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Les raisins de la colère

mardi 2 décembre 2008

Lorsque Lénine proposait, dans La catastrophe imminente et les moyens de la conjurer , la fusion de toutes les banques en une banque unique d’État, il s’agissait, entre autres, de permettre aux travailleurs de contrôler le comportement des capitalistes. Sauf qu’on était en septembre 1917, que les travailleurs étaient armés, puissamment organisés à travers les Conseils ouvriers (soviets), ces mêmes conseils qui allaient prendre et exercer le pouvoir quelques jours plus tard. Les travailleurs disposaient donc déjà d’organes de contrôle.

Nous sommes évidemment loin de telles conditions. Non seulement les organes du contrôle ouvrier n’existent pas mais la mobilisation permettant de les envisager n’est pas là non plus !

Cela dit, si la mobilisation ouvrière accuse un retard par rapport à la situation dont profitent gouvernements et patronat, la situation l’impose plus que jamais et les patrons la craignent (voir les propos des DRH des principales entreprises françaises). Il y aura, il y a déjà, des travailleurs en lutte contre les conséquences que la crise de l’économie capitaliste fait peser sur eux.

Convergence des luttes pour : le paiement intégral du salaire, le partage du travail entre tous...

Des centaines de milliers de travailleurs ont été licenciés en France depuis cet été.

Or la preuve a été faite ces dernières semaines que, de l’argent, l’État sait en trouver quand il y a urgence pour les patrons. Les constructeurs d’automobiles européens réclament des aides de 40 milliards d’euros pour faire face à l’effondrement du marché de l’Automobile. Une somme qui permettrait de payer un salaire de 1 500 euros par mois, charges comprises, pendant un an à plus d’un million de travailleurs. En mai dernier, donc peu avant le licenciement de tous les intérimaires et avant d’annoncer les mesures de chômage partiel, Renault avait distribué plus de 900 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires, de quoi payer les salaires de 100 000 travailleurs pendant trois mois : il y avait donc largement de quoi ne pas amputer la paye des travailleurs par la mise en chômage partiel !

Le paiement intégral du salaire, le partage du travail entre tous, financés sur les profits passés et présents, sont des réponses concrètes à la situation de milliers de travailleurs, des réponses qui les uniraient et les dresseraient contre leur propre patron. Évidemment, pour le contraindre à mettre la main à la poche, il faudra des luttes déterminées. Et il faudra que les travailleurs s’organisent non seulement pour contrôler leurs luttes, mais aussi les comptes de leur patron, pour mettre la main sur les niches qui pourraient garantir le paiement des salaires. Mais, surtout, il faudra que les luttes soient contagieuses : d’une part, c’est cette contagion qui peut créer la peur chez les patrons, mais aucun contrôle n’est possible sans l’organisation de travailleurs de larges secteurs : contrôler les comptes d’une entreprise suppose, entre autres, que les travailleurs aient des liens étroits avec ceux des banques, que ceux-ci soient eux-mêmes organisés pour pouvoir le faire. Et ces derniers y auraient d’autant plus intérêt qu’eux-mêmes sont menacés dans leur emploi par la crise du système bancaire.

… l’interdiction des licenciements, y compris des intérimaires, l’augmentation générale des salaires, et tout le reste !

Les luttes ne doivent pas rester isolées mais doivent s’étendre, de proche en proche, à tous les secteurs. Car c’est tous les travailleurs qui sont menacés de perdre leur emploi dans la crise : tous ne le perdront pas, mais la menace pèse sur tous. Il faut donc aussi des objectifs généraux, politiques, comme l’interdiction des licenciements, l’augmentation générale des salaires, qui permettent aux luttes de converger.

La crise entraînera inévitablement des luttes. Le patronat compte sur les directions syndicales pour empêcher qu’elles ne convergent en un mouvement d’ensemble. Personne d’autre que les révolutionnaires n’est prêt à intervenir dans les luttes pour proposer des objectifs qui tout à la fois permettent cette convergence et nécessitent que les travailleurs se dotent de structures leur permettant de contrôler les faits et gestes et mouvements de fonds de leurs adversaires capitalistes.

