poing sur la table –, jusqu’à 1999 – prémonition d’un dérèglement climatique. Une tempête (deux en fait à 24 heures d’intervalle, au nord puis au sud du pays) en guise d’apothéose, qui marque la désillusion de l’arrivée de l’an 2000, sans aucun changement positif.


L’art de perdre, d’Alice Zeniter

J’ai Lu, 8,90 €

La saga d’une famille kabyle sur trois générations entre l’Algérie et la France. Colonisation, guerre, exil… d’autant plus douloureux qu’il s’agit d’une famille de harkis (algériens enrôlés dans l’armée française, considérés comme traitres en 1962 lors de l’indépendance). Naïma, la petite-fille ne connaît quasiment rien de l’histoire familiale car Ali son grand-père est mort, Yéma, sa grand-mère ne parle pas français et Hamid son père ne veut pas en parler, car il a honte. Un sujet peu traité, ce qui est une des qualités de ce beau roman, à la fois réaliste et poétique.


Des polars :

Impact, d’Olivier Norek

Pocket, 2021, 8,40 €

Ce livre pourrait être qualifié de « polar écologiste » ou de « thriller social ». En effet, la trame policière du roman est le prétexte pour s’interroger sur le saccage de la planète sur les cinq continents et ses conséquences sur la vie des hommes et des espèces animales et végétales. Un grand patron, en l’occurrence le PDG de Total, est enlevé par un commando qui, pour le libérer, exige une rançon de vingt milliards d’euros. Mais on sort alors du polar traditionnel lorsque le porte-parole dudit commando précise que cet argent sera intégralement restitué au groupe pétrolier par tranche de cinq milliards d’euros chaque fois que ledit groupe fera un effort pour améliorer la sauvegarde de la planète. Palpitant et édifiant.


L’Attaque du Calcutta-Darjeeling ; Les princes de Sambalpur, d’Abir Mukherjee

Folio policier, 8,70 € chaque

Dans l’Inde coloniale d’après la Première Guerre mondiale, le capitaine Sam Windham, policier anglais, mène des enquêtes à haut risque mêlant intrigue policière, peinture réaliste et caustique de la société coloniale raciste dans laquelle des mouvements nationalistes s’éveillent, et aventures.

Le style et le ton, détachés et pleins d’humour malgré les situations dramatiques, sont agréables et rendent la lecture prenante.

Le troisième roman de la série Avec la permission de Gandhi vient de sortir en grand format.


Darktown ; Temps noirs, de Thomas Mullen

Rivages/Noir, 9,80 € et 9,90 €

Atlanta 1948, les premiers policiers noirs sont embauchés par la police de la ville… mais dans le sud où règnent la ségrégation et le racisme, ils sont des « sous-flics » chargés de maintenir l’ordre dans les quartiers noirs. Le contexte rend ces romans passionnants avec les prémisses de la lutte pour les droits civiques, les divisions entre Noirs pauvres et bourgeois, habitants des campagnes qui vivent dans la peur permanente des lynchages et citadins plus protégés.

Le troisième de la série, Minuit à Atlanta, n’est pour le moment disponible qu’en grand format ou en ebook.


Donbass, de Benoit Vitkine

Le Livre de poche, 7,70 €

Benoit Vitkine, grand reporter au Monde, a obtenu le prix Albert-Londres (récompense prestigieuse de journalisme) en 2019 pour une série de reportages sur l’Ukraine, dont le Donbass, région minière de l’est du pays, en guerre depuis 2014 suite au soulèvement de séparatistes pro-russes.

C’est au Donbass qu’il nous entraîne, en 2018 alors que la guerre sévit depuis quatre ans et que tout le monde s’y est habitué. L’assassinat sauvage d’un enfant est le point de départ de l’enquête… prétexte à nous plonger dans cette guerre fratricide et oubliée jusqu’à la récente attaque de l’Ukraine par la Russie de Poutine.

Liliane Laffargue

Mots-clés Culture , Livre
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