Le maintien intégral des salaires, le partage du travail entre tous, l’interdiction des licenciements, y compris des travailleurs intérimaires, sont les objectifs que la crise met à l’ordre du jour, dès aujourd’hui. Mais, quelles que soient les mesures que l’actualité contraindra les travailleurs à mettre en avant, si ces derniers ne se dotent pas des organes leur permettant d’en contrôler la réalisation, les capitalistes, eux, non seulement trouveraient le moyen de se dérober mais reprendraient l’offensive d’autant plus facilement qu’ils sont déjà organisés pour le faire, eux dont les organes « syndicaux » les défendent autrement mieux que les syndicats « ouvriers » ne défendent les travailleurs. Eux qui disposent de toute l’organisation étatique, répressive et administrative à leur service.

Encore une fois, nous n’en sommes pas là. Mais la colère est grande parmi les travailleurs et tout peut aller très vite. Et il importe dès maintenant de fixer les objectifs.

Jean-Jacques FRANQUIER


« Welcome Lénine ! »

Dans une période dramatique précédant immédiatement la prise du pouvoir par les travailleurs en octobre 1917 en Russie, un genre de débâcle économique aussi grave que celle qui a suivi la crise de 1929, ou celle qu’on nous promet pour demain, Lénine avait opposé à la politique des partis bourgeois qu’il qualifiait de « démocratie bureaucratique », une politique de « démocratie révolutionnaire ». C’était la guerre, la misère, la famine… Les politiciens officiels multipliaient les promesses vaines. Mais depuis la révolution de février, travailleurs, paysans et soldats étaient entrés dans un processus de mobilisation, avec des hauts et des bas. Ils avaient constitué leurs « soviets » (conseils, comités, structures agissantes à la base, fédérées dans une direction politique nationale qui contestait un gouvernement de fait impotent) qui leur donnèrent la possibilité, en octobre 1917, d’assumer tout le pouvoir.

Mais, alors que la classe ouvrière n’avait pas encore pris le pouvoir, face à la débâcle économique, à la « catastrophe imminente », Lénine insistait sur le fait qu’il n’était même pas forcément besoin d’exproprier les capitalistes, mais déjà de centraliser les moyens financiers dans une banque nationale unique pour décider des affectations et investissements prioritaires. Il s’agissait de contrôler et décider de la destination des capitaux, dans l’intérêt des classes populaires. Mais par la seule manière efficace, la manière révolutionnaire, et le truchement d’organes de pouvoir des masses mobilisées, ces conseils ouvriers, les soviets, qui existaient déjà. Comme à sa façon le fit, jusqu’à un certain point, la révolution française bourgeoise à son apogée, en 1793.

M.V.


La crise va dramatiser le climat social, des patrons le disent !

Une « note de conjoncture sociale » baptisée « La déchirure », de l’association de l’association Entreprises et Personnel qui réunit plus de 150 DRH, indiquait le mardi 7 octobre que « toutes les composantes d’une crise sociale risquent d’être présentes » , du fait de la « faible adhésion au pouvoir » , l’ « absence d’alternative politique crédible » , la « multiplication probable des situations personnelles difficiles et des frustrations » , la « montée de la conflictualité dans nombre d’entreprises contraintes à la rigueur, voire aux réductions d’effectifs » et la « contestation rampante » dans le secteur public.

Le document exprime également sa « certitude » que « des craintes vont se manifester quant à la place du service public, de la part des fonctionnaires ou des citoyens » , et que « la conflictualité va monter d’un cran dans les entreprises du fait de la rigueur salariale et des suppressions d’emploi » . Estimant que les « scénarios économiques les plus pessimistes » ne sont « plus invraisemblables » , la note explique qu’ils auraient « rapidement des conséquences très négatives : appauvrissement de nombreux Français, montée sensible du chômage et difficulté des ménages modestes d’un côté, et impasse budgétaire privant le gouvernement des moyens financiers lui permettant d’agir de l’autre » .

« Un durcissement des politiques d’indemnisation du chômage, de l’assurance maladie ou des retraites complémentaires ou la multiplication des plan sociaux pourraient servir de détonateur » , juge la note, qui estime cependant qu’une « unité d’action à même de canaliser un mécontentement général est peu probable » . Sur ce dernier point, à nous de les détromper.

Mots-clés Finance , Politique